vendredi 13 février 2009

Les french series à suivre : DUEL EN VILLE

Bon, on avait dit qu'on parlerait aussi de séries françaises.

Pour moi, les séries françaises se sont assez longtemps limitées à un groupe d'oeuvres datant au moins des années 80. A la fin de la décennie 90, "Police District" est venu troubler le jeu (et je ne dit pas ça car cette série a été produite par Capa Drama pour qui je travaille en ce moment...) et peu à peu, de plus en plus de productions fréquentables sont venues s'ajouter à une liste qui compte aujourd'hui des oeuvres comme "Reporters", "Fais pas çi, fas pas ça", "Ma Terminale", "Nom de Code : DP", "SCALP", "Les oubliées", "Sur le fil", "Engrenages". On est d'accord. Ce n'est pas encore la panacée. Et il va falloir se faire à l'idée que ça ne le sera peut-être jamais. Il faut accepter le fait que les high concept, par exemple, séries pouvant se décliner durant des centaines d'épisodes autour d'un concept aussi con que "les vies de cinquante mecs naufragés sur une île","un médecin traque de méchantes maladies", mon frère est médium, génie des maths vampire et moi je suis agent du FBI... les high concept, je disais, sont un truc totalement ricains. Non, nous en France, on excellera plus sur les oeuvres psychologiques ou dites de moeurs.

On pourrait se demander pourquoi, nous qui avons co-inventé le roman-feuilleton sous la plume de messieurs comme Alexandre Dumas ou Balzac, n'avons pas plus exploré cette veine en matière de télé. Je ne dis pas que ça n'est jamais arrivé ("Rocambole", "Vidocq", "Bephegor", c'est du poulet ? ). Nous avançons à grande vitesse. Les petits jeunes du CEEA répandent leurs envies dans des productions qui seront bientôt à l'écran. Globalement, un renouvellement des plumes est à l'oeuvre, un renouvellement chez les producteurs aussi et dans les chaînes. Quelque chose se passe. "Duel en Ville" produit par Son et Lumières, qui est certainement ce qui se fait de mieux actuellement en matière de boîte de prod, intègre assez facilement le club des fictions françaises qui n'ont pas à rougir de la comparaison avec des oeuvres anglo-saxonnes. Travailler pour la télé française vous donne bien sûr un avis très très différent sur cette bouillante question. Il faut toujours essayer de comprendre que dans l'absolu l'auteur français n'est pas plus stupide ou moins inventif qu'un autre (qu'est-ce que vous croyez, on regarde tous "The Wire", "Les Sopranos" et compagnie). Après, une production est un ensemble de décisions artistiques, de relecture d'une idée originale sortant de l'esprit d'une seule personne. Ici, la mutation de cette idée s'est faite de manière positive. Au final, on a une véritable histoire, des gens qui jouent (parce qu'ils croient au texte ?), quelques bonnes trouvailles de réalisation. "Duel en ville" marque aussi l'arrivée de ligne éditoriale de la part des chaînes qui commencent à ressembler à quelque chose. Si chez TF1, M6 et dans une moindre mesure France 2, on se cherche toujours (pour certains, il y a des excuses), Canal plus, Arte (déchaînée cette année) et France 3 impose des rendez-vous forts qui donnent des rendez-vous. France 3 et sa case du week-end fonctionne très bien. "Duel en ville" en est l'un des meilleurs exemple.

Allez, on continue comme ça !

Séries de rêves (1) HILL STREET BLUES





















"Hill street blues". Bon, faut-il que je raconte à nouveau toute l'histoire ? HSB est une série mythique du début des années 80. Elle fait partie de cette famille de programmes qui se sont appropriés les codes du roman-feuilleton, qui ont décidé de se placer en opposition à la norme des séries de l'époque. Grâce à ses intrigues multiples (réellement multiples), ses intrigues modulaires (ouverture d'intrigues à géométrie variable qui place le spectateur dans une attente idéale), un casting choral (un ensemble cast qui préfigure toutes les grandes séries des années 90, un peu moins celles des années 2000), Hill street blues pose une nouvelle façon de raconter des histoires. On vous a forcément déjà fait le blah-blah sur la capacité des séries, en comparaison des films, des pièces de théâtre ou mêmes des romans à raconter des histoires où l'attachement aux personnages se fait de manière bien plus naturelle que dans n'importe lequel des autres moyens de raconter une histoire. Hill street est différente et ça se voit dès son générique. Sciemment décalé, désuet et mou du genou. Même Mike Post laisse tomber les guitares tonitruantes pour un petit thème au piano. La manière de filmer, le fait de laisser la vie investir le cadre donne à la série quelque chose d'infiniment humain. Série policière à première vue, Hill street blues est plus la chronique d'un morceau délabré d'Amérique. Une description sociale extrêmement accérée. La présence d'acteurs pas nécessairement beaux et sexy avec des trajectoires parfois assez sombres ajoutent encore au magnétisme de HSB. Personnellement, j'aimais déjà les séries quand HSB a fait irruption en France au milieu des années 80. Et je crois que c'est la connaissance de cette série qui m'a préparé à "Urgence" près de dix ans plus tard. HSB est tout ça et plus encore. D'un point de vue de l'écriture, c'est aussi une production qui a marqué la révolte des auteurs face au système extrêmement encadré des studios des années 70. Steven Bochco et Michael Kozoll ont participé au mouvement et leur série est devenue le symbole d'une télévision qui pouvait être plus difficile et plus intelligente. "Hill street blues", même si elle n'est pas la toute première, est la première grande série de ce qu'on a appelé aux Etats-Unis, la Quality Television (on y reviendra, vous vous en doutez bien), une manière un peu folle de faire de la téloche, l'équivalent - mais certains vont hurler - d'une nouvelle vague dans le contexte cinéma des années 50. Une télé inventive, touchante dont les héros influencent encore nos (meilleures) fictions actuelles.

dimanche 8 février 2009

séries US, une question de structure...


La force des séries américaines réside bien moins dans les recettes d'écritures pures (on n'est pas plus bêtes qu'eux...) que dans un contexte industrio-socio-culturel qui permet leur existence même.

Il y a quelques soirs de cela, à la fin de l'épisode de la série que nous regardons en ce moment, ma femme, qui n'est pas du tout du milieu de la télé, s'est retournée vers moi et m'a demandé pourquoi les séries américaines étaient si efficaces. Certainement un peu las de répondre à cette question, je lui ai rappelé qu'il était tard et que demain les enfants allaient se lever très tôt. J'aurais surtout dû lui dire que l'efficacité des séries US était une question de structure. Mais pas seulement, c'est plus compliqué que cela. Et là, on n'aurait pas été couché…
Ce qu'il faut bien savoir c'est que les histoires racontées par les séries télévisées ont été découpées en actes bien définis, non pas pour des raisons de dramaturgie, mais avant tout par la volonté des networks qui ont décidé, au sortir des années 60, d'installer les spots de publicité au milieu des programmes. Un système bien plus rentable que le sponsor unique traditionnel qui communiquait en début et fin d'épisode. Cette nécessité économique a eu pour effet de structurer les fictions et la manière de la raconter au téléspectateur. A partir de ce moment, on a assisté au formatage des histoires avec une structure quasi-immuable ressemblant, à peu de choses près, à ça : un prégénérique haletant (ou cold open), une exposition rondement menée puis une fausse piste suivie d'une importante révélation (turning point) , ensuite une tentative infructueuse de résolution (nouveau turning-point) et enfin une résolution (climax et éventuel pay-off). Une forme contraignante qui est aussi devenue un garde-fou au fil du temps. Le découpage de la très grande majorité des séries américaines est tellement imprimé dans nos rétines que si on nous demandait de construire une histoire, nous nous dirigerions assez naturellement vers cette structure qui a permis de produire tant de programmes depuis que la télévision existe.
Aujourd'hui, la plupart des séries se déclinent en quatre ou cinq actes. Avec des épisodes à qui l'on demande rigueur et efficacité. On va à l'essentiel en terme de narration car la minute est chère. La manière dont ont fondu les génériques de la plupart des séries coupées par la pub (network et câble premium) en est l'un des signes les plus voyants. Un épisode de série traditionnelle (enlevons les séries HBO / Showtime) tourne autour de 40 minutes et il faut les employer quasiment toute à installer, faire vivre et conclure une histoire que l'on doit reconnaître au premier coup d'œil. Les auteurs n'oublient jamais sur quelle série ils travaillent. Petit rappel : Une série de télévision américaine est un ensemble d'histoires mettant en scène des personnages dont nous allons suivre les trajectoires dans un univers déterminé. Chaque personnage avec ses moyens propres va suivre des buts. Chaque nouvelle histoire doit s'insérer dans ce schéma à la fois simplissime et ardu. C'est ce que les Américains appellent la « franchise » du show. Un ensemble de règles qui font la série. Sans elle, c'est le chaos.
Autre donnée importante. Les séries américaines sont placées dans un environnement hautement concurrentiel. Résultat, la franchise de la série doit être séduisante, c'est une évidence, mais ce constat doit également s'appliquer à chaque épisode et à chaque moment important de l'épisode. Chaque final d'acte doit dire « ne partez pas, après ça va être dément », cette course au teasing qui impose désormais des cliffhangers à chaque coupure pub peut paraître artificielle et fatigante. C'est simplement elle qui apporte le rythme tant loué des séries US. Et pour finir sur telle réplique de tel personnage, tout l'acte avant va devoir s'articuler d'une certaine manière, avec en point de mire, une efficacité maximale. Cette technique est très voyante voire agaçante sur des séries comme « 24 », « Lost » ou même « Weeds » mais elle s'applique aussi sur des oeuvres tendant vers le réalisme comme « Friday Night Lights ». Tous les auteurs américains avec qui j'ai pu en discuter, soulignent tous à peu près les mêmes choses. La contrainte est finalement un très bon moteur de création. La concurrence aussi, celle qui vous pousse à rendre des histoires avec le petit plus qui va faire la différence. Les délais également, souvent quasi-impossible à tenir, obligent les showrunners à procéder à des arbitrages radicaux. Quelquefois ça ne marche pas du tout. Mais chez les auteurs américains on sait qu'on peut toujours faire mieux la semaine suivante. L'efficacité est à ce prix. Il faut faire des paris et ce n'est pas à une chaîne de les proposer. Elle peut tout au plus les accepter. C'est déjà beaucoup. Bon, là bien sûr, ma femme dort depuis longtemps. Promis, je lui en parle demain soir.

jeudi 5 février 2009

Série télé : l'Amérique en 24 épisodes

Si ça intéresse quelqu'un d'écouter l'intégrale de l'émission estivale de France Culture que j'ai eu le plaisir de produire avec mon complice Benoit "Dr Green" Lagane, vous pouvez aller sur ce lien.

http://perso.heraut.eu/2008/09/sries-tl-lamrique-en-24-pisodes.html

Merci à toi Anthony

Angela forever


Ces derniers temps les chef-d'oeuvres télévisuels tombent comme des mouches et ce n'est pas leurs timides remplaçants qui vont inverser la tendance. "Mad Men" vs "Les Sopranos" ? "Six feet under" vs "True Blood". "The Shield" et "The Wire"s'en vont eux aussi pour laisser la place à "Son of anarchia" ou "Lie to me". On rigole. Seul peut-être "Breaking Bad" tire les autres. Il se passe quelque chose à Hollywood. Peut-être qu'à force d'hyper-feuilletonner on a oublié les fondamentaux. Je sais ça fait un peu vieux con mais il faut enfin que j'assume que je suis un vieux con. J'ai fait cette terrible mais délivrante constatation en regardant le coffret de "My so-called life". Sans effets, sans épisode extraordinaire, sans transgenre, la série de Zwick et Herkowitz est tout simplement humaine et complète. On ne fera pas mieux dans ce style. On a eu depuis "Veronica Mars", "Freak and geeks", "Gossip Girl" dans des styles et des genres différents. Dans ces séries, on sait faire des belles images, des bons gags, des rebondissements tonitruants. Ce qui manque. Ce qui me manque à moi, c'est l'épaisseur des personnages. Cette manière de créer sans en faire des tonnes. Sans rechercher les effets. Sans être mécanique et bêtement télévisuel. C'est simplement génial. Respect.