vendredi 22 mai 2009

séries de rêve (2) MOONLIGHTING









Par où peut-on bien commencer un texte dans lequel il est question de Moonlighting ? Faut-il raconter par le menu les pitreries de Bruce "David Addison" Willis ? peut-être, décrire la plastique irréprochable des jambes (interminables) de Sybill Shepard ? analyser la musique du générique signée Al Jarreau, pur moment des eighties ? étudier les vers d'Agnès Dopisto ? (rigolos même en français...), repenser aux portes qui claquent à tout bout de champ faisant ressembler l'agence de détective, lieu récurrent de la série, à un décor de pièce à la Feydeau ? ou encore décrypter religieusement l'incroyable brochette d’épisodes spéciaux (Rock around Shakespeare…) que nous a offert Glen Gordon Caron, l'un des showrunners les plus doués de sa génération ? Non, vraiment impossible de choisir. Moonlighting pour moi tient de l'impression diffuse, comme souvent avec les grandes séries, celles qui représentent plus qu'un simple moment de divertissement. Des souvenirs gravés dans nos mémoires de téléphiles, il me semble. Moonlighting, c'est indiscutablement le lycée, la première télé dans sa chambre, les débuts d'M6. Et puis les vendredis soirs où les dimanches après-midi, case horaire où la série était programmée avec bonheur. On passait allégrement de Wonders years à Love and married. On zappait pour voir Un flic dans la mafia. Mais la meilleure de toutes les fictions du moment restait Moonlighting. On regardait l’une des séries les plus étonnantes de l’histoire de la télé. On s'appelait les uns les autres pour discuter des épisodes. Le chat version France télécom. On n’en reverrait plus de sitôt des comme cela. Tiens, voilà ce qu'on peut dire pour commencer un texte sur Moonlighting : cette série est unique.

Ce qui a véritablement marqué Moonlighting et qui en fait un classique, c’est son rapport avec sa nature même de série télé. Jamais dupe concernant ses modestes origines, Moonlighting n’est pas une pièce de théâtre, ni une série de romans ou un film hollywoodiens qui transfigure une époque. Pas de messages cachés non plus. Non, la série de Caron mesure juste, épisode après épisode, combien il est dur d’offrir un rendez-vous à un public (relativement nombreux puisque la série intégrera assez régulièrement le Top 10 US) et de ne jamais tomber dans la facilité. Pour combattre ce problème, la série aura recours à l’auto-dérision et le hors-champs, n ‘hésitant pas à devenir un épisode trop court dans lequel il faut « remplir » les dernières scènes (en chantant par exemple), un épisode sans générique (car son interprète Al Jarreau est coincé dans le trafic) ou encore une comédie musicale artistiquement que broadway n'aurait pas renié, Moonlighting cache derrière sa fantaisie une des productions les plus rigoureuses de l'histoire de l'industrie télé. Celle où chaque envie a sa concrétisation à l’écran. Rêve absolu de showrunner, cauchemar du même rang pour le studio qui la produit (ABC Circle Films), Moonlighting peut faire rire ou pleurer parce qu’elle est artistiquement intouchable.

Moonlighting fait partie de ces projets qui n'auraient jamais dû existé. Le pitch de quelques-uns des épisodes suffirait à vous faire éliminer par des tueurs à gages engagés par les chaines de télévision. Produite en pleine période de la Quality Television (cf. post sur Hill street blues), la série de Glen Gordon Caron a bénéficié du vent nouveau qui soufflait dans les networks à cette époque-là. L'innovation devait aider chacune des trois grandes chaînes (le réseau fox était sur le point d'arriver et la fiction sur HBO n'était qu'une blague que se faisaient les executives des chaînes devant la machine à café) à revenir au sommet des classements d’audience. L'horizon était encore au beau fixe. Et pour qu'il le reste, on n'avait pas trouvé mieux que de demander à des créateurs de développer une télévision qui sortait des normes. Une télévision qui n'avait pas peur d'être complexe, inédite, surprenante. Steven Bochco, Tom Fontana, David Milch, Robert Frost, Marshal Herkowitz et Ed Zwick, John Wells ont bâti cette fiction des années 80 et en ont fait le creuset d'oeuvres que même l'âge d'or HBO, une décennie plus tard, n'égalera (car dans un tout autre genre) jamais totalement.

Moonlighting est une série indispensable car elle est une sorte de résumé de ce que sait faire Hollywood. Tour à tour comédie sentimentale digne des screwball comedies, empruntant, sans la dénigrer, à la culture du théâtre de boulevard (qui conduit, comme chacun le sait, bien souvent à la sitcom), délivrant des clins d’oeils magiques au monde de Broadway, à celui du roman noir, des classiques du polar, les aventures de David Addison et Maddie Hayes relèvent de l’entertainement global. On ne sait jamais à quelle sauce on va être mangé. Numéro de claquette, épisode à la manière de « La vie est belle » de Frank Capra ou grand numéro romantique. Car, Moonlighting, c’est une frénésie d’idée esthétique et narrative mais c’est surtout Maddie et Dave. Des couples comme ça sont extrêmement rares. Ils nous font rire, pleurer (presque) notamment dans le fameux final season de la laverie automatique… Bien d’autres depuis se sont essayés au genre mais personne n’a su recréer le cocktail si particulier de cette agence de détective complètement exsangue dont les employés ne travaillent jamais et dont les deux dirigeants n’ont qu’une unique et réelle activité : séduire l’autre.

La saison des grilles

Aux Etats-Unis, courant mai est le moment traditionnel où les networks dévoilent - en concertation avec les publicitaires de Madison Avenue, les grilles de programmes de la saison prochaine. Chaque chaîne y va, dans sa présentation, de sa théorie qui justifie un choix coûtant des centaines de millions de dollars. Là, où l'année passée tel directeur des programme avait défendu la décision de stopper les comédies en les jugeant inattractives ou passées de mode, le même exécutif pourra vous sortir un speech sur l'utilité et l'incroyable pouvoir des comédies. C'est ça, la télévision. Un univers qui bouge à la vitesse de la lumière et en perpétuel changement. Cette année NBC joue "moitié de saison", poilade de production qui lui a fait passé des season order de 13 ou 16 épisodes. Chaque case sera tenue par plusieurs séries qui se succéderont de manière plus nerveuse sur la grille en complète perte de vitesse du grand network des années 90 (ER, Law and Order, Homicide, Friends, Seinfeld...). CBS ne change rien. ABC tourne vers la comédie et un nouveau show mâtiné de SF (Flash Forward) et appelé à faire la transition avec la fin de Lost. La Fox développe de manière plutôt créative tout en retranchant derrière la puissance d'American Idol qui lui assure quoiqu'il arrive des chiffres d'audiences correctes. CW gagne en logique de programmation (chose qui lui avait toujours fait défaut depuis sa naissance). De nouvelles séries donc, avec certainement dans le tas quelques raisons de se réjouir. Après, il ne faut pas oublier que derrière le faste de ces présentations se présentent toujours les mêmes questionnement de la part des gens des grandes chaînes. Leurs audiences vont-elles continuer à baisser au profit du câble toujours aussi attrayant en terme de fiction différentes et décalées ? La force des grandes chaînes américaines s'est de n'avoir jamais baissé les bras. Les chaînes françaises pourraient peut-être garder cet exemple en tête au moment de confectionner leurs grilles...

PS : ceux qui veulent les line-up complets n'ont qu'à aller voir les camarades de perdusa ou du plato TV...

lundi 18 mai 2009

Reporter(s) suite...

Vu dans Télérama. Un seul petit T pour la série de Capa Drama. Admettons. Ils ont quand même un peu la dent dure avec la fiction française dans la presse dite "de qualité" . En revanche trois T pour "Lord of War" d'Andrew Nicoll avec un des acteurs les plus épouvantables du cinéma actuel (Nicolas "j'en fais des caisses" Cage) et un sujet bâclé qui ferait passer un film d'Oliver Stone pour un doctorat de 3e cycle, là c'est poussé. Et puis tout ça, pose un autre problème. Comment Télérama va-t-il noter les films chiants tournés en 8 mm dans les plaines du Kazhakstan ?
(gros soupir). Tout fout le camp ma bonne dame...

dimanche 17 mai 2009

Olivier Kohn répond

Le créateur de Reporter(s), l'une des séries les plus abouties du moment a pris un peu de son (précieux) temps pour répondre à quelques questions que j'avais envie de lui poser sur sa série, mais aussi sur le reste de sa carrière. Merci beaucoup à toi Olivier.

— Quel est ton parcours jusqu'à l'écriture de télévision ?
J’ai commencé par la critique de cinéma, à « Positif », de 1990 à 1998. Cela m’a évidemment appris à comprendre et formuler ce que je ressentais devant un film. En parallèle, pour gagner ma vie, j’ai commencé à lire des scénarios, d’abord de séries ou de téléfilms, puis aussi de longs métrages, pour différentes maisons de productions, mais surtout pour M6. Ça a été ma formation à la direction littéraire. Ensuite, j’ai été chargé de programmes à M6 pendant 1 an, en 1995 je crois. Premier contact avec les producteurs et les auteurs, apprentissage de la discussion autour d’un scénario. Puis passage du côté de la production : j’ai fait plusieurs petits boulot avant d’arriver à Capa Drama en 1998. J’ai commencé comme conseiller littéraire sur des « Combats de Femmes » (une collection de téléfilms pour M6 réalisés par des réalisateurs de cinéma comme Emmanuelle Bercot, Diane Bertrand, Lucas Belvaux…), et une série pour TF1 qui s’appelait Le Bahut. Ensuite, je suis devenu directeur littéaire, sur des projets comme Police District ou S.A.C pour Canal. Et enfin producteur artistique (producteur littéraire + travail sur le casting, les repérages, le tournage…) sur Age sensible, pour France 2, en 2000-2002. Le passage à l’écriture s’est fait en 2004 : Canal+ avait fait un appel d’offres pour une série sur les journalistes, et à la suite d’un concours de circonstances, j’ai été amené à écrire une quinzaine de pages que Claude Chelli a trouvées suffisamment présentables pour les envoyer à Canal. Et c’est le projet qu’ils ont retenu. Date à graver d’une pierre blanche !

— Parle-nous du rôle ingrat de la Direction littéraire ? Ce rôle doit-il évoluer ?
Je ne trouve pas que ce soit un rôle ingrat. Mais d’abord, entendons-nous sur les termes : pour moi, un directeur littéraire, c’est un salarié dans une maison de production, dont le rôle est de chercher des sujets, des auteurs pour les écrire, et d’accompagner les auteurs dans l’écriture en étant leur premier lecteur. Il n’écrit pas, mais il lit, écoute, comprend, discute, suggère, et éventuellement coordonne et supervise quand il s’agit d’une série. C’est banal de le dire, mais c’est un travail d’accouchement, mais — c’est important — d’accouchement réciproque. J’ai toujours ressenti que les séances de travail les plus fructueuses étaient celles durant lesquelles je changeais de regard sur le scénario à cause de ce que le scénariste me disait, et vice-versa. On n’arrive pas à une séance comme celle-là avec un avis définitif dont on ne s’éloignera pas, mais avec des impressions que l’on précise en discutant avec l’auteur.
J’ajoute que pour moi, il ne faut pas confondre directeur littéraire et directeur de collection. Ce dernier est un scénariste à part entière, il écrit. Il n’existe que sur une série, et pour moi c’est l’auteur central, celui qui donne le ton et qui réécrit les textes au final. Souvent c’est le créateur. Mais ce n’est pas forcément lui qui organise et participe à toutes les réunions avec les auteurs.
Directeur de collection et directeur littéraire sont à mon sens complémentaires, c’est en tout cas comme ça que j’ai vécu par exemple les expériences de Police District et d’Age sensible, avec respectivement Hugues Pagan et Michel Leclerc comme directeurs de collection, deux auteurs formidables avec lesquels j’ai beaucoup appris (j’espère !) sur ce métier.
Donc pour en revenir à la question, je ne vois pas en quoi directeur litttéraire est un rôle ingrat, ni la nécessité de le faire évoluer. Il faut simplement qu’il trouve la bonne place pour chaque projet.

— Depuis que tu fréquentes cet univers, qu'est-ce qui a changé ?
En deux mots, le rapport à la fiction télé. Quand j’ai commencé la critique de cinéma, la fiction télé était méprisée par les critiques et les créateurs. Et je dois bien dire que je partageais ce mépris. D’ailleurs, je n’avais pas de télé à l’époque. Et puis Arte, pour les téléfilms, a fait bouger les choses. Les cinéastes ont peu à peu compris qu’ils pouvaient faire un travail intéressant pour la télévision, et les critiques ont suivi — surtout quand des téléfilms, comme Les Roseaux Sauvages de Téchiné, étaient sélectionnés à Cannes ! Côté séries, je me souviens de 1995 : c’était l’année où je travaillais à M6, et des cassettes circulaient en interne, qui venaient du service des achats à l’étranger. C’étaient des séries qui n’étaient pas encore diffusées en France et qu’ils avaient récupérées aux screenings de Los Angeles. On me les a passées un jour : c’était Friends, X-Files, et Urgences. Là, j’étais encore à Positif, cinéphile assez « pointu », et j’ai commencé à me dire que la série pouvait atteindre une qualité d’écriture, de récit, etc. que je ne soupçonnais pas jusque-là.

— Quelles sont tes influences ?
Influences, je ne sais pas trop ce que ça veut dire. Est-ce que ce serait des œuvres dont on retrouverait la trace dans son propre travail ? Je n’ai pas assez de recul pour ça. Mais des admirations, oui, j’en ai beaucoup. Et qui n’ont pas forcément de liens en apparence avec Reporters. Pour se cantonner aux séries, ce qui me vient à l’esprit spontanément, dans le désordre (j’en oublierai sûrement), ce sont The Wire (à propos, il faut absolument lire le dernier livre de Dennis Lehane, Un pays à l’aube, c’est un grand grand roman), Mad Men, True Blood, Six feet under, The West Wing, In treatment, Studio 60 on the sunset strip, Rome, Murder One, Once & again, Bienvenue en Alaska… et David Milch, que ce soit son boulot dans NYPD Blue, ou dans Deadwood, et même dans John from Cincinnatti, même si je ne suis pas encore arrivé au bout ! Milch est la preuve la plus évidente (presque trop !) qu’il faut considérer les « créateurs »/showrunners de ces séries-là comme des auteurs à part entière : on retrouve leurs thèmes, leur style, leur « vision du monde » dans tout ce qu’il font, même quand c’est moins réussi, et ça, c’est vraiment passionnant.

— On parle souvent chez les auteurs de créatifs (trouvent des idées) et de bâtisseurs (structurent le récit), dans quelle famille te sens-tu le plus à l'aise ?
Idéalement, il faudrait être bon dans les deux, comme au tennis : bon en coup droit, et bon en revers. Je crois que je suis naturellement plus à l’aise dans l’organisation, dans la structure, au sens large. J’ai tendance à d’abord ressentir une forme, un rythme, une sensation, avant de l’incarner, que ce soit à l’échelle d’une scène ou d’une histoire. J’envie les auteurs qui « voient » immédiatement, concrètement les choses. Mais bon… rien n’est définitif, je vais travailler mon revers !

— D'où vient l'idée de Reporters ?
De Canal +. Fabrice de la Patellière et Dominique Jubin voulaient explorer en fiction le monde du journalisme, puisque personne ne l’avait fait et qu’ils pensaient, à mon avis très justement, que c’était un bon matériau de fiction. Au départ, il s’agissait de raconter dans une mini-série la campagne présidentielle de 2002 du point de vue des journalistes, et on s’est aperçu que c’était trop réducteur pour aborder les nombreux thèmes possibles, et qu’en plus ça nous limiterait à une saison. Comme de leur côté, Hervé Chabalier et Claude Chelli à Capa cherchaient depuis des années à produire un projet sur ce monde-là, ça tombait bien…

— On entend souvent les auteurs se plaindre quand ils voient à l'écran le résultat final de plusieurs mois voire de plusieurs années de travail. Avec Reporters, Penses-tu faire la série que tu voulais faire ?
On me reproche souvent d’être trop insatisfait. Alors je dirais oui et non. « Oui », parce qu’à l’arrivée on est proche de l’esprit qui a animé l’écriture, et que je me sens prêt à défendre la série de toutes mes forces (surtout quand je lis les papiers de certains critiques qui à mon sens n’ont pas bien compris le projet). « Non », mais un petit « non », parce qu’il y a toujours des choses à améliorer, des intentions qui sont passées à la trappe, et dont je ne saurai jamais si elles tenaient la route ou pas. Mais ça, je crois que c’est inhérent au métier de scénariste.

— Travailler avec Canal+ en fiction aujourd'hui, est-ce un plus ? Pour une première série, n'est-ce pas presque un handicap de commencer avec cette chaîne ?
Un handicap, je ne vois pas trop pourquoi. Ça dépendra plutôt de la suite des événements… Un plus, peut-être, dans la mesure où il y a aujourd’hui à Canal une volonté de se distinguer des autres chaînes, et ça, c’est toujours un facteur de changement et, sinon de progrès, du moins de recherche. C’est ce que j’ai ressenti à l’échelle de Capa pendant que j’y ai travaillé : chaque fois qu’on arrivait plus facilement à faire passer de « nouvelles » choses, c’est parce que le diffuseurs avaient des difficultés ou des ambitions d’audience et qu’il cherchait à changer : c’est ce qui s’est passé avec Police District et Age sensible.

— Qu'aimes-tu dans la fiction française actuelle ?
Je ne vois pas tout, donc je me prononce sur un corpus vraiment incomplet, mais récemment, j’ai bien aimé Les Oubliées, Engrenages, Duel en ville, À cran, il y a plus longtemps, Nicolas Le Floc’h. Et j’ai très envie regarder la version 52’ de Fais pas ci fais pas ça dont on m’a dit beaucoup de bien.

mardi 12 mai 2009

Et Reporter(s) place la barre haute

Nouvelle preuve pour ceux qui pensent que la fiction française est nase. La série de Canal Plus "Reporters", à l'occasion de sa nouvelle saison frappe fort. Non content d'avoir réussi une première livrée il y a deux ans plutôt déjà très honnête, les scénaristes de Claude Chelli (producteur) et Olivier Kohn (créateur) ont poussé la barre très haut. Je n'ai vu que cinq épisodes mais pour l'instant tout est remarquablement exécuté dans ces premiers segments de la série. Dès l'intro du pilote, avec une explosion dans une résidence pour expatriés à Ryad, on sent que l'objectif numéro un va être de nous placer et nous laisser dans un environnement sous haute tension. Le moins que l'on puisse dire c'est que c'est réussi. Artistiquement peu criticable, bien filmée, bien jouée, la série nous embarque dans un imbroglio politico-diplomatico-journalistique de haute volée. Il n'y a pas de temps mort. Les scènes se succèdent avec brio et nous donne une réelle vision du monde des services secrets, de la politique politicienne et du monde de la presse. Capa Drama a réussi son coup. (message perso) J'en profite pour dire à Olivier K que c'est quand il veut pour mes réponses. Toujours dans la lune ces créateurs de séries !!!!

lundi 11 mai 2009

Souvenir de 2003. Quelques heures sur le set de CSI du côté de Santa Clarita, Californie.




Chicago O'Hare. 02 : 25 (GMT) Le plus grand aéroport du monde se la joue labyrinthe flippant de moquette pas belle. Je cours après ma correspondance pour L.A. Maudit billet pas cher ! maudit hub de 4 km de long ! Ouf, ça y est ! je suis dans l'avion. Il était moins une, car à peine sanglé, le tarmac s'éloigne déjà. Tout ça c'est de la faute de Patti, la publicist d'Alliance-Atlantis. Pendant une quinzaine de minutes de baragouinage haché menu sur mon portable, Patti m'a expliqué toutes les options qui s'offraient à moi. Toutes les options si d'aventure quelque chose se concrétisait…. Flash-back, Voilà un mois, que j'ai reçu le feu vert pour réaliser un reportage sur CSI, la série n°1 depuis quatre ans aux Etats-Unis. Mais un mois plus tard, je ne sais toujours pas à quelle sauce je vais être mangé. J'ai eu droit à tout. Visite complète et rencontre avec Anthony Zuicker, le créateur historique de la franchise CSI, on m'a ensuite changé de CSI, en l'occurrence « CSI : Miami », qui se tourne du côté de Long Beach à… Los Angeles, on m'a ensuite expliqué que plus rien ne se ferait.. Et me voilà…

Patti n'est pas tout à fait comme les autres publicists américaines. Elle est gentille. Vraiment gentille. On sent qu'Alliance/atlantis ne se met pas la pression à l'instar des majors hollywoodiennes. Alliance / Atlantis est un groupe de communication canadien qui a eu la très bonne idée de produire via Jerry Bruckheimer une série dont aucun studio n'a voulu à l'époque sur le marché américain. La série s'appelait CSI pour « Crime Scene Investigation » et aujourd'hui, avec ses spin-offs, elle attire une quarantaine de millions de téléspectateurs chaque semaine aux Etats-Unis ; Un chiffre à multiplier par dix si vous voulez avoir le nombre de téléspectateurs pour le monde entier. Ça n'est pas le coup du siècle mais ça y ressemble. Et je ne parle même pas de toutes les séries qui ont désormais pour marque de fabrique une narration à base de flash-backs et de reconstitutions en 3D en tous genres… CSI a marqué un tournant dans la production américaine du début des années 2000.
Non, vraiment, il n'y a pas à dire. Patti est gentille. Elle me demande où est mon hôtel et commence à me donner des conseils d'itinéraire. La 101 West ? Le building American Express ? l'échangeur en face du parc d'attraction Universal ? C'est à ce moment précis que j'ai entendu mon nom de famille maladroitement prononcé par les haut-parleurs de l'aéroport. J'étais attendu à 3800 mètres de là dans un avion en partance immédiate pour L.A. Autant dire que ce n'était pas gagné…

Le voyage est plutôt cool. Une petite occasion pour repenser à mes questions. Seul problème, je ne sais pas encore à qui je vais les poser. Souvent ça peut aider quand même… A l'arrivée, c'est la nuit à L.A. Le temps de m'endormir au comptoir Avis, la compétence est un truc international, puis de me perdre et ça y est il est une heure du mat'. Je pénètre dans ma chambre d'hôtel des fax plein les bras. Le plan, les bios des acteurs, le programme de la journée (toujours sous réserve), un petit pipi et au lit. Le lendemain, je suis réveillé par le réceptionniste pakistanais de mon hôtel. Pour lui non plus ça n'est pas la joie. J'ingurgite un grand gobelet de café pas bon et part sans plus attendre pour les Santa-Clarita Studios. Je ne sais pas bien où je vais mais a priori une foule de personnes a rendez-vous avec moi. On improvisera sur place. Santa-Clarita, ça doit être la traduction latina de trou-du-cul-du-monde. Après avoir roulé dans le désert au Sud-Est de L.A, et s'être dit une bonne dizaine de fois, « Putain, c'est pas possible que ça soit là !! » on pénètre dans une zone remplie de firmes spécialisée dans l'audiovisuel. Et là on se dit : « Putain, ça doit être là ! ». Plusieurs vastes hangars blancs dominent cette zone industrielle. Ce sont les backlots loués par la production de CSI, immenses hall dans lesquels les auteurs américains font mumuse aux cow-boys et aux indiens (« Carnivale » par exemple mais "Deadwood" aussi ont été tourné en partie ici) ou aux Policiers scientifiques qui trouvent (presque) toujours à la fin (faut jamais laisser un bout de son ADN sur le frein à disque trafiqué de la voiture de son patron…). Comme à l'accoutumée, le tournage est bien moins glamour que le résultat à l'écran. Le plateau est parcouru par une armée de mecs en bermuda. Des techniciens, des machinos qui travaillent d'arrache-pied pour qu'au bout de huit jours de tournage, sorte d'ici un nouvel épisode de "CSI", l'une des rolls des séries actuelles.

Aujourd'hui, on tourne les scènes d'interrogatoire. Warick est aux prises avec un jeune garçon qu'il soupçonne d'avoir jouer avec des allumettes. La scène se déroule dans un calme religieux. Très intime à l'écran mais également feutrée pendant les breaks entre les prises, comme si le réalisateur voulait préserver son jeune comédien d'une petite dizaine d'année. "CSI" n'est pas une série spectaculaire. Pas dans ce sens en tout cas. Pas d'action effrénée, pas d'extérieurs à profusion. Patti me tombe littéralement dessus. Elle revient du catering avec une montagne de viennoiseries. Il faut que je prenne des forces, elle revient avec le plan de travail. Danny Cannon, l'un des patrons du show (et de toute la franchise "CSI") veut bien me recevoir. Ce britannique d'une bonne quarantaine d'années est le papa du visuel de la série. Issu du cinéma, Cannon est venu à la télévision sur l'ordre de Jerry Bruckheimer. Quand je lui pose une question, Cannon met une éternité à répondre mi-amusé, mi-fatigué. Quelques minutes plus tard, il déballe son emploi du temps, un truc proprement impossible dans lequel il jongle avec des séances d'écriture, de réécriture, de castings d'auteurs comme d'acteurs, des validations d'effets spéciaux. Le tout sur plusieurs sites dans L.A. Des journées de quatorze heures pour un boulot qui se conjugue avec passion. Patti, l'attachée de presse vient me taper amicalement dans le dos. C'est l'heure. Quelques lourdes portes poussées plus tard, on se balade dans un dédale de fausses cloisons et de pieds de projecteur. Il fait 40°c là-dessous. D'énormes câbles électriques parcourent les couloirs, c'est en les suivant qu'on se rapproche du saint des saints. Plus on se rapproche et plus on croise de gens affairés, mine crevée ou préoccupée, ça ne rigole pas. Une armée d'assistants s'échangent des codes par talkie-walkie. "Danny Cannon arrive dans la place et il est avec un étranger". L'étranger c'est moi. Le silence est demandé, « moteur, et action ! ». Gary Dourdan, l'interprête de Warick, black athlétique aux yeux fond de lagon est toujours dans sa scène très intimiste face à un jeune garçon. … Coupé ! Les figurants s'arrêtent de passer et repasser en arrière-plan. Le réalisateur sort de l'ombre, dos à l'action et face à un mini-moniteur, il semble dans ses pensées. Problèmes de focales ou interrogations sur le choix du restaurant à réserver pour sa soirée avec cette petite actrice suédoise… Va savoir. Le set de "CSI" ressemble à tous les sets de série US. Professionnalisme et gros moyens techniques. Le décor principal regroupe différentes salles des locaux de la Police scientifique de Vegas. Sans le travail de la lumière, tout fait toc. Ça aussi c'est normal. Gary Dourdan se présente pour l'entretien. Belle bête. Le mec à vous filer des complexes. Discussion tranquille pendant que le plan de tournage continue autour de nous. Dourdan répond nonchalamment tout en suivant du regard, de temps à autre, une jeunette qui passe à portée. Patti se matérialise : il faut y aller. Poignée de main franche avec Gary. Il me parle de la chance que j'ai d'habiter en France. Je pense à la chance qu'il a d'avoir encore ses deux mains entières (parce que moi y'en a une qui est complètement broyée…). Patti est montée d'un cran rayon nervosité. J'ai dit une connerie ? J'ai parlé pendant une prise. Non, Marg Helgenberger doit simplement débarquer d'une minute à l'autre. Le seul ton de la voix de la gentille Patti me laisse à penser que l'interprète de Katherine Willows est une chieuse de première. L'impression n'est pas prête de se tasser quand Marg fait son entrée guettant l'éventuelle présence d'une caméra. Elle me sort un sourire Ultra-Brite qui me fait dire que la psychologie humaine est parfois réduite à bien peu de choses. Et je n'ai pas parlé de sa couleur de cheveux. Vous avez remarqué ? Bref, Marg est très contente de la série – on le serait à moins. Elle est contente pour la chaîne et elle est très contente d'elle-même. Entre deux interventions de sa maquilleuse (blonde elle-aussi) qui croit peut-être que mon dictaphone est une caméra, Marg me parle du grand bonheur qu'elle à travailler là. L'équipe est formidable, les histoires sont formidables, tout le monde est formidable. Marg ne réfléchit pas à ce qu'elle dit. Du coup, je décide inconsciemment de l'indisposer en la félicitant pour son superbe rôle dans « Traffic » alors que c'est dans « Erin Brockovitch » qu'elle joue la maman prolo dont les enfants sont obligés de se baigner dans une eau empoisonnée. Marg est limite vexée et ça se voit. Je suis assez heureux de l'effet et ça se voit aussi. Patty me lance un énorme haussement de sourcils genre « ça va pas quoi ! elle va me casser les noix avec ça pendant des mois maintenant ! ». Par mesure de rétorsion, Patty me laisse traîner comme une vieille chaussette avec deux ou trois consultants techniques du show de passage sur le plateau. Les mecs sont tous d'anciens membres de forces liées à la Police. Passionnants mais sexy comme une paire d'espadrilles. C'est quand même pour moi, l'occasion d'apprendre que la plupart des séries entretiennent des viviers de consultants techniques nécessaires pour la réactivité des scripts. On veut bien dire des trucs à peu près juste mais il ne faut pas que ça mette en l'air tout le plan de tournage. Il faut donc aller vite et travailler avec des gens qui ont les bonnes réponses. Les plus doués, ceux qui comprennent le besoin du médium télévisé ne tardent pas à écrire leurs propres épisodes. Ecrits en collaboration avec des auteurs du staff. On voit là toute la culture d'écriture à plusieurs mains de l'industrie télé US. Seul le résultat compte. Les égos sont mis de côté et le partage d'idées et de techniques d'écriture est maximal. Quand vous avez l'ambition de dépasser les 150 épisodes, vous ne pouvez fonctionner que comme cela. Ou alors vous finissez avec « Derrick ». Et là vous ne faites plus vraiment de la fiction télé. Plutôt du diaporama. Mais revenons à nos moutons. Une sonnerie générale se fait entendre dans l'ensemble du backlot. Il est 15 heures, l'heure de la pause. Celle ou l'on va engloutir une côte de bœuf dans la cantine que la production met à disposition. L'un des credo les plus intéressants d'Hollywood se résume en cette phrase : « Si vous nourrissez bien les hommes, tout ira toujours bien ». Patti a l'air totalement en osmose avec cette théorie. Après trois portions de taboulé et une assiette rassemblant ma ration mensuelle de féculent, Patti se laisse séduire par un bout de Tiramisu. On arrose ça avec quelques seaux de sodas et maintenant, elle est calé jusqu'à la nuit. De mon côté, la nuit je la commencerais bien. Après quelques conversations avec des membres de l'équipe de techniciens, je me demande si cela vaut bien le coup d'aller digérer/somnoler à côté du réal durant de nouvelles heures. Patti ne me laisse pas le choix. Elle veut m'emmener voir la société qui gère les effets spéciaux de la série. Les rides 3D de streptocoques, les combats d'amibes, les éternuements comme si vous y étiez (bon appêtit !), c'est à Long Beach que ça se passe. Patti est tellement gentille qu'on ne peut décidément rien lui refuser."vous l'avez eu où le Tiramisu ?"