lundi 11 mai 2009

Souvenir de 2003. Quelques heures sur le set de CSI du côté de Santa Clarita, Californie.




Chicago O'Hare. 02 : 25 (GMT) Le plus grand aéroport du monde se la joue labyrinthe flippant de moquette pas belle. Je cours après ma correspondance pour L.A. Maudit billet pas cher ! maudit hub de 4 km de long ! Ouf, ça y est ! je suis dans l'avion. Il était moins une, car à peine sanglé, le tarmac s'éloigne déjà. Tout ça c'est de la faute de Patti, la publicist d'Alliance-Atlantis. Pendant une quinzaine de minutes de baragouinage haché menu sur mon portable, Patti m'a expliqué toutes les options qui s'offraient à moi. Toutes les options si d'aventure quelque chose se concrétisait…. Flash-back, Voilà un mois, que j'ai reçu le feu vert pour réaliser un reportage sur CSI, la série n°1 depuis quatre ans aux Etats-Unis. Mais un mois plus tard, je ne sais toujours pas à quelle sauce je vais être mangé. J'ai eu droit à tout. Visite complète et rencontre avec Anthony Zuicker, le créateur historique de la franchise CSI, on m'a ensuite changé de CSI, en l'occurrence « CSI : Miami », qui se tourne du côté de Long Beach à… Los Angeles, on m'a ensuite expliqué que plus rien ne se ferait.. Et me voilà…

Patti n'est pas tout à fait comme les autres publicists américaines. Elle est gentille. Vraiment gentille. On sent qu'Alliance/atlantis ne se met pas la pression à l'instar des majors hollywoodiennes. Alliance / Atlantis est un groupe de communication canadien qui a eu la très bonne idée de produire via Jerry Bruckheimer une série dont aucun studio n'a voulu à l'époque sur le marché américain. La série s'appelait CSI pour « Crime Scene Investigation » et aujourd'hui, avec ses spin-offs, elle attire une quarantaine de millions de téléspectateurs chaque semaine aux Etats-Unis ; Un chiffre à multiplier par dix si vous voulez avoir le nombre de téléspectateurs pour le monde entier. Ça n'est pas le coup du siècle mais ça y ressemble. Et je ne parle même pas de toutes les séries qui ont désormais pour marque de fabrique une narration à base de flash-backs et de reconstitutions en 3D en tous genres… CSI a marqué un tournant dans la production américaine du début des années 2000.
Non, vraiment, il n'y a pas à dire. Patti est gentille. Elle me demande où est mon hôtel et commence à me donner des conseils d'itinéraire. La 101 West ? Le building American Express ? l'échangeur en face du parc d'attraction Universal ? C'est à ce moment précis que j'ai entendu mon nom de famille maladroitement prononcé par les haut-parleurs de l'aéroport. J'étais attendu à 3800 mètres de là dans un avion en partance immédiate pour L.A. Autant dire que ce n'était pas gagné…

Le voyage est plutôt cool. Une petite occasion pour repenser à mes questions. Seul problème, je ne sais pas encore à qui je vais les poser. Souvent ça peut aider quand même… A l'arrivée, c'est la nuit à L.A. Le temps de m'endormir au comptoir Avis, la compétence est un truc international, puis de me perdre et ça y est il est une heure du mat'. Je pénètre dans ma chambre d'hôtel des fax plein les bras. Le plan, les bios des acteurs, le programme de la journée (toujours sous réserve), un petit pipi et au lit. Le lendemain, je suis réveillé par le réceptionniste pakistanais de mon hôtel. Pour lui non plus ça n'est pas la joie. J'ingurgite un grand gobelet de café pas bon et part sans plus attendre pour les Santa-Clarita Studios. Je ne sais pas bien où je vais mais a priori une foule de personnes a rendez-vous avec moi. On improvisera sur place. Santa-Clarita, ça doit être la traduction latina de trou-du-cul-du-monde. Après avoir roulé dans le désert au Sud-Est de L.A, et s'être dit une bonne dizaine de fois, « Putain, c'est pas possible que ça soit là !! » on pénètre dans une zone remplie de firmes spécialisée dans l'audiovisuel. Et là on se dit : « Putain, ça doit être là ! ». Plusieurs vastes hangars blancs dominent cette zone industrielle. Ce sont les backlots loués par la production de CSI, immenses hall dans lesquels les auteurs américains font mumuse aux cow-boys et aux indiens (« Carnivale » par exemple mais "Deadwood" aussi ont été tourné en partie ici) ou aux Policiers scientifiques qui trouvent (presque) toujours à la fin (faut jamais laisser un bout de son ADN sur le frein à disque trafiqué de la voiture de son patron…). Comme à l'accoutumée, le tournage est bien moins glamour que le résultat à l'écran. Le plateau est parcouru par une armée de mecs en bermuda. Des techniciens, des machinos qui travaillent d'arrache-pied pour qu'au bout de huit jours de tournage, sorte d'ici un nouvel épisode de "CSI", l'une des rolls des séries actuelles.

Aujourd'hui, on tourne les scènes d'interrogatoire. Warick est aux prises avec un jeune garçon qu'il soupçonne d'avoir jouer avec des allumettes. La scène se déroule dans un calme religieux. Très intime à l'écran mais également feutrée pendant les breaks entre les prises, comme si le réalisateur voulait préserver son jeune comédien d'une petite dizaine d'année. "CSI" n'est pas une série spectaculaire. Pas dans ce sens en tout cas. Pas d'action effrénée, pas d'extérieurs à profusion. Patti me tombe littéralement dessus. Elle revient du catering avec une montagne de viennoiseries. Il faut que je prenne des forces, elle revient avec le plan de travail. Danny Cannon, l'un des patrons du show (et de toute la franchise "CSI") veut bien me recevoir. Ce britannique d'une bonne quarantaine d'années est le papa du visuel de la série. Issu du cinéma, Cannon est venu à la télévision sur l'ordre de Jerry Bruckheimer. Quand je lui pose une question, Cannon met une éternité à répondre mi-amusé, mi-fatigué. Quelques minutes plus tard, il déballe son emploi du temps, un truc proprement impossible dans lequel il jongle avec des séances d'écriture, de réécriture, de castings d'auteurs comme d'acteurs, des validations d'effets spéciaux. Le tout sur plusieurs sites dans L.A. Des journées de quatorze heures pour un boulot qui se conjugue avec passion. Patti, l'attachée de presse vient me taper amicalement dans le dos. C'est l'heure. Quelques lourdes portes poussées plus tard, on se balade dans un dédale de fausses cloisons et de pieds de projecteur. Il fait 40°c là-dessous. D'énormes câbles électriques parcourent les couloirs, c'est en les suivant qu'on se rapproche du saint des saints. Plus on se rapproche et plus on croise de gens affairés, mine crevée ou préoccupée, ça ne rigole pas. Une armée d'assistants s'échangent des codes par talkie-walkie. "Danny Cannon arrive dans la place et il est avec un étranger". L'étranger c'est moi. Le silence est demandé, « moteur, et action ! ». Gary Dourdan, l'interprête de Warick, black athlétique aux yeux fond de lagon est toujours dans sa scène très intimiste face à un jeune garçon. … Coupé ! Les figurants s'arrêtent de passer et repasser en arrière-plan. Le réalisateur sort de l'ombre, dos à l'action et face à un mini-moniteur, il semble dans ses pensées. Problèmes de focales ou interrogations sur le choix du restaurant à réserver pour sa soirée avec cette petite actrice suédoise… Va savoir. Le set de "CSI" ressemble à tous les sets de série US. Professionnalisme et gros moyens techniques. Le décor principal regroupe différentes salles des locaux de la Police scientifique de Vegas. Sans le travail de la lumière, tout fait toc. Ça aussi c'est normal. Gary Dourdan se présente pour l'entretien. Belle bête. Le mec à vous filer des complexes. Discussion tranquille pendant que le plan de tournage continue autour de nous. Dourdan répond nonchalamment tout en suivant du regard, de temps à autre, une jeunette qui passe à portée. Patti se matérialise : il faut y aller. Poignée de main franche avec Gary. Il me parle de la chance que j'ai d'habiter en France. Je pense à la chance qu'il a d'avoir encore ses deux mains entières (parce que moi y'en a une qui est complètement broyée…). Patti est montée d'un cran rayon nervosité. J'ai dit une connerie ? J'ai parlé pendant une prise. Non, Marg Helgenberger doit simplement débarquer d'une minute à l'autre. Le seul ton de la voix de la gentille Patti me laisse à penser que l'interprète de Katherine Willows est une chieuse de première. L'impression n'est pas prête de se tasser quand Marg fait son entrée guettant l'éventuelle présence d'une caméra. Elle me sort un sourire Ultra-Brite qui me fait dire que la psychologie humaine est parfois réduite à bien peu de choses. Et je n'ai pas parlé de sa couleur de cheveux. Vous avez remarqué ? Bref, Marg est très contente de la série – on le serait à moins. Elle est contente pour la chaîne et elle est très contente d'elle-même. Entre deux interventions de sa maquilleuse (blonde elle-aussi) qui croit peut-être que mon dictaphone est une caméra, Marg me parle du grand bonheur qu'elle à travailler là. L'équipe est formidable, les histoires sont formidables, tout le monde est formidable. Marg ne réfléchit pas à ce qu'elle dit. Du coup, je décide inconsciemment de l'indisposer en la félicitant pour son superbe rôle dans « Traffic » alors que c'est dans « Erin Brockovitch » qu'elle joue la maman prolo dont les enfants sont obligés de se baigner dans une eau empoisonnée. Marg est limite vexée et ça se voit. Je suis assez heureux de l'effet et ça se voit aussi. Patty me lance un énorme haussement de sourcils genre « ça va pas quoi ! elle va me casser les noix avec ça pendant des mois maintenant ! ». Par mesure de rétorsion, Patty me laisse traîner comme une vieille chaussette avec deux ou trois consultants techniques du show de passage sur le plateau. Les mecs sont tous d'anciens membres de forces liées à la Police. Passionnants mais sexy comme une paire d'espadrilles. C'est quand même pour moi, l'occasion d'apprendre que la plupart des séries entretiennent des viviers de consultants techniques nécessaires pour la réactivité des scripts. On veut bien dire des trucs à peu près juste mais il ne faut pas que ça mette en l'air tout le plan de tournage. Il faut donc aller vite et travailler avec des gens qui ont les bonnes réponses. Les plus doués, ceux qui comprennent le besoin du médium télévisé ne tardent pas à écrire leurs propres épisodes. Ecrits en collaboration avec des auteurs du staff. On voit là toute la culture d'écriture à plusieurs mains de l'industrie télé US. Seul le résultat compte. Les égos sont mis de côté et le partage d'idées et de techniques d'écriture est maximal. Quand vous avez l'ambition de dépasser les 150 épisodes, vous ne pouvez fonctionner que comme cela. Ou alors vous finissez avec « Derrick ». Et là vous ne faites plus vraiment de la fiction télé. Plutôt du diaporama. Mais revenons à nos moutons. Une sonnerie générale se fait entendre dans l'ensemble du backlot. Il est 15 heures, l'heure de la pause. Celle ou l'on va engloutir une côte de bœuf dans la cantine que la production met à disposition. L'un des credo les plus intéressants d'Hollywood se résume en cette phrase : « Si vous nourrissez bien les hommes, tout ira toujours bien ». Patti a l'air totalement en osmose avec cette théorie. Après trois portions de taboulé et une assiette rassemblant ma ration mensuelle de féculent, Patti se laisse séduire par un bout de Tiramisu. On arrose ça avec quelques seaux de sodas et maintenant, elle est calé jusqu'à la nuit. De mon côté, la nuit je la commencerais bien. Après quelques conversations avec des membres de l'équipe de techniciens, je me demande si cela vaut bien le coup d'aller digérer/somnoler à côté du réal durant de nouvelles heures. Patti ne me laisse pas le choix. Elle veut m'emmener voir la société qui gère les effets spéciaux de la série. Les rides 3D de streptocoques, les combats d'amibes, les éternuements comme si vous y étiez (bon appêtit !), c'est à Long Beach que ça se passe. Patti est tellement gentille qu'on ne peut décidément rien lui refuser."vous l'avez eu où le Tiramisu ?"

1 commentaire:

  1. Ca fait un peu peur au début, alors j'ai gardé ca au chaud pour plus tard. Et je suis content de lire ca dimanche apres-m, au calme...
    Super texte je trouve, la suite, vite !

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