jeudi 8 avril 2010


Ci-joint, la lettre rédigée conjointement par l'UGS et le CDA. Je crois que ça ressemble plus ou moins à une petite explication de la vie de production à quelqu'un qui devrait la connaître un peu mieux. Virile mais correcte (et surtout très juste).



Paris, le 8 avril 2010
Monsieur le Directeur de l’unité de programme fiction,

Cher Vincent Meslet,

Les scénaristes du CDA et de l’UGS ont pris connaissance avec la plus extrême
attention de votre récent appel à projets de 26, 52 et 60 minutes.
S’ils se réjouissent du défi que représente cette initiative, elle met toutefois en
exergue des interrogations qui doivent être levées, pour laisser toute sa place à
l’ambition et à la créativité.
Comme vous le savez, la mise en place de l’Observatoire Permanent des Contrats
Audiovisuels par la SACD a permis d’établir de façon objective que la situation des
scénaristes se précarisait sur les formats de 26 et 52 minutes.
Depuis, auteurs, producteurs et diffuseurs s’accordent à dire que l’écriture des séries
est insuffisamment rémunérée, et qu’une revalorisation est indispensable. A cet
égard, votre appel d’offres en l’état va à l’encontre de ce constat partagé.
En effet, cet appel à projets pourrait aggraver la précarisation des scénaristes, tant
les conditions de son financement sont encore imprécises.

Vous demandez aux auteurs et aux producteurs de livrer pour les séries de 26’ et de
52’, des dossiers constitués d’un concept, d’une bible, de fiches personnages, d’un
épisode pilote dialogué V1, et jusqu’à onze synopsis pour le 52’ (cette étape nous
apparaissant pour le moins inutile, voire contreproductive, à ce stade du
développement).

Un tel travail représente un coût moyen de 50 000 € pour le 26’ de prime time et
95000 € pour le 52’ (selon les conditions moyennes du prix du marché fournies par
l’OPCA pour l’année 2007/ 2008, soit il y a plus de deux ans). Ces montants sont un
minimum en dessous duquel il est impossible de répondre à cet appel, sauf à faire
peser une fois de plus une grande part du risque financier sur les auteurs.
Même si le CNC a précisé que les producteurs pourront utiliser leur "automatique" du
COSIP à hauteur de 25 000€ par projet pour les 52 minutes, il reste une question
essentielle non résolue : de quelle manière sera financé le reliquat ?
Nous subissons déjà un système d’options sous-payées, voire gratuites. Nous
n’accepterons pas, sauf à considérer l’auteur comme coproducteur de la série, un
système de développement au rabais, alors que le travail d’écriture demandé est en
l’espèce le plus complexe à fournir, puisqu’il doit définir l’ensemble des fondations de la future série.

En conformité avec les objectifs de FTV en terme de soutien à la création, nous
avons donc pris l’initiative de vous proposer des adaptations possibles de cet appel à
projets, de manière à prévenir en amont toutes dérives au détriment des auteurs, et
donc de la qualité des projets que vous recevrez.
Trois solutions ont été envisagées :

1 - Soit FTV considère que les scénaristes assument le risque du développement au
même titre que le producteur, qu’ils sont de facto co-financeurs du projet, et dès lors
cosignataires de la convention de production avec vous et le producteur,
2 - Soit FTV s’engage à verser aux scénaristes le complément de financement de cet
appel d’offres, en fonction des montants que les producteurs auront investi jusqu’à
atteindre le prix du marché précité,
3 - Soit FTV réexamine le contenu de l’appel d’offres en réduisant l’importance du
dossier demandé pour s’adapter à un financement exclusif des producteurs (par
exemple une bible, le concept, les personnages et un synopsis du pilote).
Nous sommes bien évidemment à votre disposition pour évoquer dans le détail ces
trois solutions.

Nous avons bien noté que vous nous laissiez (auteurs et producteurs) la
responsabilité de la ligne éditoriale des séries. Là encore, nous comptons sur votre
engagement à ne pas nous opposer un changement de ligne éditoriale, une fois
l’écriture largement avancée, afin de justifier de nouvelles annulations.
Ces réflexions sur cet appel à projets sont dans la droite ligne de notre position sur le développement de manière plus générale. Si jamais se confirme la mise en place
d’une étape contractuelle décisive à la V1 dialoguée, il va de soi que nos demandes
sur le financement restent les mêmes.

Notre seule ambition, vous le savez, est de créer des séries fortes, populaires,
durables, tous genres confondus. Mais atteindre cet objectif, c’est aussi repenser
totalement la place et le rôle de l’auteur dans la chaîne de création. Nous regrettons
que cette réflexion n’existe que par le biais d’autres chantiers, alors que vous seriez
dans votre rôle en prenant la tête d’une véritable mission sur le sujet.

« Si nous aimons tant les fictions américaines, c'est parce qu'il y a de
formidables syndicats d'auteurs de scénarios. Ces auteurs savent
défendre leurs intérêts, sont très bien payés et attirent les meilleurs
écrivains. C'est une autre bataille très importante, celle de la
représentativité des différents métiers de l'art, par exemple des
scénaristes, qui sont certainement, aujourd'hui en France, les
parents pauvres de l'industrie culturelle.
». Jacques Attali.

Nous assumons, dans cette phrase, ce qui relève de notre responsabilité collective
d’auteurs, et nous détestons l’idée d’être « les parents pauvres » de quoi que ce soit.
C’est pourquoi nous avons besoin de votre implication totale à nos côtés pour nous
donner les moyens d’apporter un nouveau souffle aux industries créatives de ce
pays.
Sur tous ces points en discussion, nous sommes bien évidemment demandeurs d’un
accord interprofessionnel, diffuseur compris, permettant d’assainir nos pratiques
contractuelles et financières.
Dans l'attente de votre réponse, nous vous prions de croire, Monsieur le Directeur,
cher Vincent Meslet, en notre considération la meilleure et la plus amicale.

Pour l’UGS, Pour le CDA,

Christine Miller, Co-Présidente Jean-André Yerlès, Président

Il y a quand même des gens qui ne doutent de rien.

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