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samedi 17 octobre 2009
Lisez Scénariste en ligne !!!!
Naissance de Scenariste.biz, une nouvelle voix concernant les auteurs de télévision/cinéma dans notre beau pays. C'est l'équipe de Scénariste (ex-Gazette des scénariste) et l'UGS qui anime ce passionnant webzine.
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vendredi 16 octobre 2009
Putain, six mois !
Bon, OK, la cadence de post a baissé. OK, j'avoue. C'est juste que j'écris. J'écris beaucoup. Pour moi, pour des co-auteurs, pour des producteurs, et par bonheur un jour pour des diffuseurs (ce qui n'est pas le cas actuellement).
Les mois de rentrée sont toujours très durs. Il y a de la remise en question dans l'air. C'est notre résolution de 1er janvier à nous. Personnellement, c'est la période des speechs au CEEA. Un mélange d'optimisme et de réalisme. Un passage en revue de tout ce qui va et surtout de tout ce qui ne va pas. Côté boîte de production, on a toujours l'impression que l'été a lavé la fatigue de juin, période où plus personne ne comprenait rien au système (comme si quelqu'un y avait déjà compris qq chose). A la rentrée, on repart sur de nouvelles bases. On veut tout lire. TF1 va avoir des besoins, c'est sûr ! NRJ 12 cherche. Chez FT, ils veulent des choses jamais lues. On va secouer le cocotier des chaînes, ça ne peut plus continuer comme ça. Y'en a marre de cette fiction télé !!! ça c'était il y a quinze jours, un mois, maintenant, les premiers rendez-vous ont eu lieu. C'est le moment de retomber sur terre et d'être réaliste.
En fait, on ne va pas trop révolutionner les choses non plus. Les chaînes sont dans l'expectative. La crise, la crise de la pub, Obama, Jean Sarkozy, tu comprends, dans six mois on y verra plus clair.
Que ferais-je dans six mois ?
Les mois de rentrée sont toujours très durs. Il y a de la remise en question dans l'air. C'est notre résolution de 1er janvier à nous. Personnellement, c'est la période des speechs au CEEA. Un mélange d'optimisme et de réalisme. Un passage en revue de tout ce qui va et surtout de tout ce qui ne va pas. Côté boîte de production, on a toujours l'impression que l'été a lavé la fatigue de juin, période où plus personne ne comprenait rien au système (comme si quelqu'un y avait déjà compris qq chose). A la rentrée, on repart sur de nouvelles bases. On veut tout lire. TF1 va avoir des besoins, c'est sûr ! NRJ 12 cherche. Chez FT, ils veulent des choses jamais lues. On va secouer le cocotier des chaînes, ça ne peut plus continuer comme ça. Y'en a marre de cette fiction télé !!! ça c'était il y a quinze jours, un mois, maintenant, les premiers rendez-vous ont eu lieu. C'est le moment de retomber sur terre et d'être réaliste.
En fait, on ne va pas trop révolutionner les choses non plus. Les chaînes sont dans l'expectative. La crise, la crise de la pub, Obama, Jean Sarkozy, tu comprends, dans six mois on y verra plus clair.
Que ferais-je dans six mois ?
mardi 29 septembre 2009
L'exigence de David Simon
Entretien réalisé avec David Simon en 2008
EV : Vous avez terminé récemment la production de « The Wire », série hors-norme qui restera dans les annales de la fiction télé. C'est facile d'arrêter une telle œuvre ?
C'était étrange mais j'ai eu tellement de boulot sur d'autres projets à ce moment précis que je n'ai même pas vraiment eu le temps d'y penser. Bien sûr, le dernier jour de tournage a été quelque chose de fort et pendant que nous faisions la fête et que nous nous embrassions tous, on savait qu'on finissait un truc énorme. De mon côté, je me suis retrouvé quasi-immédiatement en Afrique du Sud sur le tournage de « Generation kill », la minisérie sur la guerre en Irak qui sera programmée après « The Wire » sur HBO. En fait, je ne suis pas sûr que nous ayons bâti quelque chose avec « The Wire ». Je pense que la série est solide et que nos thèmes sont forts. Ça devrait se regarder encore un peu pendant quelque temps. Le temps nous le dira.
EV : Qu'avez-vous appris sur la télévision en produisant « The Wire » ?
J'ai appris que la télévision peut être un medium accueillant des histoires à la narration sophistiquée, surtout si vous êtes entouré de gens qui maîtrisent leur sujet en matière de photographie, de mise en scène, de jeu d'acteur et surtout que les responsables des chaînes vous laissent en paix. C'est beaucoup demander pour l'industrie de la télévision mais grâce au câble payant et à ses séries, c'est devenu chose possible.
EV : De quoi êtes-vous le plus fier s'agissant de « The Wire » ?
Je suis fier que nos intrigues et les thèmes que nous avions choisi d'explorer soient restés intactes et intègres pendant les soixante heures que dure la série. On a mis le paquet sur les arches narratives. On a jamais foncé dans des impasses pour les besoins d'un épisode qui nous faisait "triper". On est restés concentrés sur ce qu'on voulait dire. Chaque personnage introduit avait une fonction réellement définie. Nous savions ce qui allait arrivé à chacun de nos personnages. Je pense que l'ensemble de la série respire cette exigence.
EV : Que pensez-vous de cette nouvelle génération de série du câble qui opèrent une course vers des thèmes de plus en plus décalés ? N'est-ce pas une facilité de parler avec des langages orduriers, montrer de la violence ou des corps nus pour attirer les téléspectateurs ?
Je n'ai jamais envisagé ce type de scènes comme un avantage ou un désavantage. Mes personnages parlent d'une certaine manière et agissent comme ils doivent le faire. Ils font l'amour quand c'est utile pour l'histoire. Ils sont violents quand c'est utile pour l'histoire. Ce que je veux dire, c'est que nous n'écrivons pas des scènes en imaginant qu'elles vont nous rapporter des téléspectateurs, nous avons la faiblesse de croire que nos personnages agissent et font ce qu'ils ont à faire. Est-ce que les fictions du câble ne permettent-elles pas du même coup, une vision plus juste du monde ? C'est possible. En tout cas, sans la présence de ce genre de fiction à la télé américaine, je n'écrirais pas pour la télé mais j'écrirais plutôt des romans j'imagine. Cette vision est partagée par les autres scénaristes de « The Wire ».
EV : Après la fin de « The Wire », vous avez enchaîné avec la production de « Generation kill ». Ce n'est plus votre univers de Baltimore que vous connaissez si bien. Comment avez-vous fait ?
Je crois qu'on l'a bien fait surtout. « Generation Kill » représente pour moi, la meilleure œuvre journalistique sur la Guerre en Irak et j'ai été incroyablement honoré d'avoir été choisi pour adapter le livre d'Evan Wright pour HBO. Ce sera une mini-série de sept épisodes qui va être diffusées cette été aux Etats-Unis. Elle a été écrite par Evan Wright et Ed Burns, mon partenaire sur « The Wire » et également vétéran du Vietnam. Ed est venu avec moi en Afrique pour la totalité du tournage et on a collaboré avec Andrea Calderwood qui était producteur pour la compagnie anglaise Picture company. Nous avons travaillé avec eux et George Faber pour ce qui est, à mon goût, une superbe réussite. Nous avions un peu peur de travailler hors du cocon fabriqué à Baltimore mais en fait, il nous était impossible de mener de front la dernière saison de « The Wire » et la préparation et l'écriture de « Generation kill ». Cela étant dit, je dois quand même dire que le travail a été facilité par la présence d'Evan Wright lui-même. C'était lui, le journaliste assis dans le Humvee en 2003 et son point de vue ainsi que ses idées étaient essentielles pour le projet. C'est son histoire et notre mini-série relate cela.
EV : Qu'avez-vous fait durant la grève menée par WGA contre les studios et les networks ?
J'ai fait pas mal de travail de post-production et j'ai supervisé la fin de la production de « Generation kill », il faut dire que la firme qui produisait la mini-série n'était pas affiliée à la WGA et le projet était terminé au 5/6eme. Stopper le travail à ce moment pour moi aurait été stupide et improductif, cela dit je n'ai rien écrit durant la grève de la WGA que je soutenais totalement. J'étais très partisan de finir la mini-série car je pense qu'elle serait plus à sa place diffusée en pleine élection présidentielle. Il était donc plutôt bien vu de mener le projet jusqu'au bout.
EV : Cette grève, qui l'a gagné au final ?
La WGA a remporté des choses mais les studios ont réussi à conserver des acquis. La grève était une nécessité. La position des studios concernant les futurs revenus numériques était complètement scandaleuse. En fait, nous aurions dû régler cette question il y a trois ans voire même six. Malheureusement, à cette époque, la guilde des auteurs était dirigée par une poignée d'incapables qui ont préféré jouer la carte de leurs intérêts personnels car ils étaient liés avec les studios. La situation s'est dégradée et lors de la grève 2007-2008, il était dur de négocier quelque chose. Aujourd'hui le problème des revenus sur les DVD est un problème. Si vous ne me croyez pas, je vous montrerai mes relevés de residuals (NDA : sorte de droit que l'auteur au moment des diffusions ou d'un achat en DVD par exemple). Sur les ventes de DVD de « The Wire ». Je reçois des chèques de 19 dollars, 22 dollars… Nous n'avons jamais eu une part du gâteau du lucratif marché des DVD parce qu'elle n'a jamais été négociée. C'est pour cela que nous avons décidé de nous accrocher avec les nouveaux médias. Il aura fallu la grève de ces derniers mois pour que nous en parlions.
EV : Comment voyez-vous le futur de la télé américaine ?
Je sais une chose : le système des audiences mésurées par Nielsen est dans une phase de mort lente. La télévision US va se transformer en quelque s'approchant d'une bibliothèque de prêt avec des téléspectateurs qui voudront regarder exactement ce qu'ils veulent au moment où ils le veulent. La popularité d'une série va se mesurer en épisodes téléchargés en VOD. Le dimanche soir, tout au long de sa carrière, « The Wire » a attiré en moyenne un million de téléspectateurs. Mais finalement, nous étions intéressants pour HBO car nous générions de solides VOD, le passage sur HBO2 un peu plus tard dans la semaine n'était pas négligeable non plus et nous étions parmi les séries les plus téléchargées illégalement. Je ne parle même pas des 500 000 DVD vendus. Etre avec HBO me permet d'écrire des séries ambitieuses mais aussi de travailler avec un diffuseur qui a compris les nouvelles données de l'internet.
EV : Avez-vous l'impression d'avoir été influencé par d'autres séries TV ?
Je ne suis pas un enfant de la télévision. Je la regarde très peu. J'admire le travail effectué sur « The Sopranos » ou « Deadwood » et j'ai découvert récemment les joies de « Weeds » sur Showtime. J'ai aimé regarder « The Honeymooners » quand j'étais gamin mais ça s'arrête à peu près là. Je lis beaucoup et j'utilise une logique tout droit sortie des structures cinématographiques plutôt que des formes imposées de l'écriture télé classique. C'est une façon de raconter des histoires qui me convient mieux.
EV : « The Wire » raconte l'Amérique. Une autre série l'a fait, d'une autre façon, il s'agit de « The West Wing » d'Aaron Sorkin. Voyez-vous des points communs entre votre série et la sienne ?
Il n'y a pas de liens que je puisse réellement discerner. J'ai vu assez d'épisodes de « The West Wing » pour conclure que la série ne restitue pas les réalités de la politique américaine d'aujourd'hui. Du coup, ça ne m'intéresse pas. Pour le reste, ça semble très bien écrit mais c'est bien trop théorique pour moi. Ça ne restitue pas assez selon moi l'effet d'inertie qui caractérise notre système actuel.
EV : Quel sera votre prochain projet ? Souhaitez-vous développer un nouveau projet dans l'univers de Baltimore ou vous sentez-vous prêt à partir à L.A ou New-York ?
Ça sera La Nouvelle-Orléans si tout se passe bien. J'espère pouvoir créer une série basée sur un quartier renaissant dans l'après-Katrina. Un endroit dans lequel des musiciens mais aussi des gens de tous les jours tentent de reconstituer leurs vies.
EV : Selon vous, quel est le futur de la télévision en terme de modèle économique et de production ?
Aujourd'hui, la narration audiovisuelle dépasse toutes les autres. Ce qui est plutôt regrettable car les livres restent un moyen inégalé pour faire passer des nuances et traiter des thèmes que l'audiovisuel ne peut approcher ou alors de manière ampoulée et artificielle. En 50 ans d'existence, la télévision américaine a dû s'adresser à une audience de masse pour laquelle elle a dû créer une narration évitant le plus possible les controverses, les sujets trop pointus ainsi que les sujets les plus tabous. Le câble a profondément changé cet état de fait et internet sera le prolongement de cela. Aujourd'hui, le câble payant autorise la production de séries avec des points de vue très forts, des questions politiques et une écriture intelligente. Les chaînes qui produisent de tels programmes n'ont pas besoin d'audience monstre. Elles produisent des séries pour lesquelles quelqu'un accepte de payer une somme d'argent pour s'abonner à la chaîne. « The Wire » n'aurait jamais pu exister sur un network. Elle n'aurait jamais eu une audience nécessaire. Le fait que nous soyons sur HBO qui cherche à diffuser des séries qui ne passent nulle part ailleurs, nous a permis de durer cinq saisons. Quoiqu'on en dise, l'avenir est plutôt à ce genre de production qu'à des séries de grande écoute. Et moi, ça me plaît.
Eric Vérat • mars 2008
EV : Vous avez terminé récemment la production de « The Wire », série hors-norme qui restera dans les annales de la fiction télé. C'est facile d'arrêter une telle œuvre ?
C'était étrange mais j'ai eu tellement de boulot sur d'autres projets à ce moment précis que je n'ai même pas vraiment eu le temps d'y penser. Bien sûr, le dernier jour de tournage a été quelque chose de fort et pendant que nous faisions la fête et que nous nous embrassions tous, on savait qu'on finissait un truc énorme. De mon côté, je me suis retrouvé quasi-immédiatement en Afrique du Sud sur le tournage de « Generation kill », la minisérie sur la guerre en Irak qui sera programmée après « The Wire » sur HBO. En fait, je ne suis pas sûr que nous ayons bâti quelque chose avec « The Wire ». Je pense que la série est solide et que nos thèmes sont forts. Ça devrait se regarder encore un peu pendant quelque temps. Le temps nous le dira.
EV : Qu'avez-vous appris sur la télévision en produisant « The Wire » ?
J'ai appris que la télévision peut être un medium accueillant des histoires à la narration sophistiquée, surtout si vous êtes entouré de gens qui maîtrisent leur sujet en matière de photographie, de mise en scène, de jeu d'acteur et surtout que les responsables des chaînes vous laissent en paix. C'est beaucoup demander pour l'industrie de la télévision mais grâce au câble payant et à ses séries, c'est devenu chose possible.
EV : De quoi êtes-vous le plus fier s'agissant de « The Wire » ?
Je suis fier que nos intrigues et les thèmes que nous avions choisi d'explorer soient restés intactes et intègres pendant les soixante heures que dure la série. On a mis le paquet sur les arches narratives. On a jamais foncé dans des impasses pour les besoins d'un épisode qui nous faisait "triper". On est restés concentrés sur ce qu'on voulait dire. Chaque personnage introduit avait une fonction réellement définie. Nous savions ce qui allait arrivé à chacun de nos personnages. Je pense que l'ensemble de la série respire cette exigence.
EV : Que pensez-vous de cette nouvelle génération de série du câble qui opèrent une course vers des thèmes de plus en plus décalés ? N'est-ce pas une facilité de parler avec des langages orduriers, montrer de la violence ou des corps nus pour attirer les téléspectateurs ?
Je n'ai jamais envisagé ce type de scènes comme un avantage ou un désavantage. Mes personnages parlent d'une certaine manière et agissent comme ils doivent le faire. Ils font l'amour quand c'est utile pour l'histoire. Ils sont violents quand c'est utile pour l'histoire. Ce que je veux dire, c'est que nous n'écrivons pas des scènes en imaginant qu'elles vont nous rapporter des téléspectateurs, nous avons la faiblesse de croire que nos personnages agissent et font ce qu'ils ont à faire. Est-ce que les fictions du câble ne permettent-elles pas du même coup, une vision plus juste du monde ? C'est possible. En tout cas, sans la présence de ce genre de fiction à la télé américaine, je n'écrirais pas pour la télé mais j'écrirais plutôt des romans j'imagine. Cette vision est partagée par les autres scénaristes de « The Wire ».
EV : Après la fin de « The Wire », vous avez enchaîné avec la production de « Generation kill ». Ce n'est plus votre univers de Baltimore que vous connaissez si bien. Comment avez-vous fait ?
Je crois qu'on l'a bien fait surtout. « Generation Kill » représente pour moi, la meilleure œuvre journalistique sur la Guerre en Irak et j'ai été incroyablement honoré d'avoir été choisi pour adapter le livre d'Evan Wright pour HBO. Ce sera une mini-série de sept épisodes qui va être diffusées cette été aux Etats-Unis. Elle a été écrite par Evan Wright et Ed Burns, mon partenaire sur « The Wire » et également vétéran du Vietnam. Ed est venu avec moi en Afrique pour la totalité du tournage et on a collaboré avec Andrea Calderwood qui était producteur pour la compagnie anglaise Picture company. Nous avons travaillé avec eux et George Faber pour ce qui est, à mon goût, une superbe réussite. Nous avions un peu peur de travailler hors du cocon fabriqué à Baltimore mais en fait, il nous était impossible de mener de front la dernière saison de « The Wire » et la préparation et l'écriture de « Generation kill ». Cela étant dit, je dois quand même dire que le travail a été facilité par la présence d'Evan Wright lui-même. C'était lui, le journaliste assis dans le Humvee en 2003 et son point de vue ainsi que ses idées étaient essentielles pour le projet. C'est son histoire et notre mini-série relate cela.
EV : Qu'avez-vous fait durant la grève menée par WGA contre les studios et les networks ?
J'ai fait pas mal de travail de post-production et j'ai supervisé la fin de la production de « Generation kill », il faut dire que la firme qui produisait la mini-série n'était pas affiliée à la WGA et le projet était terminé au 5/6eme. Stopper le travail à ce moment pour moi aurait été stupide et improductif, cela dit je n'ai rien écrit durant la grève de la WGA que je soutenais totalement. J'étais très partisan de finir la mini-série car je pense qu'elle serait plus à sa place diffusée en pleine élection présidentielle. Il était donc plutôt bien vu de mener le projet jusqu'au bout.
EV : Cette grève, qui l'a gagné au final ?
La WGA a remporté des choses mais les studios ont réussi à conserver des acquis. La grève était une nécessité. La position des studios concernant les futurs revenus numériques était complètement scandaleuse. En fait, nous aurions dû régler cette question il y a trois ans voire même six. Malheureusement, à cette époque, la guilde des auteurs était dirigée par une poignée d'incapables qui ont préféré jouer la carte de leurs intérêts personnels car ils étaient liés avec les studios. La situation s'est dégradée et lors de la grève 2007-2008, il était dur de négocier quelque chose. Aujourd'hui le problème des revenus sur les DVD est un problème. Si vous ne me croyez pas, je vous montrerai mes relevés de residuals (NDA : sorte de droit que l'auteur au moment des diffusions ou d'un achat en DVD par exemple). Sur les ventes de DVD de « The Wire ». Je reçois des chèques de 19 dollars, 22 dollars… Nous n'avons jamais eu une part du gâteau du lucratif marché des DVD parce qu'elle n'a jamais été négociée. C'est pour cela que nous avons décidé de nous accrocher avec les nouveaux médias. Il aura fallu la grève de ces derniers mois pour que nous en parlions.
EV : Comment voyez-vous le futur de la télé américaine ?
Je sais une chose : le système des audiences mésurées par Nielsen est dans une phase de mort lente. La télévision US va se transformer en quelque s'approchant d'une bibliothèque de prêt avec des téléspectateurs qui voudront regarder exactement ce qu'ils veulent au moment où ils le veulent. La popularité d'une série va se mesurer en épisodes téléchargés en VOD. Le dimanche soir, tout au long de sa carrière, « The Wire » a attiré en moyenne un million de téléspectateurs. Mais finalement, nous étions intéressants pour HBO car nous générions de solides VOD, le passage sur HBO2 un peu plus tard dans la semaine n'était pas négligeable non plus et nous étions parmi les séries les plus téléchargées illégalement. Je ne parle même pas des 500 000 DVD vendus. Etre avec HBO me permet d'écrire des séries ambitieuses mais aussi de travailler avec un diffuseur qui a compris les nouvelles données de l'internet.
EV : Avez-vous l'impression d'avoir été influencé par d'autres séries TV ?
Je ne suis pas un enfant de la télévision. Je la regarde très peu. J'admire le travail effectué sur « The Sopranos » ou « Deadwood » et j'ai découvert récemment les joies de « Weeds » sur Showtime. J'ai aimé regarder « The Honeymooners » quand j'étais gamin mais ça s'arrête à peu près là. Je lis beaucoup et j'utilise une logique tout droit sortie des structures cinématographiques plutôt que des formes imposées de l'écriture télé classique. C'est une façon de raconter des histoires qui me convient mieux.
EV : « The Wire » raconte l'Amérique. Une autre série l'a fait, d'une autre façon, il s'agit de « The West Wing » d'Aaron Sorkin. Voyez-vous des points communs entre votre série et la sienne ?
Il n'y a pas de liens que je puisse réellement discerner. J'ai vu assez d'épisodes de « The West Wing » pour conclure que la série ne restitue pas les réalités de la politique américaine d'aujourd'hui. Du coup, ça ne m'intéresse pas. Pour le reste, ça semble très bien écrit mais c'est bien trop théorique pour moi. Ça ne restitue pas assez selon moi l'effet d'inertie qui caractérise notre système actuel.
EV : Quel sera votre prochain projet ? Souhaitez-vous développer un nouveau projet dans l'univers de Baltimore ou vous sentez-vous prêt à partir à L.A ou New-York ?
Ça sera La Nouvelle-Orléans si tout se passe bien. J'espère pouvoir créer une série basée sur un quartier renaissant dans l'après-Katrina. Un endroit dans lequel des musiciens mais aussi des gens de tous les jours tentent de reconstituer leurs vies.
EV : Selon vous, quel est le futur de la télévision en terme de modèle économique et de production ?
Aujourd'hui, la narration audiovisuelle dépasse toutes les autres. Ce qui est plutôt regrettable car les livres restent un moyen inégalé pour faire passer des nuances et traiter des thèmes que l'audiovisuel ne peut approcher ou alors de manière ampoulée et artificielle. En 50 ans d'existence, la télévision américaine a dû s'adresser à une audience de masse pour laquelle elle a dû créer une narration évitant le plus possible les controverses, les sujets trop pointus ainsi que les sujets les plus tabous. Le câble a profondément changé cet état de fait et internet sera le prolongement de cela. Aujourd'hui, le câble payant autorise la production de séries avec des points de vue très forts, des questions politiques et une écriture intelligente. Les chaînes qui produisent de tels programmes n'ont pas besoin d'audience monstre. Elles produisent des séries pour lesquelles quelqu'un accepte de payer une somme d'argent pour s'abonner à la chaîne. « The Wire » n'aurait jamais pu exister sur un network. Elle n'aurait jamais eu une audience nécessaire. Le fait que nous soyons sur HBO qui cherche à diffuser des séries qui ne passent nulle part ailleurs, nous a permis de durer cinq saisons. Quoiqu'on en dise, l'avenir est plutôt à ce genre de production qu'à des séries de grande écoute. Et moi, ça me plaît.
Eric Vérat • mars 2008
mardi 8 septembre 2009
Quoi, tu ne regardes pas Glee ?
Alors que toutes les nouvelles séries US sont sur le point de commencer (Flash Forward...), une question se pose comme chaque année. Comment réussir à regarder tout ce que l'on voudrait regarder entre les nouveautés, les séries en cours et les oeuvres à rattraper. Je m'aperçois en parcourant les piles de DVD qui jonchent le sol de mon bureau que je pourrais facilement me passer d'achats ou de prêts ou de dons de séries pendant au moins une saison.
Le problème c'est que l'on peut bien regarder l'intégrale de "Clair de lune" ou "Hill Street blues" dans son coin, pendant ce temps-là le monde avance. Trop vite, beaucoup trop vite. Les intégrales avalées en quinze jours, c'est n'importe quoi ! Je me répète peut-être mais je trouve que rien que pour ça, le téléchargement ne devrait pas être autorisé sur la toile (en dehors de toute question éthique ou légale). Quand on prend la comparaison avec les livres, Martin Winkler dit qu'il est aussi bête de parler d'une série dont a vu qu'un épisode ou une saison (alors que ledit programme en compte dix fois plus), que d'arrêter un livre après un chapitre ou deux et vouloir en parler avec autorité. La nature des séries est différente me direz-vous. Ces programmes s'étalent sur la longueur. Longueur, un mot qui aura bientôt disparu de la circulation tant aujourd'hui tout va vite. Tout est possible à n'importe quel moment (je parle des séries mais cela s'applique aussi aux pizzas). Sans vouloir faire l'ancien combattant, j'ai vécu une enfance à trois chaînes. FR3 était et noir et blanc et TF1 a révolutionné le PAF en diffusant de la télénovela à 19H. J'ai vu des milliers d'heures de télévision. Et il n'y a rien que je ne regrette plus que ces petits rendez-vous à heure fixe où l'on se délectait de savoir qui avait tué ou trahi. On avait également le droit d'être déçu. Tout ça, c'était des moments précieux : "Twin Peaks" à 21h le mardi sur La Cinq, "La Loi de Los Angeles" le mercredi soir tard sur la même chaîne, "Hill street blues" au tout début de Canal, "Seinfeld" le dimanche soir sur Jimmy, "Un flic dans la mafia" en début d'après-midi sur TF1, "Urgences" sur France2. Bon, je pourrais en faire quinze pages donc je m'arrête là. De toute façon, ceux qui n'ont pas connu ça, ne peuvent pas comprendre. Tout ça pour dire que les séries sont précieuses et que j'ai trop souvent l'impression d'une boulimie d'images qui ne sert à rien sinon à appauvrir le genre et à le comparer à un robinet de niaiseries.
Le problème c'est que l'on peut bien regarder l'intégrale de "Clair de lune" ou "Hill Street blues" dans son coin, pendant ce temps-là le monde avance. Trop vite, beaucoup trop vite. Les intégrales avalées en quinze jours, c'est n'importe quoi ! Je me répète peut-être mais je trouve que rien que pour ça, le téléchargement ne devrait pas être autorisé sur la toile (en dehors de toute question éthique ou légale). Quand on prend la comparaison avec les livres, Martin Winkler dit qu'il est aussi bête de parler d'une série dont a vu qu'un épisode ou une saison (alors que ledit programme en compte dix fois plus), que d'arrêter un livre après un chapitre ou deux et vouloir en parler avec autorité. La nature des séries est différente me direz-vous. Ces programmes s'étalent sur la longueur. Longueur, un mot qui aura bientôt disparu de la circulation tant aujourd'hui tout va vite. Tout est possible à n'importe quel moment (je parle des séries mais cela s'applique aussi aux pizzas). Sans vouloir faire l'ancien combattant, j'ai vécu une enfance à trois chaînes. FR3 était et noir et blanc et TF1 a révolutionné le PAF en diffusant de la télénovela à 19H. J'ai vu des milliers d'heures de télévision. Et il n'y a rien que je ne regrette plus que ces petits rendez-vous à heure fixe où l'on se délectait de savoir qui avait tué ou trahi. On avait également le droit d'être déçu. Tout ça, c'était des moments précieux : "Twin Peaks" à 21h le mardi sur La Cinq, "La Loi de Los Angeles" le mercredi soir tard sur la même chaîne, "Hill street blues" au tout début de Canal, "Seinfeld" le dimanche soir sur Jimmy, "Un flic dans la mafia" en début d'après-midi sur TF1, "Urgences" sur France2. Bon, je pourrais en faire quinze pages donc je m'arrête là. De toute façon, ceux qui n'ont pas connu ça, ne peuvent pas comprendre. Tout ça pour dire que les séries sont précieuses et que j'ai trop souvent l'impression d'une boulimie d'images qui ne sert à rien sinon à appauvrir le genre et à le comparer à un robinet de niaiseries.
lundi 31 août 2009
Retour sur la disparition estivale de John Hugues
Quand la nouvelle de la mort de John Hugues (59 ans) est tombée, j’étais justement en train de penser à une liste de films pour ce blog. Dix ou quinze long-métrages qui, à l’instar de séries comme Les Mystères de l’Ouest, La Petite maison dans la prairie, Chapeau melon et bottes de cuir, The West Wing ou Les Sopranos ont forgé mon sens de l’image, de la narration. Une fois la liste mentalement établie, je me suis aperçu que deux des films de cette courte liste étaient signés John Hugues. Breakfast Club et La Folle journée de Ferris Bueller.
Bien sûr, ces deux films n’apparaitraient pas dans un panthéon absolu des chef d’œuvres du septième art. Il n’empêche qu’avec ces comédies de mœurs, on se souvient des années 80. Comme les grandes séries de Steven Bochco au tournant des années 80/90, les films de Hugues auxquels ont peut ajouter Sixteen candles mais également un ensemble de films qui empruntent les mêmes sentiers sans être signés de sa main sont les représentants d’un cinéma honnête, de bon goût qui ne fuie pas ses responsabilités mais décide simplement de ne pas franchir certaine barrière en terme de thèmes abordés (c’était d’ailleurs bien plus jouissif…).
Au visionnage de ces films, on voit toute l’évolution des choses devenues possibles dans des films comme American Pei ou encore en regardant le cinéma de Judd Apatow, le digne fils spirituel de Hugues. Et on peut parier que si ce dernier n’avait pas remporté le jackpot en tant que producteur avec « Maman, j’ai raté l’avion ! », il aurait pu aussi se tourner vers la télévision. On l’aurait bien vu écrire l’excellente et trop sous-estimée Freeks and geeks (à ce sujet lisez l’article de Caroline Veunac) dans Générique(s) du mois de juillet.
> Regardez Ferris Bueller pour la scène de Mr Rooney le conseiller d’orientation qui demande à voir le cadavre du grand-père d’un élève qu’il soupçonne de vouloir sécher les cours.
> Regardez Breakfast Club, pour Don’t you des Simple Minds et pour la très jolie peinture de la jeunesse américaine d’alors. Le film occulte bien de vrais problèmes mais ça fait du bien de rêver un peu.
Bien sûr, ces deux films n’apparaitraient pas dans un panthéon absolu des chef d’œuvres du septième art. Il n’empêche qu’avec ces comédies de mœurs, on se souvient des années 80. Comme les grandes séries de Steven Bochco au tournant des années 80/90, les films de Hugues auxquels ont peut ajouter Sixteen candles mais également un ensemble de films qui empruntent les mêmes sentiers sans être signés de sa main sont les représentants d’un cinéma honnête, de bon goût qui ne fuie pas ses responsabilités mais décide simplement de ne pas franchir certaine barrière en terme de thèmes abordés (c’était d’ailleurs bien plus jouissif…).
Au visionnage de ces films, on voit toute l’évolution des choses devenues possibles dans des films comme American Pei ou encore en regardant le cinéma de Judd Apatow, le digne fils spirituel de Hugues. Et on peut parier que si ce dernier n’avait pas remporté le jackpot en tant que producteur avec « Maman, j’ai raté l’avion ! », il aurait pu aussi se tourner vers la télévision. On l’aurait bien vu écrire l’excellente et trop sous-estimée Freeks and geeks (à ce sujet lisez l’article de Caroline Veunac) dans Générique(s) du mois de juillet.
> Regardez Ferris Bueller pour la scène de Mr Rooney le conseiller d’orientation qui demande à voir le cadavre du grand-père d’un élève qu’il soupçonne de vouloir sécher les cours.
> Regardez Breakfast Club, pour Don’t you des Simple Minds et pour la très jolie peinture de la jeunesse américaine d’alors. Le film occulte bien de vrais problèmes mais ça fait du bien de rêver un peu.
jeudi 23 juillet 2009
En attendant d'autres aventures...
Voici venu le temps des vacances. Ce blog va s'endormir au soleil quelques semaines. Je vous promets bientôt des critiques de "Breaking Bad 2", "30 Rock 3", "Glee" mais aussi la suite de mes séries de rêves, quelques billets d'humeur sur les meilleurs génériques de l'histoire de la télévision et puis aussi quelques anecdotes venu des coulisses de la télévision où j'officie en tant que modeste auteur. Ajoutez à cela quelques chapitres des aventures d'un french auteur à Hollywood et vous aurez le programme de rentrée de "Et vous voyez ça pour quelle chaîne".
En attendant, écoutez-moi en compagnie de mon compère Benoît "Dr Green" Lagane tout le mois d'Août sur l'antenne de France-Culture. ça commence le Lundi 27 juillet 2009 et c'est à 19h tous les jours de semaine dans une émission intitulée Série télé : le monde en 25 épisodes (référence à notre émission de l'an passé (disponible à cette adresse : http://www.heraut.eu/fculture/).
A très vite. Bonjour chez vous !
En attendant, écoutez-moi en compagnie de mon compère Benoît "Dr Green" Lagane tout le mois d'Août sur l'antenne de France-Culture. ça commence le Lundi 27 juillet 2009 et c'est à 19h tous les jours de semaine dans une émission intitulée Série télé : le monde en 25 épisodes (référence à notre émission de l'an passé (disponible à cette adresse : http://www.heraut.eu/fculture/).
A très vite. Bonjour chez vous !
lundi 6 juillet 2009
Série de rêve (4) - Veronica Mars
Autre candidate au petit club des séries de rêve, « Veronica Mars », show multi-facettes malin et graphique bien dans l’air du temps des mid-2000. Je mets en ligne les trois papiers (d’époque) que j’avais écris pour www.series-etc.com. J’envie les gens qui n’ont encore rien vu.
Mars, Veronica Mars.
Dotée dès son pilote d'une ambiance et d'un style que bien peu de séries peuvent se targuer de posséder au bout de plusieurs saisons, "Veronica Mars" joue les grandes en adoptant la figure de production à la mode : le feuilletonnant à suspens. Un casting de premier ordre un producteur poids lourd et surtout une bonne histoire qui se boucle en fin de première saison : c'est Veronica Mars.
La meilleure série de 2005 n'est pas "Lost" ou "Desperate Housewives", et Dieu sait que, pour différentes raisons, on les apprécie ces deux-là ! Non, la meilleure série de l'année est emmenée par un petit bout de femme. Une "adulescente" au nez retroussé au look branché cool et à l'audace communicative. "Veronica Mars" commence comme un teen-show, avec quelques épisodes un poil mous du genou, avouons-le, pour finalement dévoiler les atours d'une grande série. Personnages complexes, casting racé, guest stars jouissifs, coups de théâtre millimètrés et réalisation haut de gamme. Normal, quand à la baguette de producteur, on trouve Joel Silver -l'homme qui produit les blockbusters par trilogie, (ça va plus vite), "Lethal Weapon", "Die Hard" et "Matrix"- on ne s'attend pas à voir débarquer un épisode de Santa-Barbara ! Veronica Mars surfe sur la vague des séries dites de « rendez-vous ». Grâce à plusieurs intrigues sous-jacentes très fortes, le meurtre de sa meilleure copine, la disparition de sa mère et le quasi-viol dont Veronica, elle-même, est victime lors de sa première expérience sexuelle, la série tisse un climat à la fois malsain mais aussi tendu avec une héroïne très forte, quasiment une super-héroïne, à qui rien (ou presque) ne peut arriver. "Veronica Mars" fonctionne à merveille parce qu'elle joue avec l'ingrédient à la mode : être une série au genre indéfinissable, jouer sur différents tableaux, avec une palette de genres efficaces. "Veronica Mars" mime donc avec bonheur les codes des séries de lycées (high-school show) pour mieux jouer avec les éléments du film noir et du thriller. Le PI, Private Investigator, figure archi-traitée dans les séries US bénéficie du côté de Neptune, ville des milliardaires à quelques encablures de San Diego, d'un traitement décomplexé, presque relu. Un peu comme l'avait fait "Magnum" dans les années 80. On peut être un détective privé et avoir des faiblesses, se tromper ( les moustaches et les chemises hawaïennes en moins). Veronica et son père mènent des enquêtes parfois ensemble, parfois séparément. Et bien sûr, au-delà de l'enquête du jour, chacun à son tour nous montre qu'il ne s'est pas résigné. Le meurtrier de Lily Kane doit tomber. La série utilise deux outils de narration, somme toute classiques, mais avec une efficacité avérée. La voix-off, distanciée, à la "Sex and the city" et des flash-back joliment réalisé et toujours signifiants. Rob Thomas, le créateur de la série prend un malin plaisir à brouiller les pistes en nous jetant dans les pattes, une dizaine de coupables potentiels. Des personnages bien sentis avec des trajectoires plutôt surprenantes. La série n'évite pas, comme toute fiction avec un rythme narratif aussi risqué, quelques épisodes un peu plus faibles (voir guide). L'ensemble reste d'une qualité très haut de gamme. Une bande-son indé efficace sortis des college chart (The Dandy Warhols, Spoon, Ivy, The Format) [www.veronicamarsmusic.com] vient soutenir une réalisation, présente mais pas trop, une mise en image colorée qui joue le jeu du mystère mais aussi de la sensualité sea sex and sun. "Veronica Mars" joue le jeu d'une écriture entièrement basée sur les ressorts de la surprise et du dérangement du spectateur.
La première saison est relativement équilibrée avec un gros point fort pour les cinq derniers épisodes de la saison où le puzzle déconstruit par Rob Thomas en début de saison se met patiemment en place. Le "final" est un des meilleurs épisodes de conclusion de ces dernières saisons. Exit le teen-show, place au slasher avec poursuite, voiture qui tombe en rade dans les bois déserts et nocturnes. Et un tueur qui rôde...
"Veronica Mars" est le type de série à laquelle on s'accroche grâce à un paquets de petits on-ne-sait-quoi. Et même si l'audience n'est toujours pas au rendez-vous (et ce, malgré des rediffusions estivales sur la chaîne n°1 CBS), la série est en train de bâtir son petit bout de notoriété grâce à des qualités artistiques patentes et au charisme d'un casting emmené par la pétillante Kirsten Bell qu'on aurait aimé avoir comme copine au bahut, pétillante et convaincante à souhait pas comme Stéphanie machin de la seconde E ! L'autre force côté comédien, ce sont les rôles dévolus aux adultes. Généralement, dans les teen series, les parents sont toujours parqués dans un périmètre assez convenu. Ici, les adultes, vivent, ils ont eu des liaisons, des blessures, ils cachent des mystères, de sombres desseins, marque de fabrique de la série toute entière. Que se soit Harry Hamlin, en acteur hollywoodien sur le retour, Kyle Secor, en Bill Gates sexy, la galerie de personnages fonctionne avec une rare efficacité. On ne vous parle même pas des arrivées de Charisma Carpenter en ex-Lakers girls nymphomane et Allyson Hannigan en fille à papa complétement barrée. Ce sont tous les petits détails qui viennent s'agréger autour du personnage réussi de Veronica et de sa bande de potes qui font de "Veronica Mars" une série différente. Celle qu'il faut regarder. Après cela, ne dites pas, qu'on ne vous a pas prévenu.
Veronica Mars 2 : Un cran au dessus
C'est pour nous la fiction la plus aboutie du moment avec quelques séries médicales ("Grey's...", "Dr House"). Conduite de l'intrigue, qualité des personnages principaux comme secondaires, utilisation du second degré, choix des thèmes, haut niveau artistique. "Veronica..." est tout simplement un cran au dessus.
Quand le site officiel de « Veronica Mars » affichait cette phrase de Joss Whedon (créateur de Buffy et Angel) : « Veronica Mars, la meilleure série de tous les temps », il n'était peut-être pas loin de la vérité. Certes, il manque quelques atouts (notamment appartenir à une catégorie un peu plus convenable que « High-school slasher ») à la création de Rob Thomas et Joel Silver pour prétendre réellement à ce titre que personnellement je garde pour Les Sopranos. Mais quand on voit de quelle main de maître cette « petite » série a réussi à se construire un univers propre et aussi marqué, on ne peut être qu'admiratif. Tenante de l'ultra-feuilletonnant (les fameux serialized shows, « Veronica… » comme « Lost », « Veronica Mars » se permet des choses insensées, en terme de relance d'intrigues et de coups de théâtre, avec une différence de taille : elle réussit à retomber sur ses pattes sans inventer de nouveaux mystères qui ne déboucheront pas sur de nouvelles interrogations insensées. « Veronica Mars » saison 2 comme sa devancière offre une intrigue bouclée pour livrer un divertissement de haut vol. Un signe : même quand les intrigues sont un peu faibles (milieu de saison), les choix artistiques (mise en scène, bande-son, design), ainsi que la formidable ambiance – atmosphère très lourde qui règne à Neptune malgré (ou à cause) le soleil de plomb- sont là pour rattraper le coup. Et pour être sombre, elle est sombre cette nouvelle saison (disparition de personnages principaux, allusions aux MST, au viol, à la drogue, à la pédophilie…). Pari supplémentaire de la part des auteurs qui misent désormais sur un véritable personnage de film noir. Certes, Veronica (toujours aussi bien incarnée par Kristen Bell) est la gentille, certes elle triomphe toujours à la fin mais que de péripéties pour en arriver là. La super-héroïne de la première saison a perdu son insouciance et approche dangereusement du gotha des personnages dont les grands choix consistent en la moins pire des deux solutions foireuses. Une situation que l'on retrouve habituellement sur le câble dans les séries de HBO ou de FX. Cette saison, les intrigues parallèles se sont multipliées (un peu trop peut-être) pour nous offrir un festival de rebondissements, de cliffhanger comme seul… Lost sait aujourd'hui en délivrer mais avec infiniment moins de tact. Artistiquement, rien ne fait peur à Rob Thomas le magicien, le gars ne se défend pas mal non plus quand il s'agit de faire passer des piques, des vannes ou des insultes. L'une des grandes forces de la série réside dans la puissance de son casting. Si c'était une équipe de basket, on dirait qu'elle a du banc. Les seconds-rôles qui entourent Veronica ont livré de grosses performances, notamment le duo Weevil-Logan. Les frères Casablancas (Dick et « Beaver » ne sont pas mal non plus. Le sheriff Lamb nous fait un grand numéro. Crétin de première, on ne sait plus trop quoi penser de lui quand il se décide à écouter enfin Veronica et son père. Les guest de Charisma Carpenter en belle-mère ex-Cheerleader nympho, et le maire (dérangeant Steve Gutemberg) et sa barge de fille viennent parachever l'édifice. Quel équipe ! Côté plume maintenant, pas besoin d'être expert en fiction télévisée pour voir qu'il y a de la passion dans tout ça, les scénaristes prennent un pied évident à nous torturer avec apparitions de personnages improbables, ces trahisons qui n'en peut-être pas sont pas, enfin pas vraiment. Les mensonges, les manigances, les coups de théâtre. Le bouquet final de ce feu d'artifice de 22 épisodes est des plus réussis, sans rien raconter, on peut dire que Rob Thomas nous adresse une vraie leçon d'écriture télévisuelle dans laquelle il sort des traditionnels marquages narratifs des séries de 52 minutes. Malin comme un singe, il se permet tout, délocaliser la série géographiquement ou dans le temps ou dans des mondes parallèles. Comme à l'issue de la saison passée, quand le boss est aux manettes, le rythme s'accélère et la fin se déroule dans une ambiance irrespirable où les mystères tombent comme des mouches (et comme les personnages d'ailleurs !).
Au final, "Veronica Mars" s'en va vers sa nouvelle vie à la fac sans nous dire au revoir. Normal, on la retrouve juste après dans le premier épisode de la troisième saison. Trop fort ce Rob. Alors « Veronica Mars : the best TV show ever ? » Pas le pire en tout cas.
Veronica Mars 3 : même les meilleures choses ont une fin
Moins clinquante et moins rythmée (dès son nouveau générique d’ailleurs) que lors de ses saisons précédentes, « Veronica Mars » tire sa révérence sur quelques épisodes amères et réussis. Le compteur s'arrête là. Bye, bye Veronica !
Finir une série n'est pas une mince affaire. Beaucoup s'y sont cassés les dents. Rob Thomas, le créateur et showrunner de « Veronica Mars » avait eu, lui, le temps d'y penser. Sa série débutait à peine sur l'antenne de la défunte UPN en 2003 que des rumeurs d'annulation courraient déjà. Certains acteurs du casting principal avaient été remis sur le marché par leur agent, signe peu encourageant pour la série alors. La suite avait contredit la rumeur et « Veronica Mars », sans casser la baraque, avait démontrer qu'elle avait sa place artistiquement parlant dans ce monde de brute qu'est le prime-time américain. La série a ensuite passé le cut de la première saison puis de la seconde en enchaînant les tours de force. Photographie sexy, bandes-son inégalable, épisodes à structure, twist malin ou dantesque, guest-stars de standing, « Veronica Mars » restera dans l'histoire de la fiction télé des années 2000. Pour tout ce que l'on a déjà dit sur cette série sur ce type (voire précédentes saisons) . Son côté sucré-rock, ses personnages clichés assumés ou archétypes singuliers et toujours bien trouvés. Cette saison 3 a déçu nombre des aficionados de la série. Ce n'est pourtant pas une catastrophe. loin de là. Le nouveau générique (plus stylé) mais étrangement rythmé laissait entrevoir une rupture dans la conduite de cette série inclassable. Contrairement aux saisons précédentes à l'intérieur desquelles s'articulait une intrigue au long cours à chaque fois résolue, de main de maître (surtout la première) cette saison se présentait avec des intrigues plus courtes (et donc a priori plus difficilement convaincantes). La série a effectivement changé mais elle a gagné en gravité. Veronica (toujours impeccable Kirsten Bell) gagne en complexité. Elle est à la fois plus vulnérable, amoureuse, tout en gardant son esprit rebelle et cet éclair de folie qui peut lui permettre de faire n'importe quoi sur un coup de tête (et ça, c'est très jouissif). Veronica a des rêves, travailler au FBI, elle laisse les cons et les médisants de côté. Une grande leçon de vie et de façon d'être pour une jeunesse dorée qui ne passe son qu'à faire la fête (Logan et consorts). Ce n'est un secret pour personne que de dire que « Veronica Mars » n'a jamais trouvé son public. Malgré son aspect réussi de mystery show hype, malgré sa façon de n'être ni une série ado, ni une bluette, la série de Rob Thomas est restée coincée dans les limbes de l'audience. L'image branchée de la série a supporté un temps cet état de fait mais les chiffres restant les chiffres, les dirigeants de CW ont du prendre des décisions. Une annulation restait gérable. Le problème, et ce n'est pas la première fois que ça arrive, c'est que VM n'aura pas eu le temps nécessaire pour tirer correctement sa révérence. En effet, on ne peut pas imaginer que Thomas aie fait revenir, Leo (ancien adjoint et flirt de Veronica), Van Lowe (némesis de Keith) ou encore Jake Cane pour boucler sa série comme il l'a fait là. En même temps, ce qu'il y a de bien avec les meilleurs, c'est qu'ils font des trucs impeccables avec trois fois rien. Le dernier épisode, écrit par Rob Thomas, retrouve la veine tendue des meilleures épisodes des saisons 1 et 2. De manière plus globale, il y a eu une spirale indescriptible dans le dernier tiers de saison 3, les choses se sont empilées et se sont précipitées, la vie nous réserve des tours parfois pendables. La mort du sheriff Lamb, le crétin qu'on adorait détester en est certainement le symbole le plus voyant. Les ennuis judiciaires de la famille Mars viennent parachever cet étrange virage vers quelque chose de plus désespéré. Comme si Super Veronica n'allait pas pouvoir retomber une fois encore sur ses jambes. Notre héroïne préférée a les honneurs du dernier plan. Après avoir voté avec un étrange sourire aux lèvres, Veronica part se perdre dans une rue d'un Neptune devenu bien trop petit pour elle. Il pleut pour la première fois de la série ou presque. L'adolescence est finie. Bienvenue dans la vie adulte Veronica.
dimanche 21 juin 2009
Série de rêve (3) Sessions
Quand on évoque les grandes séries, on dégaine rarement le nom d'une oeuvre comptant moins de dix épisodes. Il est vrai que dans la logique industrio-hollywoodienne, une courte existence de vie est synonyme de ratage. Ce ratage pouvant être dû (même si c'est loin d'être la seule explication) à une médiocre qualité. Cet aspect s'est amoindri au tournant des années 90, période à partir de laquelle HBO a commencé à bombarder le téléspectateur de fictions toutes aussi décalées (dans les thèmes ou encore dans les dialogues) les unes que les autres, et souvent avec un nombre d'épisodes atypiques. L'une d'elles s'appelait "Sessions". Initiée par un certains Billy Crystal, qui à l'époque sortait du succès de "Quand Harry rencontre Sally" et "La vie, l'amour, les vaches", "Sessions" n'est pas la série qu'on attribuerait avec évidence à quelqu'un du genre Billy Crystal. Genre à plaisanter de l'anthrax à la cérémonie des Emmy Awards, genre à jouer le premier personnage gay récurrent de l'histoire de la fitcion, (magnifique "Soap"). Non, Billy Crystal quitte ses habits de sarcasme et produit là une merveille pleine d'intelligence, de sensiblerie et d'équilibre. La série se déroule essentiellement dans le bureau d'un psy (parfait Elliott Gould que certains connaissent mieux comme le papa de Ross et Monica dans "Friends") qui reçoit durant chaque épisode inlassablement le même patient (Mickael McKean qu'on avait pris l'habitude de voir en patron cynique et libidineux dans "Dream on"). Les intrigues se scindent en trois groupes. Les problèmes du patient avec sa femme et ses enfants. Ses souvenirs des années 50 / 60, période où l'influence de son père est grande sur sa personnalité. Et puis les échanges toujours savoureux entre le praticien et son patient. Il y a une douceur et une finesse psychologique dans cette série qui ne se démend pas. "Sessions" est l'une des oeuvres les plus douce-amères qu'on aie pu voir. Mais là, où "In treatment'" fait appel à une mécanique très froide quasi clinique (notamment avec la session de contrôle du psy), là où la série d'origine isréalienne se plaît à ne décrire que des cas ultimes avec des prises de décisions assez marquées, "Sessions" mise à fond sur l'humain, sur les choses, insignifiantes ou grandioses, que chacun garde consciemment ou pas au fond de lui. Certainement l'une des choses les plus dures à écrire qui soit.
vendredi 12 juin 2009
Si Takis le dit...
Télérama publie une très courte interview de Takis Candilis dans laquelle, l'ex-patron de la fiction de TF1 donne son avis sur la fiction française à l'occasion du Festival de Télévision de Monte-Carlo. Franchement, du point de vue de l'analyse, on aurait pu s'en passer de ce papier, c'est un peu un attentat à la planète. Comme si Roger Lemerre ou Jacques Santini expliquaient à l'équipe de France de football comment jouer (faudarait quand même que quelqu'un le fasse, mais je m'égare...). En revanche, sur le fond, il y a quelque chose d'extraordinaire à voir cet homme, qui a produit des centaines d'heures de fiction dont 90% ont contribué à la (très peu flatteuse) réputation de la fiction française à l'international, donner des leçons aux scénaristes français et surtout expliquer que le salut de la fiction française passe par des coproductions internationales tournées en anglais (et écrites par des auteurs anglo-saxons... ?). On marche sur la tête, franchement... En tout cas, merci Télérama de cet éclairage sur la fiction française. On se sent bien épaulé.
lundi 1 juin 2009
Quelque chose comme ça (extrait)
J'ai décidé de mettre en ligne des morceaux d'un roman que je traîne depuis un moment sur le bureau de mon Mac. Un an que je me promets de corriger tout cela. J'espère que ça va me motiver. L'espoir fait vivre...
Pourquoi L.A ?
C’est un joli coin de Terre. Malibu Canyon est planqué au milieu des montagnes « garriguesques » et giboyeuses qui encerclent Los Angeles. On pourrait même penser avoir trouvé le praradis si on oubliait les feux de forêts et les glissements de terrain qui sévissent régulièrement dans la région faisant marcher du même l'industrie des décorateurs d'intérieur. L’endroit se love au pied d’un monument du cinéma mondial : Le Paramount Ranch et sa montagne qui est toujours, en 2009, l’emblème de la compagnie de production. La montagne est bien plus ronde que le pseudo-Cervin que nous sert le studio au début de chacun de ses films. C’est Cecil B.DeMille qui popularisa l’endroit. A l’époque où L.A et surtout Hollywood n’étaient qu’une pépite d’or, un vaste endroit où tout semblait visuellement possible pour le septième Art et bientôt la télévision. Malibu Canyon était un havre de paix, un endroit où l’on pouvait jouer au cow-boys et aux indiens sans se soucier de rien. Chaque année, c’était pareil. Une caravane comme celles qui traversèrent l’Ouest américain se mettaient en branle depuis Los Angeles et commençait une nouvelle conquête pour cet autre eldorado. On emmenait les caméras, les animaux, les comédiens et les techniciens. Toute l’équipe s’installait pour la belle saison dans ce petit coin avec lac, montagne et désert à disposition. S’en suivait le tournage frénétique de westerns que la plupart des gens ont aujourd’hui oubliés. Avec le temps, les techniciens, habitués à ces longs moments de travail au même endroit et à la même époque se mirent à fabriquer des cabanes en dur au bord du lac. Avec le temps, les cabanons prirent du volume. Des architectes et les décorateurs d’intérieur s’en mêlèrent et puis inévitablement des gens fortunés, à la recherche de tranquillité, acquirent les bâtisses. Aujourd’hui, l’endroit à des airs de Colorado ou de Montana en réduction avec l’avantage d’être à quarante petites minutes du centre d’Hollywood. Voilà encore une donnée qui laisse à penser que les séries américaines ne dominent pas impunément l'industrie du divertissement pour rien. La mécanique de production qui s’est mise en place, il y a un demi-siècle de cela, a donné les moyens à l’industrie et à ses animateurs (les créatifs, les producteurs…) de créer selon leur imagination. Désert aux accents de Sol martien pour "Twilight Zone", rue de saloon boueux pour "Deadwood", piège urbain pour "The Shield". L.A arbore mille visages et les gens qui y écrivent le savent bien. Tout leur est possible.
Pourquoi L.A ?
C’est un joli coin de Terre. Malibu Canyon est planqué au milieu des montagnes « garriguesques » et giboyeuses qui encerclent Los Angeles. On pourrait même penser avoir trouvé le praradis si on oubliait les feux de forêts et les glissements de terrain qui sévissent régulièrement dans la région faisant marcher du même l'industrie des décorateurs d'intérieur. L’endroit se love au pied d’un monument du cinéma mondial : Le Paramount Ranch et sa montagne qui est toujours, en 2009, l’emblème de la compagnie de production. La montagne est bien plus ronde que le pseudo-Cervin que nous sert le studio au début de chacun de ses films. C’est Cecil B.DeMille qui popularisa l’endroit. A l’époque où L.A et surtout Hollywood n’étaient qu’une pépite d’or, un vaste endroit où tout semblait visuellement possible pour le septième Art et bientôt la télévision. Malibu Canyon était un havre de paix, un endroit où l’on pouvait jouer au cow-boys et aux indiens sans se soucier de rien. Chaque année, c’était pareil. Une caravane comme celles qui traversèrent l’Ouest américain se mettaient en branle depuis Los Angeles et commençait une nouvelle conquête pour cet autre eldorado. On emmenait les caméras, les animaux, les comédiens et les techniciens. Toute l’équipe s’installait pour la belle saison dans ce petit coin avec lac, montagne et désert à disposition. S’en suivait le tournage frénétique de westerns que la plupart des gens ont aujourd’hui oubliés. Avec le temps, les techniciens, habitués à ces longs moments de travail au même endroit et à la même époque se mirent à fabriquer des cabanes en dur au bord du lac. Avec le temps, les cabanons prirent du volume. Des architectes et les décorateurs d’intérieur s’en mêlèrent et puis inévitablement des gens fortunés, à la recherche de tranquillité, acquirent les bâtisses. Aujourd’hui, l’endroit à des airs de Colorado ou de Montana en réduction avec l’avantage d’être à quarante petites minutes du centre d’Hollywood. Voilà encore une donnée qui laisse à penser que les séries américaines ne dominent pas impunément l'industrie du divertissement pour rien. La mécanique de production qui s’est mise en place, il y a un demi-siècle de cela, a donné les moyens à l’industrie et à ses animateurs (les créatifs, les producteurs…) de créer selon leur imagination. Désert aux accents de Sol martien pour "Twilight Zone", rue de saloon boueux pour "Deadwood", piège urbain pour "The Shield". L.A arbore mille visages et les gens qui y écrivent le savent bien. Tout leur est possible.
vendredi 22 mai 2009
séries de rêve (2) MOONLIGHTING
Par où peut-on bien commencer un texte dans lequel il est question de Moonlighting ? Faut-il raconter par le menu les pitreries de Bruce "David Addison" Willis ? peut-être, décrire la plastique irréprochable des jambes (interminables) de Sybill Shepard ? analyser la musique du générique signée Al Jarreau, pur moment des eighties ? étudier les vers d'Agnès Dopisto ? (rigolos même en français...), repenser aux portes qui claquent à tout bout de champ faisant ressembler l'agence de détective, lieu récurrent de la série, à un décor de pièce à la Feydeau ? ou encore décrypter religieusement l'incroyable brochette d’épisodes spéciaux (Rock around Shakespeare…) que nous a offert Glen Gordon Caron, l'un des showrunners les plus doués de sa génération ? Non, vraiment impossible de choisir. Moonlighting pour moi tient de l'impression diffuse, comme souvent avec les grandes séries, celles qui représentent plus qu'un simple moment de divertissement. Des souvenirs gravés dans nos mémoires de téléphiles, il me semble. Moonlighting, c'est indiscutablement le lycée, la première télé dans sa chambre, les débuts d'M6. Et puis les vendredis soirs où les dimanches après-midi, case horaire où la série était programmée avec bonheur. On passait allégrement de Wonders years à Love and married. On zappait pour voir Un flic dans la mafia. Mais la meilleure de toutes les fictions du moment restait Moonlighting. On regardait l’une des séries les plus étonnantes de l’histoire de la télé. On s'appelait les uns les autres pour discuter des épisodes. Le chat version France télécom. On n’en reverrait plus de sitôt des comme cela. Tiens, voilà ce qu'on peut dire pour commencer un texte sur Moonlighting : cette série est unique.
Ce qui a véritablement marqué Moonlighting et qui en fait un classique, c’est son rapport avec sa nature même de série télé. Jamais dupe concernant ses modestes origines, Moonlighting n’est pas une pièce de théâtre, ni une série de romans ou un film hollywoodiens qui transfigure une époque. Pas de messages cachés non plus. Non, la série de Caron mesure juste, épisode après épisode, combien il est dur d’offrir un rendez-vous à un public (relativement nombreux puisque la série intégrera assez régulièrement le Top 10 US) et de ne jamais tomber dans la facilité. Pour combattre ce problème, la série aura recours à l’auto-dérision et le hors-champs, n ‘hésitant pas à devenir un épisode trop court dans lequel il faut « remplir » les dernières scènes (en chantant par exemple), un épisode sans générique (car son interprète Al Jarreau est coincé dans le trafic) ou encore une comédie musicale artistiquement que broadway n'aurait pas renié, Moonlighting cache derrière sa fantaisie une des productions les plus rigoureuses de l'histoire de l'industrie télé. Celle où chaque envie a sa concrétisation à l’écran. Rêve absolu de showrunner, cauchemar du même rang pour le studio qui la produit (ABC Circle Films), Moonlighting peut faire rire ou pleurer parce qu’elle est artistiquement intouchable.
Moonlighting fait partie de ces projets qui n'auraient jamais dû existé. Le pitch de quelques-uns des épisodes suffirait à vous faire éliminer par des tueurs à gages engagés par les chaines de télévision. Produite en pleine période de la Quality Television (cf. post sur Hill street blues), la série de Glen Gordon Caron a bénéficié du vent nouveau qui soufflait dans les networks à cette époque-là. L'innovation devait aider chacune des trois grandes chaînes (le réseau fox était sur le point d'arriver et la fiction sur HBO n'était qu'une blague que se faisaient les executives des chaînes devant la machine à café) à revenir au sommet des classements d’audience. L'horizon était encore au beau fixe. Et pour qu'il le reste, on n'avait pas trouvé mieux que de demander à des créateurs de développer une télévision qui sortait des normes. Une télévision qui n'avait pas peur d'être complexe, inédite, surprenante. Steven Bochco, Tom Fontana, David Milch, Robert Frost, Marshal Herkowitz et Ed Zwick, John Wells ont bâti cette fiction des années 80 et en ont fait le creuset d'oeuvres que même l'âge d'or HBO, une décennie plus tard, n'égalera (car dans un tout autre genre) jamais totalement.
Moonlighting est une série indispensable car elle est une sorte de résumé de ce que sait faire Hollywood. Tour à tour comédie sentimentale digne des screwball comedies, empruntant, sans la dénigrer, à la culture du théâtre de boulevard (qui conduit, comme chacun le sait, bien souvent à la sitcom), délivrant des clins d’oeils magiques au monde de Broadway, à celui du roman noir, des classiques du polar, les aventures de David Addison et Maddie Hayes relèvent de l’entertainement global. On ne sait jamais à quelle sauce on va être mangé. Numéro de claquette, épisode à la manière de « La vie est belle » de Frank Capra ou grand numéro romantique. Car, Moonlighting, c’est une frénésie d’idée esthétique et narrative mais c’est surtout Maddie et Dave. Des couples comme ça sont extrêmement rares. Ils nous font rire, pleurer (presque) notamment dans le fameux final season de la laverie automatique… Bien d’autres depuis se sont essayés au genre mais personne n’a su recréer le cocktail si particulier de cette agence de détective complètement exsangue dont les employés ne travaillent jamais et dont les deux dirigeants n’ont qu’une unique et réelle activité : séduire l’autre.
La saison des grilles
Aux Etats-Unis, courant mai est le moment traditionnel où les networks dévoilent - en concertation avec les publicitaires de Madison Avenue, les grilles de programmes de la saison prochaine. Chaque chaîne y va, dans sa présentation, de sa théorie qui justifie un choix coûtant des centaines de millions de dollars. Là, où l'année passée tel directeur des programme avait défendu la décision de stopper les comédies en les jugeant inattractives ou passées de mode, le même exécutif pourra vous sortir un speech sur l'utilité et l'incroyable pouvoir des comédies. C'est ça, la télévision. Un univers qui bouge à la vitesse de la lumière et en perpétuel changement. Cette année NBC joue "moitié de saison", poilade de production qui lui a fait passé des season order de 13 ou 16 épisodes. Chaque case sera tenue par plusieurs séries qui se succéderont de manière plus nerveuse sur la grille en complète perte de vitesse du grand network des années 90 (ER, Law and Order, Homicide, Friends, Seinfeld...). CBS ne change rien. ABC tourne vers la comédie et un nouveau show mâtiné de SF (Flash Forward) et appelé à faire la transition avec la fin de Lost. La Fox développe de manière plutôt créative tout en retranchant derrière la puissance d'American Idol qui lui assure quoiqu'il arrive des chiffres d'audiences correctes. CW gagne en logique de programmation (chose qui lui avait toujours fait défaut depuis sa naissance). De nouvelles séries donc, avec certainement dans le tas quelques raisons de se réjouir. Après, il ne faut pas oublier que derrière le faste de ces présentations se présentent toujours les mêmes questionnement de la part des gens des grandes chaînes. Leurs audiences vont-elles continuer à baisser au profit du câble toujours aussi attrayant en terme de fiction différentes et décalées ? La force des grandes chaînes américaines s'est de n'avoir jamais baissé les bras. Les chaînes françaises pourraient peut-être garder cet exemple en tête au moment de confectionner leurs grilles...
PS : ceux qui veulent les line-up complets n'ont qu'à aller voir les camarades de perdusa ou du plato TV...
PS : ceux qui veulent les line-up complets n'ont qu'à aller voir les camarades de perdusa ou du plato TV...
lundi 18 mai 2009
Reporter(s) suite...
Vu dans Télérama. Un seul petit T pour la série de Capa Drama. Admettons. Ils ont quand même un peu la dent dure avec la fiction française dans la presse dite "de qualité" . En revanche trois T pour "Lord of War" d'Andrew Nicoll avec un des acteurs les plus épouvantables du cinéma actuel (Nicolas "j'en fais des caisses" Cage) et un sujet bâclé qui ferait passer un film d'Oliver Stone pour un doctorat de 3e cycle, là c'est poussé. Et puis tout ça, pose un autre problème. Comment Télérama va-t-il noter les films chiants tournés en 8 mm dans les plaines du Kazhakstan ?
(gros soupir). Tout fout le camp ma bonne dame...
(gros soupir). Tout fout le camp ma bonne dame...
dimanche 17 mai 2009
Olivier Kohn répond
Le créateur de Reporter(s), l'une des séries les plus abouties du moment a pris un peu de son (précieux) temps pour répondre à quelques questions que j'avais envie de lui poser sur sa série, mais aussi sur le reste de sa carrière. Merci beaucoup à toi Olivier.
— Quel est ton parcours jusqu'à l'écriture de télévision ?
J’ai commencé par la critique de cinéma, à « Positif », de 1990 à 1998. Cela m’a évidemment appris à comprendre et formuler ce que je ressentais devant un film. En parallèle, pour gagner ma vie, j’ai commencé à lire des scénarios, d’abord de séries ou de téléfilms, puis aussi de longs métrages, pour différentes maisons de productions, mais surtout pour M6. Ça a été ma formation à la direction littéraire. Ensuite, j’ai été chargé de programmes à M6 pendant 1 an, en 1995 je crois. Premier contact avec les producteurs et les auteurs, apprentissage de la discussion autour d’un scénario. Puis passage du côté de la production : j’ai fait plusieurs petits boulot avant d’arriver à Capa Drama en 1998. J’ai commencé comme conseiller littéraire sur des « Combats de Femmes » (une collection de téléfilms pour M6 réalisés par des réalisateurs de cinéma comme Emmanuelle Bercot, Diane Bertrand, Lucas Belvaux…), et une série pour TF1 qui s’appelait Le Bahut. Ensuite, je suis devenu directeur littéaire, sur des projets comme Police District ou S.A.C pour Canal. Et enfin producteur artistique (producteur littéraire + travail sur le casting, les repérages, le tournage…) sur Age sensible, pour France 2, en 2000-2002. Le passage à l’écriture s’est fait en 2004 : Canal+ avait fait un appel d’offres pour une série sur les journalistes, et à la suite d’un concours de circonstances, j’ai été amené à écrire une quinzaine de pages que Claude Chelli a trouvées suffisamment présentables pour les envoyer à Canal. Et c’est le projet qu’ils ont retenu. Date à graver d’une pierre blanche !
— Parle-nous du rôle ingrat de la Direction littéraire ? Ce rôle doit-il évoluer ?
Je ne trouve pas que ce soit un rôle ingrat. Mais d’abord, entendons-nous sur les termes : pour moi, un directeur littéraire, c’est un salarié dans une maison de production, dont le rôle est de chercher des sujets, des auteurs pour les écrire, et d’accompagner les auteurs dans l’écriture en étant leur premier lecteur. Il n’écrit pas, mais il lit, écoute, comprend, discute, suggère, et éventuellement coordonne et supervise quand il s’agit d’une série. C’est banal de le dire, mais c’est un travail d’accouchement, mais — c’est important — d’accouchement réciproque. J’ai toujours ressenti que les séances de travail les plus fructueuses étaient celles durant lesquelles je changeais de regard sur le scénario à cause de ce que le scénariste me disait, et vice-versa. On n’arrive pas à une séance comme celle-là avec un avis définitif dont on ne s’éloignera pas, mais avec des impressions que l’on précise en discutant avec l’auteur.
J’ajoute que pour moi, il ne faut pas confondre directeur littéraire et directeur de collection. Ce dernier est un scénariste à part entière, il écrit. Il n’existe que sur une série, et pour moi c’est l’auteur central, celui qui donne le ton et qui réécrit les textes au final. Souvent c’est le créateur. Mais ce n’est pas forcément lui qui organise et participe à toutes les réunions avec les auteurs.
Directeur de collection et directeur littéraire sont à mon sens complémentaires, c’est en tout cas comme ça que j’ai vécu par exemple les expériences de Police District et d’Age sensible, avec respectivement Hugues Pagan et Michel Leclerc comme directeurs de collection, deux auteurs formidables avec lesquels j’ai beaucoup appris (j’espère !) sur ce métier.
Donc pour en revenir à la question, je ne vois pas en quoi directeur litttéraire est un rôle ingrat, ni la nécessité de le faire évoluer. Il faut simplement qu’il trouve la bonne place pour chaque projet.
— Depuis que tu fréquentes cet univers, qu'est-ce qui a changé ?
En deux mots, le rapport à la fiction télé. Quand j’ai commencé la critique de cinéma, la fiction télé était méprisée par les critiques et les créateurs. Et je dois bien dire que je partageais ce mépris. D’ailleurs, je n’avais pas de télé à l’époque. Et puis Arte, pour les téléfilms, a fait bouger les choses. Les cinéastes ont peu à peu compris qu’ils pouvaient faire un travail intéressant pour la télévision, et les critiques ont suivi — surtout quand des téléfilms, comme Les Roseaux Sauvages de Téchiné, étaient sélectionnés à Cannes ! Côté séries, je me souviens de 1995 : c’était l’année où je travaillais à M6, et des cassettes circulaient en interne, qui venaient du service des achats à l’étranger. C’étaient des séries qui n’étaient pas encore diffusées en France et qu’ils avaient récupérées aux screenings de Los Angeles. On me les a passées un jour : c’était Friends, X-Files, et Urgences. Là, j’étais encore à Positif, cinéphile assez « pointu », et j’ai commencé à me dire que la série pouvait atteindre une qualité d’écriture, de récit, etc. que je ne soupçonnais pas jusque-là.
— Quelles sont tes influences ?
Influences, je ne sais pas trop ce que ça veut dire. Est-ce que ce serait des œuvres dont on retrouverait la trace dans son propre travail ? Je n’ai pas assez de recul pour ça. Mais des admirations, oui, j’en ai beaucoup. Et qui n’ont pas forcément de liens en apparence avec Reporters. Pour se cantonner aux séries, ce qui me vient à l’esprit spontanément, dans le désordre (j’en oublierai sûrement), ce sont The Wire (à propos, il faut absolument lire le dernier livre de Dennis Lehane, Un pays à l’aube, c’est un grand grand roman), Mad Men, True Blood, Six feet under, The West Wing, In treatment, Studio 60 on the sunset strip, Rome, Murder One, Once & again, Bienvenue en Alaska… et David Milch, que ce soit son boulot dans NYPD Blue, ou dans Deadwood, et même dans John from Cincinnatti, même si je ne suis pas encore arrivé au bout ! Milch est la preuve la plus évidente (presque trop !) qu’il faut considérer les « créateurs »/showrunners de ces séries-là comme des auteurs à part entière : on retrouve leurs thèmes, leur style, leur « vision du monde » dans tout ce qu’il font, même quand c’est moins réussi, et ça, c’est vraiment passionnant.
— On parle souvent chez les auteurs de créatifs (trouvent des idées) et de bâtisseurs (structurent le récit), dans quelle famille te sens-tu le plus à l'aise ?
Idéalement, il faudrait être bon dans les deux, comme au tennis : bon en coup droit, et bon en revers. Je crois que je suis naturellement plus à l’aise dans l’organisation, dans la structure, au sens large. J’ai tendance à d’abord ressentir une forme, un rythme, une sensation, avant de l’incarner, que ce soit à l’échelle d’une scène ou d’une histoire. J’envie les auteurs qui « voient » immédiatement, concrètement les choses. Mais bon… rien n’est définitif, je vais travailler mon revers !
— D'où vient l'idée de Reporters ?
De Canal +. Fabrice de la Patellière et Dominique Jubin voulaient explorer en fiction le monde du journalisme, puisque personne ne l’avait fait et qu’ils pensaient, à mon avis très justement, que c’était un bon matériau de fiction. Au départ, il s’agissait de raconter dans une mini-série la campagne présidentielle de 2002 du point de vue des journalistes, et on s’est aperçu que c’était trop réducteur pour aborder les nombreux thèmes possibles, et qu’en plus ça nous limiterait à une saison. Comme de leur côté, Hervé Chabalier et Claude Chelli à Capa cherchaient depuis des années à produire un projet sur ce monde-là, ça tombait bien…
— On entend souvent les auteurs se plaindre quand ils voient à l'écran le résultat final de plusieurs mois voire de plusieurs années de travail. Avec Reporters, Penses-tu faire la série que tu voulais faire ?
On me reproche souvent d’être trop insatisfait. Alors je dirais oui et non. « Oui », parce qu’à l’arrivée on est proche de l’esprit qui a animé l’écriture, et que je me sens prêt à défendre la série de toutes mes forces (surtout quand je lis les papiers de certains critiques qui à mon sens n’ont pas bien compris le projet). « Non », mais un petit « non », parce qu’il y a toujours des choses à améliorer, des intentions qui sont passées à la trappe, et dont je ne saurai jamais si elles tenaient la route ou pas. Mais ça, je crois que c’est inhérent au métier de scénariste.
— Travailler avec Canal+ en fiction aujourd'hui, est-ce un plus ? Pour une première série, n'est-ce pas presque un handicap de commencer avec cette chaîne ?
Un handicap, je ne vois pas trop pourquoi. Ça dépendra plutôt de la suite des événements… Un plus, peut-être, dans la mesure où il y a aujourd’hui à Canal une volonté de se distinguer des autres chaînes, et ça, c’est toujours un facteur de changement et, sinon de progrès, du moins de recherche. C’est ce que j’ai ressenti à l’échelle de Capa pendant que j’y ai travaillé : chaque fois qu’on arrivait plus facilement à faire passer de « nouvelles » choses, c’est parce que le diffuseurs avaient des difficultés ou des ambitions d’audience et qu’il cherchait à changer : c’est ce qui s’est passé avec Police District et Age sensible.
— Qu'aimes-tu dans la fiction française actuelle ?
Je ne vois pas tout, donc je me prononce sur un corpus vraiment incomplet, mais récemment, j’ai bien aimé Les Oubliées, Engrenages, Duel en ville, À cran, il y a plus longtemps, Nicolas Le Floc’h. Et j’ai très envie regarder la version 52’ de Fais pas ci fais pas ça dont on m’a dit beaucoup de bien.
— Quel est ton parcours jusqu'à l'écriture de télévision ?
J’ai commencé par la critique de cinéma, à « Positif », de 1990 à 1998. Cela m’a évidemment appris à comprendre et formuler ce que je ressentais devant un film. En parallèle, pour gagner ma vie, j’ai commencé à lire des scénarios, d’abord de séries ou de téléfilms, puis aussi de longs métrages, pour différentes maisons de productions, mais surtout pour M6. Ça a été ma formation à la direction littéraire. Ensuite, j’ai été chargé de programmes à M6 pendant 1 an, en 1995 je crois. Premier contact avec les producteurs et les auteurs, apprentissage de la discussion autour d’un scénario. Puis passage du côté de la production : j’ai fait plusieurs petits boulot avant d’arriver à Capa Drama en 1998. J’ai commencé comme conseiller littéraire sur des « Combats de Femmes » (une collection de téléfilms pour M6 réalisés par des réalisateurs de cinéma comme Emmanuelle Bercot, Diane Bertrand, Lucas Belvaux…), et une série pour TF1 qui s’appelait Le Bahut. Ensuite, je suis devenu directeur littéaire, sur des projets comme Police District ou S.A.C pour Canal. Et enfin producteur artistique (producteur littéraire + travail sur le casting, les repérages, le tournage…) sur Age sensible, pour France 2, en 2000-2002. Le passage à l’écriture s’est fait en 2004 : Canal+ avait fait un appel d’offres pour une série sur les journalistes, et à la suite d’un concours de circonstances, j’ai été amené à écrire une quinzaine de pages que Claude Chelli a trouvées suffisamment présentables pour les envoyer à Canal. Et c’est le projet qu’ils ont retenu. Date à graver d’une pierre blanche !
— Parle-nous du rôle ingrat de la Direction littéraire ? Ce rôle doit-il évoluer ?
Je ne trouve pas que ce soit un rôle ingrat. Mais d’abord, entendons-nous sur les termes : pour moi, un directeur littéraire, c’est un salarié dans une maison de production, dont le rôle est de chercher des sujets, des auteurs pour les écrire, et d’accompagner les auteurs dans l’écriture en étant leur premier lecteur. Il n’écrit pas, mais il lit, écoute, comprend, discute, suggère, et éventuellement coordonne et supervise quand il s’agit d’une série. C’est banal de le dire, mais c’est un travail d’accouchement, mais — c’est important — d’accouchement réciproque. J’ai toujours ressenti que les séances de travail les plus fructueuses étaient celles durant lesquelles je changeais de regard sur le scénario à cause de ce que le scénariste me disait, et vice-versa. On n’arrive pas à une séance comme celle-là avec un avis définitif dont on ne s’éloignera pas, mais avec des impressions que l’on précise en discutant avec l’auteur.
J’ajoute que pour moi, il ne faut pas confondre directeur littéraire et directeur de collection. Ce dernier est un scénariste à part entière, il écrit. Il n’existe que sur une série, et pour moi c’est l’auteur central, celui qui donne le ton et qui réécrit les textes au final. Souvent c’est le créateur. Mais ce n’est pas forcément lui qui organise et participe à toutes les réunions avec les auteurs.
Directeur de collection et directeur littéraire sont à mon sens complémentaires, c’est en tout cas comme ça que j’ai vécu par exemple les expériences de Police District et d’Age sensible, avec respectivement Hugues Pagan et Michel Leclerc comme directeurs de collection, deux auteurs formidables avec lesquels j’ai beaucoup appris (j’espère !) sur ce métier.
Donc pour en revenir à la question, je ne vois pas en quoi directeur litttéraire est un rôle ingrat, ni la nécessité de le faire évoluer. Il faut simplement qu’il trouve la bonne place pour chaque projet.
— Depuis que tu fréquentes cet univers, qu'est-ce qui a changé ?
En deux mots, le rapport à la fiction télé. Quand j’ai commencé la critique de cinéma, la fiction télé était méprisée par les critiques et les créateurs. Et je dois bien dire que je partageais ce mépris. D’ailleurs, je n’avais pas de télé à l’époque. Et puis Arte, pour les téléfilms, a fait bouger les choses. Les cinéastes ont peu à peu compris qu’ils pouvaient faire un travail intéressant pour la télévision, et les critiques ont suivi — surtout quand des téléfilms, comme Les Roseaux Sauvages de Téchiné, étaient sélectionnés à Cannes ! Côté séries, je me souviens de 1995 : c’était l’année où je travaillais à M6, et des cassettes circulaient en interne, qui venaient du service des achats à l’étranger. C’étaient des séries qui n’étaient pas encore diffusées en France et qu’ils avaient récupérées aux screenings de Los Angeles. On me les a passées un jour : c’était Friends, X-Files, et Urgences. Là, j’étais encore à Positif, cinéphile assez « pointu », et j’ai commencé à me dire que la série pouvait atteindre une qualité d’écriture, de récit, etc. que je ne soupçonnais pas jusque-là.
— Quelles sont tes influences ?
Influences, je ne sais pas trop ce que ça veut dire. Est-ce que ce serait des œuvres dont on retrouverait la trace dans son propre travail ? Je n’ai pas assez de recul pour ça. Mais des admirations, oui, j’en ai beaucoup. Et qui n’ont pas forcément de liens en apparence avec Reporters. Pour se cantonner aux séries, ce qui me vient à l’esprit spontanément, dans le désordre (j’en oublierai sûrement), ce sont The Wire (à propos, il faut absolument lire le dernier livre de Dennis Lehane, Un pays à l’aube, c’est un grand grand roman), Mad Men, True Blood, Six feet under, The West Wing, In treatment, Studio 60 on the sunset strip, Rome, Murder One, Once & again, Bienvenue en Alaska… et David Milch, que ce soit son boulot dans NYPD Blue, ou dans Deadwood, et même dans John from Cincinnatti, même si je ne suis pas encore arrivé au bout ! Milch est la preuve la plus évidente (presque trop !) qu’il faut considérer les « créateurs »/showrunners de ces séries-là comme des auteurs à part entière : on retrouve leurs thèmes, leur style, leur « vision du monde » dans tout ce qu’il font, même quand c’est moins réussi, et ça, c’est vraiment passionnant.
— On parle souvent chez les auteurs de créatifs (trouvent des idées) et de bâtisseurs (structurent le récit), dans quelle famille te sens-tu le plus à l'aise ?
Idéalement, il faudrait être bon dans les deux, comme au tennis : bon en coup droit, et bon en revers. Je crois que je suis naturellement plus à l’aise dans l’organisation, dans la structure, au sens large. J’ai tendance à d’abord ressentir une forme, un rythme, une sensation, avant de l’incarner, que ce soit à l’échelle d’une scène ou d’une histoire. J’envie les auteurs qui « voient » immédiatement, concrètement les choses. Mais bon… rien n’est définitif, je vais travailler mon revers !
— D'où vient l'idée de Reporters ?
De Canal +. Fabrice de la Patellière et Dominique Jubin voulaient explorer en fiction le monde du journalisme, puisque personne ne l’avait fait et qu’ils pensaient, à mon avis très justement, que c’était un bon matériau de fiction. Au départ, il s’agissait de raconter dans une mini-série la campagne présidentielle de 2002 du point de vue des journalistes, et on s’est aperçu que c’était trop réducteur pour aborder les nombreux thèmes possibles, et qu’en plus ça nous limiterait à une saison. Comme de leur côté, Hervé Chabalier et Claude Chelli à Capa cherchaient depuis des années à produire un projet sur ce monde-là, ça tombait bien…
— On entend souvent les auteurs se plaindre quand ils voient à l'écran le résultat final de plusieurs mois voire de plusieurs années de travail. Avec Reporters, Penses-tu faire la série que tu voulais faire ?
On me reproche souvent d’être trop insatisfait. Alors je dirais oui et non. « Oui », parce qu’à l’arrivée on est proche de l’esprit qui a animé l’écriture, et que je me sens prêt à défendre la série de toutes mes forces (surtout quand je lis les papiers de certains critiques qui à mon sens n’ont pas bien compris le projet). « Non », mais un petit « non », parce qu’il y a toujours des choses à améliorer, des intentions qui sont passées à la trappe, et dont je ne saurai jamais si elles tenaient la route ou pas. Mais ça, je crois que c’est inhérent au métier de scénariste.
— Travailler avec Canal+ en fiction aujourd'hui, est-ce un plus ? Pour une première série, n'est-ce pas presque un handicap de commencer avec cette chaîne ?
Un handicap, je ne vois pas trop pourquoi. Ça dépendra plutôt de la suite des événements… Un plus, peut-être, dans la mesure où il y a aujourd’hui à Canal une volonté de se distinguer des autres chaînes, et ça, c’est toujours un facteur de changement et, sinon de progrès, du moins de recherche. C’est ce que j’ai ressenti à l’échelle de Capa pendant que j’y ai travaillé : chaque fois qu’on arrivait plus facilement à faire passer de « nouvelles » choses, c’est parce que le diffuseurs avaient des difficultés ou des ambitions d’audience et qu’il cherchait à changer : c’est ce qui s’est passé avec Police District et Age sensible.
— Qu'aimes-tu dans la fiction française actuelle ?
Je ne vois pas tout, donc je me prononce sur un corpus vraiment incomplet, mais récemment, j’ai bien aimé Les Oubliées, Engrenages, Duel en ville, À cran, il y a plus longtemps, Nicolas Le Floc’h. Et j’ai très envie regarder la version 52’ de Fais pas ci fais pas ça dont on m’a dit beaucoup de bien.
mardi 12 mai 2009
Et Reporter(s) place la barre haute
Nouvelle preuve pour ceux qui pensent que la fiction française est nase. La série de Canal Plus "Reporters", à l'occasion de sa nouvelle saison frappe fort. Non content d'avoir réussi une première livrée il y a deux ans plutôt déjà très honnête, les scénaristes de Claude Chelli (producteur) et Olivier Kohn (créateur) ont poussé la barre très haut. Je n'ai vu que cinq épisodes mais pour l'instant tout est remarquablement exécuté dans ces premiers segments de la série. Dès l'intro du pilote, avec une explosion dans une résidence pour expatriés à Ryad, on sent que l'objectif numéro un va être de nous placer et nous laisser dans un environnement sous haute tension. Le moins que l'on puisse dire c'est que c'est réussi. Artistiquement peu criticable, bien filmée, bien jouée, la série nous embarque dans un imbroglio politico-diplomatico-journalistique de haute volée. Il n'y a pas de temps mort. Les scènes se succèdent avec brio et nous donne une réelle vision du monde des services secrets, de la politique politicienne et du monde de la presse. Capa Drama a réussi son coup. (message perso) J'en profite pour dire à Olivier K que c'est quand il veut pour mes réponses. Toujours dans la lune ces créateurs de séries !!!!
lundi 11 mai 2009
Souvenir de 2003. Quelques heures sur le set de CSI du côté de Santa Clarita, Californie.
Chicago O'Hare. 02 : 25 (GMT) Le plus grand aéroport du monde se la joue labyrinthe flippant de moquette pas belle. Je cours après ma correspondance pour L.A. Maudit billet pas cher ! maudit hub de 4 km de long ! Ouf, ça y est ! je suis dans l'avion. Il était moins une, car à peine sanglé, le tarmac s'éloigne déjà. Tout ça c'est de la faute de Patti, la publicist d'Alliance-Atlantis. Pendant une quinzaine de minutes de baragouinage haché menu sur mon portable, Patti m'a expliqué toutes les options qui s'offraient à moi. Toutes les options si d'aventure quelque chose se concrétisait…. Flash-back, Voilà un mois, que j'ai reçu le feu vert pour réaliser un reportage sur CSI, la série n°1 depuis quatre ans aux Etats-Unis. Mais un mois plus tard, je ne sais toujours pas à quelle sauce je vais être mangé. J'ai eu droit à tout. Visite complète et rencontre avec Anthony Zuicker, le créateur historique de la franchise CSI, on m'a ensuite changé de CSI, en l'occurrence « CSI : Miami », qui se tourne du côté de Long Beach à… Los Angeles, on m'a ensuite expliqué que plus rien ne se ferait.. Et me voilà… Patti n'est pas tout à fait comme les autres publicists américaines. Elle est gentille. Vraiment gentille. On sent qu'Alliance/atlantis ne se met pas la pression à l'instar des majors hollywoodiennes. Alliance / Atlantis est un groupe de communication canadien qui a eu la très bonne idée de produire via Jerry Bruckheimer une série dont aucun studio n'a voulu à l'époque sur le marché américain. La série s'appelait CSI pour « Crime Scene Investigation » et aujourd'hui, avec ses spin-offs, elle attire une quarantaine de millions de téléspectateurs chaque semaine aux Etats-Unis ; Un chiffre à multiplier par dix si vous voulez avoir le nombre de téléspectateurs pour le monde entier. Ça n'est pas le coup du siècle mais ça y ressemble. Et je ne parle même pas de toutes les séries qui ont désormais pour marque de fabrique une narration à base de flash-backs et de reconstitutions en 3D en tous genres… CSI a marqué un tournant dans la production américaine du début des années 2000. Non, vraiment, il n'y a pas à dire. Patti est gentille. Elle me demande où est mon hôtel et commence à me donner des conseils d'itinéraire. La 101 West ? Le building American Express ? l'échangeur en face du parc d'attraction Universal ? C'est à ce moment précis que j'ai entendu mon nom de famille maladroitement prononcé par les haut-parleurs de l'aéroport. J'étais attendu à 3800 mètres de là dans un avion en partance immédiate pour L.A. Autant dire que ce n'était pas gagné… Le voyage est plutôt cool. Une petite occasion pour repenser à mes questions. Seul problème, je ne sais pas encore à qui je vais les poser. Souvent ça peut aider quand même… A l'arrivée, c'est la nuit à L.A. Le temps de m'endormir au comptoir Avis, la compétence est un truc international, puis de me perdre et ça y est il est une heure du mat'. Je pénètre dans ma chambre d'hôtel des fax plein les bras. Le plan, les bios des acteurs, le programme de la journée (toujours sous réserve), un petit pipi et au lit. Le lendemain, je suis réveillé par le réceptionniste pakistanais de mon hôtel. Pour lui non plus ça n'est pas la joie. J'ingurgite un grand gobelet de café pas bon et part sans plus attendre pour les Santa-Clarita Studios. Je ne sais pas bien où je vais mais a priori une foule de personnes a rendez-vous avec moi. On improvisera sur place. Santa-Clarita, ça doit être la traduction latina de trou-du-cul-du-monde. Après avoir roulé dans le désert au Sud-Est de L.A, et s'être dit une bonne dizaine de fois, « Putain, c'est pas possible que ça soit là !! » on pénètre dans une zone remplie de firmes spécialisée dans l'audiovisuel. Et là on se dit : « Putain, ça doit être là ! ». Plusieurs vastes hangars blancs dominent cette zone industrielle. Ce sont les backlots loués par la production de CSI, immenses hall dans lesquels les auteurs américains font mumuse aux cow-boys et aux indiens (« Carnivale » par exemple mais "Deadwood" aussi ont été tourné en partie ici) ou aux Policiers scientifiques qui trouvent (presque) toujours à la fin (faut jamais laisser un bout de son ADN sur le frein à disque trafiqué de la voiture de son patron…). Comme à l'accoutumée, le tournage est bien moins glamour que le résultat à l'écran. Le plateau est parcouru par une armée de mecs en bermuda. Des techniciens, des machinos qui travaillent d'arrache-pied pour qu'au bout de huit jours de tournage, sorte d'ici un nouvel épisode de "CSI", l'une des rolls des séries actuelles. Aujourd'hui, on tourne les scènes d'interrogatoire. Warick est aux prises avec un jeune garçon qu'il soupçonne d'avoir jouer avec des allumettes. La scène se déroule dans un calme religieux. Très intime à l'écran mais également feutrée pendant les breaks entre les prises, comme si le réalisateur voulait préserver son jeune comédien d'une petite dizaine d'année. "CSI" n'est pas une série spectaculaire. Pas dans ce sens en tout cas. Pas d'action effrénée, pas d'extérieurs à profusion. Patti me tombe littéralement dessus. Elle revient du catering avec une montagne de viennoiseries. Il faut que je prenne des forces, elle revient avec le plan de travail. Danny Cannon, l'un des patrons du show (et de toute la franchise "CSI") veut bien me recevoir. Ce britannique d'une bonne quarantaine d'années est le papa du visuel de la série. Issu du cinéma, Cannon est venu à la télévision sur l'ordre de Jerry Bruckheimer. Quand je lui pose une question, Cannon met une éternité à répondre mi-amusé, mi-fatigué. Quelques minutes plus tard, il déballe son emploi du temps, un truc proprement impossible dans lequel il jongle avec des séances d'écriture, de réécriture, de castings d'auteurs comme d'acteurs, des validations d'effets spéciaux. Le tout sur plusieurs sites dans L.A. Des journées de quatorze heures pour un boulot qui se conjugue avec passion. Patti, l'attachée de presse vient me taper amicalement dans le dos. C'est l'heure. Quelques lourdes portes poussées plus tard, on se balade dans un dédale de fausses cloisons et de pieds de projecteur. Il fait 40°c là-dessous. D'énormes câbles électriques parcourent les couloirs, c'est en les suivant qu'on se rapproche du saint des saints. Plus on se rapproche et plus on croise de gens affairés, mine crevée ou préoccupée, ça ne rigole pas. Une armée d'assistants s'échangent des codes par talkie-walkie. "Danny Cannon arrive dans la place et il est avec un étranger". L'étranger c'est moi. Le silence est demandé, « moteur, et action ! ». Gary Dourdan, l'interprête de Warick, black athlétique aux yeux fond de lagon est toujours dans sa scène très intimiste face à un jeune garçon. … Coupé ! Les figurants s'arrêtent de passer et repasser en arrière-plan. Le réalisateur sort de l'ombre, dos à l'action et face à un mini-moniteur, il semble dans ses pensées. Problèmes de focales ou interrogations sur le choix du restaurant à réserver pour sa soirée avec cette petite actrice suédoise… Va savoir. Le set de "CSI" ressemble à tous les sets de série US. Professionnalisme et gros moyens techniques. Le décor principal regroupe différentes salles des locaux de la Police scientifique de Vegas. Sans le travail de la lumière, tout fait toc. Ça aussi c'est normal. Gary Dourdan se présente pour l'entretien. Belle bête. Le mec à vous filer des complexes. Discussion tranquille pendant que le plan de tournage continue autour de nous. Dourdan répond nonchalamment tout en suivant du regard, de temps à autre, une jeunette qui passe à portée. Patti se matérialise : il faut y aller. Poignée de main franche avec Gary. Il me parle de la chance que j'ai d'habiter en France. Je pense à la chance qu'il a d'avoir encore ses deux mains entières (parce que moi y'en a une qui est complètement broyée…). Patti est montée d'un cran rayon nervosité. J'ai dit une connerie ? J'ai parlé pendant une prise. Non, Marg Helgenberger doit simplement débarquer d'une minute à l'autre. Le seul ton de la voix de la gentille Patti me laisse à penser que l'interprète de Katherine Willows est une chieuse de première. L'impression n'est pas prête de se tasser quand Marg fait son entrée guettant l'éventuelle présence d'une caméra. Elle me sort un sourire Ultra-Brite qui me fait dire que la psychologie humaine est parfois réduite à bien peu de choses. Et je n'ai pas parlé de sa couleur de cheveux. Vous avez remarqué ? Bref, Marg est très contente de la série – on le serait à moins. Elle est contente pour la chaîne et elle est très contente d'elle-même. Entre deux interventions de sa maquilleuse (blonde elle-aussi) qui croit peut-être que mon dictaphone est une caméra, Marg me parle du grand bonheur qu'elle à travailler là. L'équipe est formidable, les histoires sont formidables, tout le monde est formidable. Marg ne réfléchit pas à ce qu'elle dit. Du coup, je décide inconsciemment de l'indisposer en la félicitant pour son superbe rôle dans « Traffic » alors que c'est dans « Erin Brockovitch » qu'elle joue la maman prolo dont les enfants sont obligés de se baigner dans une eau empoisonnée. Marg est limite vexée et ça se voit. Je suis assez heureux de l'effet et ça se voit aussi. Patty me lance un énorme haussement de sourcils genre « ça va pas quoi ! elle va me casser les noix avec ça pendant des mois maintenant ! ». Par mesure de rétorsion, Patty me laisse traîner comme une vieille chaussette avec deux ou trois consultants techniques du show de passage sur le plateau. Les mecs sont tous d'anciens membres de forces liées à la Police. Passionnants mais sexy comme une paire d'espadrilles. C'est quand même pour moi, l'occasion d'apprendre que la plupart des séries entretiennent des viviers de consultants techniques nécessaires pour la réactivité des scripts. On veut bien dire des trucs à peu près juste mais il ne faut pas que ça mette en l'air tout le plan de tournage. Il faut donc aller vite et travailler avec des gens qui ont les bonnes réponses. Les plus doués, ceux qui comprennent le besoin du médium télévisé ne tardent pas à écrire leurs propres épisodes. Ecrits en collaboration avec des auteurs du staff. On voit là toute la culture d'écriture à plusieurs mains de l'industrie télé US. Seul le résultat compte. Les égos sont mis de côté et le partage d'idées et de techniques d'écriture est maximal. Quand vous avez l'ambition de dépasser les 150 épisodes, vous ne pouvez fonctionner que comme cela. Ou alors vous finissez avec « Derrick ». Et là vous ne faites plus vraiment de la fiction télé. Plutôt du diaporama. Mais revenons à nos moutons. Une sonnerie générale se fait entendre dans l'ensemble du backlot. Il est 15 heures, l'heure de la pause. Celle ou l'on va engloutir une côte de bœuf dans la cantine que la production met à disposition. L'un des credo les plus intéressants d'Hollywood se résume en cette phrase : « Si vous nourrissez bien les hommes, tout ira toujours bien ». Patti a l'air totalement en osmose avec cette théorie. Après trois portions de taboulé et une assiette rassemblant ma ration mensuelle de féculent, Patti se laisse séduire par un bout de Tiramisu. On arrose ça avec quelques seaux de sodas et maintenant, elle est calé jusqu'à la nuit. De mon côté, la nuit je la commencerais bien. Après quelques conversations avec des membres de l'équipe de techniciens, je me demande si cela vaut bien le coup d'aller digérer/somnoler à côté du réal durant de nouvelles heures. Patti ne me laisse pas le choix. Elle veut m'emmener voir la société qui gère les effets spéciaux de la série. Les rides 3D de streptocoques, les combats d'amibes, les éternuements comme si vous y étiez (bon appêtit !), c'est à Long Beach que ça se passe. Patti est tellement gentille qu'on ne peut décidément rien lui refuser."vous l'avez eu où le Tiramisu ?" |
vendredi 10 avril 2009
REDIFFUSION : Dans la peau d'un auteur de série TV à L.A
Que se passe-t-il dans la tête des scénaristes qui conçoivent, semaine après semaine, les sitcoms Outre-Atlantique? Balade à Hollywood durant quatre semaines de la vie d'un show et de l'un de ses scénaristes. Un papier publié dans Synopsis, il y a quelques années déjà. Le système, en tout cas pour les comédies, reste le même. « Travailler dur, tout tenter, faire de son mieux, si après ça, ça ne fonctionne toujours pas, alors... fuck it ! » Telle est la devise d'Eric Preven, la petite trentaine, scénariste fantasque dans un Hollywood qu'il n'arrête pas de découvrir toujours un peu plus, saison télé après saison télé. Après avoir travaillé sur "Santa Barbara" dans les années 80, Eric Preven a traîné sa casquette et ses costumes un peu trop larges dans une jolie brochette de shows parmi lesquels "Partners" puis "Boston Common", "Something So Right" et un drama ado pas bête du tout nommé "Popular". Aujourd'hui il consacre une bonne partie de son temps à des master-class dans le monde entier. Et à l'époque de notre venue, il tavaillait sur "Reba". WEEK ONE LUNDI. Eric Preven et son partenaire bouclent une réunion de travail au cours de laquelle ils ont écrit autour du thème : « Comment une divorcée avec des enfants et des petits-enfants sous son toit peut faire pour avoir de nouveau une vie amoureuse ? ». Leur conciliabule dure près de cinq heures dont trois à réellement mettre l'histoire en place. Ils vont aller la « pitcher » à la production. La production, c'est celle de "Reba", une sitcom produite par 20th Century Fox et diffusée sur WB. Contre tout attente, "Reba" fait partie des gagnants de la saison 2001-2002. Elle met en scène Reba McEntire – par ailleurs véritable star de country qui interprète dans cette sitcom le rôle d'une femme dynamique entre deux âges qui voit revenir sous son toit toute sa progéniture (enfants, petit-enfants) ce qui l'oblige bien évidemment à changer de vie. Travailler sur une production qui effectue une saison complète, de septembre à mai, n'est pas de tout repos. La production d'une sitcom est une machine infernale. Quand un épisode est diffusé, un autre est en tournage, un autre en post-production (mixage, trucage.. .), et plusieurs autres en écriture à des stades différents. « Pour nous, la saison commence mi-juin, explique Preven. Une première équipe est réunie pour décider des grandes orientations du show durant la saison qui arrive. Nous essayons d'avoir une vision globale sur la saison qui permettra des développements dramatiques pour chacun des personnages. Cette période peut durer quelques semaines. Et puis, commence la période des thèmes. Trouver des thèmes d'épisodes est le truc le plus important pour un membre du staff d'écriture dans une sitcom. Parfois, trouver un épisode peut prendre plusieurs jours, même à un paquet de cerveaux travaillant ensemble. La majorité des staffs de sitcoms sont constitués de sept à douze auteurs. Les auteurs travaillent en groupe, ce qui n'est pas toujours facile car vous vous retrouvez en compétition avec vos pairs. Il est important que chaque auteur ait l'impression d'apporter sa contribution à l'équipe. » MARDI. Eric et son partenaire ont une idée de ce que pourrait être l'épisode. « A ce stade, nous passons des heures à nous demander à quoi l'épisode pourrait ressembler. Quel est le bon ton pour notre show? En fait, il existe des millions de façons de confronter Reba au monde de la drague. .. Mais quand vous savez que l'idée doit plaire à votre patron, le showrunner, au style et aux goûts de Reba, la vedette, et aux demandes du network - qui veut, par exemple, que les situations soient plus réalistes cette saison - croyez-moi, nous arrivons avec une toute petite liste de propositions. » Finalement, l'idée retenue par le showrunner est celle qui voit Reba s'immiscer dans les aventures de sa fille et de son petit copain. Elle profite de cette liaison pour rencontrer le père du prétendant de sa fille qui s'avère être un goujat. MERCREDI. « Nous écrivons une ébauche d'histoire avec des débuts de gags sous la direction du showrunner qui vérifie et valide les pistes vers lesquelles nous partons. » JEUDI. L'idée est présentée à Reba McIntyre. Le show-runner lui pitche une version de notre histoire. L'actrice n'est pas que la vedette de la série, elle en est aussi productrice. « On espérait qu'elle l'aimerait. Elle l'aime, mais avec quelques idées à la clé. Reba n'est pas simplement une personnalité à l'écran... ». Reba Mc Intyre a en effet par contrat droit de modifier certains aspects des histoires qui la concernent. VENDREDI. Le showrunner pitche l'idée de l'épisode au network qui valide le sujet. WEEK TWO LUNDI. « Nous écrivons un plan d'épisode tout en l'annotant précisément de différentes indications pour la suite. Mon expérience me fait dire qu'il est préférable d'éliminer les problèmes de narration dès la phase du plan. C'est mieux que de se précipiter pour écrire une première version que nous allons charcuter. Cela dit, tout dépend du moment où vous vous situez dans la saison. Pour les épisodes 17 à 22, vers la fin de la saison donc, le temps presse, il est donc plus difficile de fignoler. » MARDI. « Nous ne nous rendons pas au bureau. Chacun écrit chez lui une version des trois premières scènes. Je commence vers six heures du matin, après avoir piqué une tête. je transmets par emails les scènes que j'ai écrites. Mon partenaire va beaucoup moins vite. Il reprend consciencieusement chaque réplique. Il pense toutes les situations. » MERCREDI. « Je passe la vitesse supérieure en terme d'écriture. Je me hâte d'envoyer la révision des trois premières scènes à mon partenaire. Il évalue mes changements et valide les modifications. Un des challenges dans la fonction de membre d'un pool d'auteur, c'est que lorsque vous vous isolez pour écrire un script que l'on vous a commandé, vous sortez très vite des affaires courantes du show pendant un épisode ou plus. Parfois, s'éloigner du groupe d'écriture est exactement ce qu'il vous faut. Pour respirer. Ça change des journées à travailler étroitement avec dix autres personnes dans des locaux exigus où l'on a l'impression d'être des technocrates mettant au point un round du GATT. .. Le tout avec des délais quasi impossibles à tenir pour produire un show humoristique et éventuellement intéressant. » JEUDI. « je viens de finir une version du script de 42 pages. Entre-temps, mon partenaire m'a envoyé sa version du premier acte. je parcours le script à la recherche de petites choses à corriger et je les annote. » VENDREDI. « Mon partenaire m'a envoyé hier soir très tard sa version finale du script. Elle n'est pas très différente de la mienne. j'aime beaucoup la plupart de ses améliorations. Aujourd'hui, nous nous voyons pour régler toutes les zones d'ombre. Nous parlons de ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Nous décidons de travailler samedi afin de finaliser les problèmes liés au découpage en actes et réécrire la fin. » SAMEDI. « Je me rends chez mon partenaire Ari. Il travaille dans une petite cabane de jardin améliorée en bureau. La réécriture prend plus de temps que prévu. Mais nous avons finalement trouvé une solution. On imprime le script et on se donne jusqu'à lundi en tout début de matinée pour effectuer des corrections et des coupes car le script a enflé de quatre pages. » WEEK THREE LUNDI. « Je tourne comme un lion en cage. Mon partenaire est en retard et j'ai un paquet de nouvelles remarques. Comme nous approchons de la fin, l'ambiance est différente, nous sommes noyés dans notre texte sans plus avoir de recul sur ce qui est marrant et ce qui ne l'est pas. » Eric Preven avoue être le fonceur du duo, il défriche les idées, les situations et les répliques. Ari, son collègue est plus mesuré, il repasse derrière pour contrôler la cohérence du récit et des actions qui se succèdent. MARDI. "Le retour de la prod est bon... mais jamais assez bon !" Le texte accepté, le script entre dans le processus du tabling (littéralement, de la table) durant lequel l'épisode va être lu devant tout le staff des auteurs. Chacun va essayer d'y apporter quelque chose. Le showrunner a le dernier mot et tranche quand il y a des arbitrages à faire. Une étape à l'occasion de laquelle les susceptibilités sont mises à rude épreuve. "Au début de ma carrière, cette phase était très douloureuse. Voir ses expressions, ses jeux de mots et ses répliques complètement transformées, même en mieux, m'était insupportable. Aujourd'hui, en tant que vieux routier de l'écriture, j'accepte aisément ce type de processus. C'est la nature du job qui veut ça." MERCREDI. Lecture collective de l'épisode écrit par Eric Preven et son partenaire. Tous les acteurs et les auteurs se rassemblent pour lire l'épisode. Le réalisateur et les responsables de la chaîne et du studio prennent des notes et demandent des modifications. Après la lecture, les acteurs ont une petite répétition avec le réalisateur tandis que les auteurs réécrivent. Sur Reba, le rewriting se fait au moment du dîner. Les scripts sont envoyés aux acteurs le soir. Ils peuvent ainsi lire les changements effectués durant la nuit. JEUDI. Les acteurs répètent avec le réalisateur et les auteurs qui sont arrivés sur le décor vers 16 h pour se rendre compte de ce que donne le rewriting. Les auteurs réécrivent à nouveau par rapport à tout ce qui ne va pas. Ça peut prendre plusieurs heures, quelquefois moins. Une nouvelle version du script est donnée aux acteurs pour qu'ils intègrent les changements. « Sur ce show, ce qui est cool, c'est de travailler avec des comédiens qui vont jusqu'au bout de ce que vous leur écrivez. » VENDREDI. Meeting entre le studio et le network dans l'après-midi. Des remarques encore. Des petites révisions sont faites après-coup. On ne travaille pas le week-end. WEEK FOUR LUNDI. L'équipe de tournage se prépare pendant cette journée. On en profite pour régler les lumières et fignoler les décors et les accessoires disponibles par exemple. MARDI. Jour du tournage. "Une scène sera tournée en avance. Une scène en voiture que l'on ne pourra pas jouer devant le public. Après cela, vers 18 h, on commence le tournage de l'épisode devant trois cents personnes. Un détail : durant la semaine de répétition, une chose que les auteurs font durant les successives lectures, c'est de rire. Pour un observateur extérieur, ça peut paraître vaniteux de rire de ses propres gags mais, sincèrement, ça aide à faire avancer le processus. En riant là, où ça doit être drôle, nous donnons aux acteurs des indications sur les moments où les rires auront lieu quand ils joueront devant les caméras et le public. Un épisode de sitcom est quelque chose de très rythmé. En riant, nous leur donnons la marche à suivre. Un peu comme un chef d'orchestre qui bat la mesure. » Dans une saison normale de 22 épisodes, Eric Preven recommencera trois ou quatre fois ce processus. Le reste du temps, il est un membre du staff d'écriture qui participe au peaufinage des scripts écrits par ses collègues. « Travailler à Hollywood est traditionnellement une combinaison de talent et de persévérance. Certaines personnes ont plus l'un que l'autre. Je sais que l'absence de formule magique agace certains notamment ceux qui dénigrent le côté industriel d'Hollywood mais c'est pourtant comme cela que certaines perles ont vu le jour et pas autrement. Dans ce système d'intense compétition Pour tous les dramas merdiques, il y a un Sopranos et pour toutes les sitcoms abêtissantes, il y a un Friends. C'est ça, Hollywood." |
REDIFFUSION : L'art du dialogue des comédies US
Les dialogues constituent le matériau de base des sitcoms. Ce qui en fait la saveur. Les Anglo-Saxons sont passés maîtres dans l'art d'écrire les dialogues savoureux de ce genre télévisuel. Une affaire de culture et de contexte. Même si les adaptations en VF ne le montrent pas toujours, les fictions angIo-saxonnes en général et américaines en particulier s'appuient systématiquement sur des dialogues solides et de qualité. Depuis des décennies, la machine tourne à plein régime donnant régulièrement naissance à des grands classiques ("The Honeymooners", "All in the family", "Cheers", "Seinfeld", "Frasier", "Friends"). On annonce régulièrement la mort du genre, et régulièrement il renaît de ses cendres. Cette capacité à créer chaque saison toujours de nouveaux concepts n'est pas un hasard, elle est le fruit d'un véritable réflexe culturel au sein d'une nation tout entière tournée vers la télévision. Les Etats-Unis ont trouvé en la télévision une manière d'être unis. La forte concurrence qui s'exerce entre studios ou networks, l'apparition de productions de qualité sur le câble et chez les indépendants ces dernières années, n'a fait que renforcer cet état de fait. Résumons, si les sitcoms anglo-saxonnes sont ce qu'elle sont c'est qu'elles bénéficient d'un contexte particulier. La sitcom est née dans les années 50 avec "I love Lucy" (1) (1951, CBS). C'est la comédienne Lucy Ball et son mari Dési Arnaz, qui en refusant de quitter les plages de L.A (où ils travaillaient pour la radio), vont imposer l'idée des tournages côte Ouest, en public (ce qui était déjà la cas à la radio) et filmer en multi-caméra sur l'idée de Karl Freund, un opérateur de Fritz Lang pour optimiser les tournages. Depuis, les Etats-Unis n'ont cessé de perfectionner les techniques de production permettant le tour de force de sortir une vingtaine d'épisodes par saison (soit l'équivalent de plusieurs long-métrages) dans un prime-time où l'on a pu compter jusqu'à 60 comédies par saison au milieu des années 90 ! La sitcom a été, dès ses débuts, associée à la famille, elle a eu le temps, depuis d'explorer bien des domaines de la société (le travail, les amis…) tout en restant un mode privilégié pour marquer toutes les évolutions de la société (mère célibataire, famille recomposée, Américains issus de l'immigration…). La forme ayant été depuis bien longtemps maîtrisée, c'est le fond qui est désormais le lieu de constantes innovations. Et l'évolution des dialogues n'est pas le moindre des bouleversements. Eric Preven, auteur alors sur la sitcom « Danny » et depuis sur « Reba », nous déclarait au début des années 2000 : « l'anglais est une langue propice à ce que j'appelle des sub-langages, des langages périphériques inventés avec des mots utilisés dans un autre contexte. C'est comme ça qu'un mot banal va prendre un sens très différent. L'anglais est également propice aux néologismes. J'essaie d'imaginer comme ça doit être cool de voir un truc issu d'une torsion improbable de votre cerveau devenir le mot fétiche de 15 millions d'américains… » L'inspiration, les scénaristes américains la trouvent dans la vie de tous les jours. C'est ce qui permet un renouvellement constant du genre. Les scandales politiques ou financiers, les faits sportifs, les affaires criminelles, les tendances culturelles, tout est repris par les comédies de situation qui prennent le pouls de la société américaine. Les dialogues contiennent des piques contre George W.Bush, Britney Spears ou le dernier Bruce Willis… En regardant les sitcoms, et les fictions en général, on peut apprendre énormément du contexte américain de chaque époque. Une réactivité qui fait beaucoup pour fidéliser le téléspectateur. La place de l'auteur dans l'industrie télé américaine est stratégique. La télévision fonctionne à l'inverse de sa grande sœur le cinéma. Ici, c'est l'auteur qui commande. L'auteur, appelé, d'ailleurs dans la terminologie hollywoodienne de la télé, un « producer », est présent sur le plateau pour effectuer les modifications. Son travail sur le script est respecté à la ligne par le réalisateur. Le rôle primordial de l'auteur est encore plus vrai dans le monde de la comédie de situation où la mayonnaise du gag repose sur l'alchimie qui s'opère entre l'auteur du script initial et les différents interlocuteurs (showrunner, star, exécutifs des studios, de la chaîne, autres auteurs du pool) qui vont relire ledit script et le modifier jusqu'à, voire parfois pendant le tournage. Le tout en quelques jours. Si on loue le système américain, il faut aussi le démythifier. Pour beaucoup d'auteurs, travailler en pool est une épreuve occasionnant beaucoup de frustration. La copie est revue jusqu'à ce qu'elle plaise à l'ensemble des créatifs de la série. Cette phase est assurément importante. Les auteurs mettent beaucoup d'eux-mêmes dans les scripts. Ils acceptent toujours les remises en question. C'est le business qui veut ça. Les dialogues peuvent être ainsi modifiées jusque pendant le tournage si, par exemple, le public ne rit pas suffisamment à un bon mot. David Goetsch, Producer sur « 3eme planète après le soleil » et « Game Over », analyse : « Une série bien écrite, avec de bons dialogues, créé quelque chose en vous. Ça vous fait rire, ça vous parle d'une manière ou d'une autre, ça vous apprend des trucs parfois. Pour que ça marche il faut que tous les paramètres soient parfaits. Vous avez besoin d'une caméra braquée dans la direction du bon acteur qui va dire le truc parfait au mec parfait et ainsi de suite. La raison pour laquelle il y a tant de trucs mauvais à la télé c'est que peu de productions arrivent à régler tous les paramètres en même temps. En fait, c'est assez facile de trouver un bon mot. En revanche, il faut tout relier. Chaque nouvelles scène doit tirer l'ensemble de l'épisode. C'est une drôle de chirurgie. » En France, le genre est moribond. Il a été longtemps dénigré. Les épouvantables expériences AB, plus quelques ratages artistiques de la part de Canal Plus (Mes pires potes, Eva Mag) n'ont pas su compenser les quelques réussites (H, Blague à part). Pour les français, la sitcom reste un format aux intrigues faibles, répliques creuses ou attendues, emballé de jeu stéréotypé. Bill Prady, ancien producteur exécutif de la sitcom « Dharma and Greg », remet les pendules à l'heure. « Je sais qu'en France, la sitcom n'a pas bonne presse. Le public se trompe. Il ne faut pas intellectualiser ces productions. Elles sont des programmes populaires devant être facilement assimilables. La sitcom doit être comparée au théâtre antique ou encore au Kabuki japonais. Dans ces formes d'expressions, les comédiens jouaient avec des masques qui annonçaient leur état intérieur. On les savait tristes, en colère, joyeux, amoureux… C'est un peu la même chose avec la sitcom où les traits sont bien évidemment grossis. Cela se ressent sur le texte. On n'écrira pas les dialogues d'un drama comme ceux d'une comédie de situation ». Les sitcoms prennent naissance dans ce qu'on appelle le Variety Show, du Music-Hall mélangé à de la comédie musicale, des sketchs, de la stand-up comedy. Les premières sitcom abusent toutes de ce mélange de genre avec numéro musical et glissement hors d'une histoire pour en rassembler plusieurs. L'une des grandes forces de la sitcom Us c'est qu'elle tire son originalité des conditions de production rigides qu'on lui propose. Les chaînes et les studios veulent rire mais ils ne sont pas prêt à le faire de tout et au dépend de n'importe qui, notamment les sacro-saints annonceurs. « Les choses les plus désopilantes sont écrites en dépit des lois qui régissent les standards du genre, explique Eric Preven. Ces lois sont imprévisibles. Elle ne cessent de changer de network en network, de saison en saison, au gré des cibles que vont convoiter les annonceurs et donc les chaînes. C'est un système restrictif. Ce qui est génial, c'est qu'il a permis indirectement la création de l'épisode de "Seinfeld" sur la masturbation ainsi que les plus inoubliables des épisodes de "Cheers" ou de "Friends"… où l'on ne parlait pas météo et qui sont désormais des classiques. Travailler dans la contrainte a souvent été un moteur d'inspiration ». Cette réponse est un leitmotiv chez les auteurs hollywoodiens, comme nous le confirme Dave Goetsch : « Il y a un vieux dicton qui dit qu'en télé la liberté, c'est la prison à 1000%, ce qui veut dire que si vous pouviez écrire absolument tout ce que vous vouliez, ça serait terrible parce que vous ne vous remettriez plus en cause. Je ne suis pas complètement d'accord avec ce dicton, je trouve qu'il y a trop de limites absurdes dans le système actuel. Pour leur défense, je dirais quand même que, dans les chaînes, les gens qui nous dirigent n'ont que quelques mois pour faire leurs preuves sans quoi ils sont virés. » Les auteurs déclarent dans leur grande majorité préférer évoluer avec un garde-fou pour, ensuite, mieux tenter de le contourner. Tout le monde est content. La structure même de diffusion des épisodes stimule la nature des répliques. Ainsi le découpage des épisodes pour cause de sacro-sainte pause publicitaire oblige les scénaristes à trouver les arguments pour que le public reste pour la suite. Il faut que chaque acte se termine sur un postulat fort, voire sur une phrase cruciale. Là, encore, les auteurs ont l'habitude de ce type de demande et travaillent naturellement avec ces contraintes de structure en tête. Elle font partie du métier. Concernant l'évolution du langage, on peut même parler d'évolution des mentalités. Un producteur de chez Paramount décrypte pour nous ce qu'on peut et ce qu'on ne peut pas faire: « Aujourd'hui, on peut presque tout dire. Mais on ne peut pas le dire trop souvent. Sur Showtime, F/X ou HBO, vous pouvez encore dire plus de choses tandis que sur les grands réseaux nationaux, tout est encore assez restrictif. Disons que c'est plus facile de dire le mot quand ce n'est pas une insulte, ou dans un contexte négatif, de la colère par exemple, mais plutôt une blague. . . il y a quelques années, vous ne pouviez pas dire "cul" ou "salopè' alors que maintenant vous pouvez mais sans le dire à tout bout de champs. En revanche, vous ne pouvez toujours pas dire "fuck': Sauf dans des séries comme "The Sopranos" "The Shield"... qui passent sur le câble. » En matière de vocabulaire, les Américains, mine de rien, ont beaucoup évolué. On peut entendre dans "Friends" les mots « pénis» ou encore « salope» (« bitch ») qui a été remplacé inexplicablement dans la VF par « toutes des. . . sauf maman» ... c'est le monde à l'envers? Autre antécédent fort, les séries américaines font intrinsèquement appel à la pop-culture contemporaine et aux séries TV elles-mêmes. Le système se nourrit du système. Cela donne des parodies ("The Simpsons", "Friends", ou les ados attardés de "That 70's Show" évoquant "Star Wars", Jean-Claude Vandamne ou Richard Nixon) et tout un ensemble d'expressions, repris par les fans des shows. Les cibles favorites des comédies sont les soaps ("Friends" et "Days of our lives") ou les sitcoms familio-cul-cul ("La fête à la maison" citée dans "Friends", "Madame est servie" démolie dans "South Park"), les exemples sont légion. Regarder la télé devient plus gratifiant, on fait partie d'une famille avec les mêmes références, les mêmes « private jokes ». Les dialogues jouent sur et renforcent cet état de fait. La formule qui fait mouche: les Américains n'ont guère à se forcer dans cet exercice tant ils ont été élevés dans une culture où la publicité et le marketing sont omniprésents. « La vérité est ailleurs », « Ne faites confiance à personne» de "X-Files" sont d'habiles te a-sers, des marques de fabrique, qui façon-nent immédiatement la physionomie du show. En sitcom, on a droit à des répliques toutes faites, des expressions qui reviennent régulièrement et jouent quasiment le rôle de logo ; ils permettent aux shows de se démarquer dans le flot des autres fictions. Le soucis de lisibilité au sein d'une télé très compétitive et ses centaines de programmes nécessite d'être très performants. Le « Oh, my god ! » de Chandler dans "Friends", le "suit-up" de Barney dans HIMYM, le « Salut Jerry » de Kramer dans "Seinfeld", le « They killed Kenny » de "South Park", le démontrent très bien. Les auteurs de sitcom osent tout, c'est à ça qu'on les reconnaît. Ils tentent des répliques parfois un peu artificielles ou grandiloquentes, mais qui fonctionnent parfaitement dans le contexte. Il faut toujours se rappeler que les Américains catégorisent leur industrie des programmes dans celle de l'entertainment : littéralement : « divertissement ». Ça n'empêche pas les projets osés. Au contraire. Aujourd'hui, la sitcom est un genre étrange. Ses conditions de fabrication tiennent tellement du grand barnum que seules les structures de production les plus aguerries en matière industrielles peuvent relever le défi. A ce cirque à l'image vieillissante, les chaînes américaines préfèrent de manière générale la one single camera comedy ("Scrubs", "Malcolm in the middle", "Arrested Development") , les comédies de 52 minutes ("Desperate Housewives") ou encore les comédies hybrides mélangeant comédie et réalité où semblant de réalité ("Entourage", "The Comeback", "The Office", "Curb your enthusiasm"). Tout cela n'empêche pas le développement inlassable de nouvelles comédies avec chaque année de nouvelles petites perles ("My name is Earl" "Everybody hates Chris"). Alors c'est quoi la formule magique ? Le mot de la fin est pour Eric Preven : « Tous les sitcom ou comédies au sens plus large répondent chacun à leur façon à une grille très précise de principes dramatiques. Cela dit, un show américain bien écrit ne doit pas être très différent d'un show français bien écrit. Nous avons seulement la chance d'avoir plus de chaînes demandeuses de fictions. Il y a plus d'émulations. Mais les bonnes répliques n'ont pas de frontières. » C'est dit. [1. Oui, on sait, ce n'est pas tout à fait vrai puisque la première véritable sitcom s'appelle Mary Kay et Johnny Stearns et fût diffusée sur le réseau DuMont de 1947 à 1948.] |
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