dimanche 18 janvier 2009

Comment sont payés les auteurs américains ?



Comme le répète à l'envi Rob Long dans ses ouvrages décrivant la face cachée d'Hollywood, les auteurs sont des gens qui passent leur journées à boire du café, lire la presse spécialisée tout en se lamentant des bonnes choses qui surviennent aux copains. Accessoirement, il leur arrive d'écrire aussi. Une activité pour laquelle les studios hollywoodiens – bien conscients de ce que peut rapporter une série qui marche vraiment genre « Friends » ou « CSI / Les Experts » – les rémunèrent sous différentes formes que nous allons essayer d'expliciter ci-après.
Avant de rentrer dans le détail des chiffres, il faut tout de même dire que le marché américain est extrêmement concurrentiel pour ne pas dire féroce. Devenir auteur à Hollywood et en vivre n'est pas chose aisée. C'est donc un accomplissement qui mérite des revenus appropriés. Deuxièmement, le marché américain est bien plus attractif que le nôtre. Les chaînes sont plus grosses et s'adressent à une audience plus importante (segmentée ou pas). Le marché de la syndication (diffusion des séries sur des marchés locaux) mais aussi les deuxièmes et troisièmes fenêtres de diffusion sur des chaînes câblées a dopé les revenus des scénaristes d'une manière indéniable. Il faut ajouter à cela le talent que les américains ont toujours eu dès les années 60 à exporter leurs programmes (ce qui permet de nouveaux revenus).

Le Script Fee.
Le « script fee » ou forfait au script est une somme qui correspond à l'écriture d'un épisode. Les montants ne sont peu ou pas négociables car elles sont le fruit de conventions.
Les chiffres donnés par la WGA :
19 603$ pour une fiction de 30 minutes
28 833$ pour une fiction d'une heure
10 000$ pour une fiction de 30 minutes ne passant pas sur un network
20 000$ pour une fiction d'une heure ne passant pas sur un network.

L' Episode Fee ou Producing Fee

C'est là où les choses commencent à devenir intéressantes. Ce forfait s'adresse aux auteurs qui travaillent à l'intérieur des pools. Son montant est variable. Il est fonction du niveau que vous occupez dans la writing room. Le talent de votre agent et la consistance de votre CV peuvent aussi faire monter les prix. Disons que le prix plancher est aux environs de 7500 $, que quelqu'un ayant un minimum d'expérience va récolter environ 10 000$ l'épisode. Il pourra rajouter environ 1000 dollars à chaque fois qu'il montera dans la hiérarchie de la writing room (1). Ces sommes sont à multiplier par autant d'épisodes qu'il y a dans une saison. Les auteurs étant souvent payés à la semaine il faut alors diviser la somme totale gagnée par le nombre de semaines sur lequel s'étend la production de la série pour avoir une idée de l' « episode Fee » d'un auteur.
Prenons l'exemple assez « modeste » d'un staff writer qui gagne 10 000 euros par épisode. La série compte 13 épisodes. L'auteur gagne 13 X 10 000 soit 130 000 dollars qu'il faut diviser par 24, soit le nombre de semaines de production. L'auteur a un « Episode Fee » de 5416 dollars par semaine. A côté de ce type de somme qui est la norme vous avez les « Episode Fee » des showrunners qui sont négociés par les agents. Pour des garçons comme Marc Cherry (« Desperate Housewives ») ou Shawn Ryan (« The Shield ») la somme avoisine tout de suite les 100 000 dollars l'épisode. Bien entendu, il faut ajouter le produit des « Script Fee » que vous percevez dès que vous êtes auteur d'un épisode et auxquels viendront s'ajouter les « Residuals ».

Residuals
Les studios possèdent les droits des scripts des séries qu'ils produisent. Sous le contrôle de la WGA, ils sont obligés de payer aux auteurs des « residuals » pour cause de rediffusion ou de revente sur le câble ou à l'étranger. Le mode de calculs est très compliqués en fonction de la nature des rediffusions. Les taux ne sont pas les mêmes aux Etats-Unis et à l'étranger. Pour faire simple, disons que chaque nouvelle diffusion permet à l'auteur de toucher de l'argent. La première diffusion correspond au prix de l'écriture de l'épisode. Le tarif est alors dégressif. Précisons que ces sommes sont payées par le Studio sous le contrôle de la WGA.

Les deals de developpement
Les studios ne se contentent pas de gérer le quotidien. Il prépare activement l'avenir. Cela passe par le recrutement d'auteurs prometteurs mais aussi de grandes pointures de la profession pour lesquelles il va falloir casser sa tire-lire. A défaut de les faire travailler énormément, le studio est assuré qu'ils n'iront pas décrocher le jackpot chez un autre ce qui dans cette industrie peut suffire au bonheur de quelqu'un.

Le deal de développement le plus simple est certainement le « blind deal » dans lequel il est demandé à l'auteur de développer un script ou plusieurs sur une durée déterminée (de un à trois ans généralement). Ce type de développement permet de créer des séries tout en gardant ses attributions dans la writing room d'une autre série. Un blind deal peut rapporter en moyenne entre 100 000 et 250 000$.

Si l'on croit vraiment en vous. Et c'est souvent le prolongement naturel d'un blind deal qui s'est bien déroulé, on vous propose un « Overall deal ». Ce dernier vous attache au studio qui, pour la modique somme de 750 000$ à 1,5 millions $ par an vous demande de développer en exclusivité des concepts des séries (différents niveaux d'exclusivité peuvent venir se greffer là-dessus). Durant cette période si vous lancez une série, vous ne touchez aucun « Fee ». De toute façon, votre deal de développement prend en compte ce genre de rémunération et propose toujours plus (2). De toute façon, à ce niveau de négociations, votre agent fait pression pour que vous soyez associé aux futurs gains de la série, on entre là dans l'olympe de l'écriture hollywoodienne, soit une centaine de créateurs en activité dont les revenus se montent en dizaines voire en centaines de millions de dollars.

• EV


(1) – Story Editor, Producer, Supervising Producer, Executive Producer.
(2) - Le studio fait quand même un calcul et peut en payant un « development deal » raisonnable gagner de l'argent si on imagine que la série sur laquelle l'auteur travaille marche bien en audience et peut le voir demander une importante augmentation de ses « Episode Fee ».

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