jeudi 6 décembre 2012

Encore des histoires de génériques...

Un petit conseil. Ne loupez pas "Une histoire des génériques de films", un webdoc signée Alexandre Tylski, l'un des grands spécialistes du genre en France. ça passe sur le site internet d'Arte et plus spécialement dans la zone réservée à Blow Up, le magazine de cinéma le plus furieux de la toile. http://www.arte.tv/fr/une-histoire-des-generiques-de-films/7101596.html

vendredi 5 octobre 2012

Ces épisodes de séries qu'on n'oubliera jamais (6)

Oui, je sais, choisir "Record Battu", premier épisode de la quatrième saison des aventures de Thomas Magnum n'est pas d'une singularité fracassante. Mais si tout le monde cite cet épisode c'est simplement parce qu'il marque les esprits. Déjà, il sort totalement du cadre des enquêtes menées par Magnum au cours de la série. Mini-rappel de la série : Thomas Magnum, vétéran du Vietnam, s'est reconverti en détective privé et il a gagné le droit de vivre à l'année dans la luxueuse propriété de l'écrivain Robin Masters sous la surveillance d'Higgins, un régisseur britannique rigide et tyrannique (en tout cas au début...). La série se déroulant à Hawaï en décors naturels, les épisodes ne se privent jamais de nous montrer l'univers paradisiaque que constituent Hawaï et son archipel. Sauf que dans le cas présent, le rêve va tourner au cauchemar. Renversé alors qu'il faisait du kayak de mer, Magnum est laissé seul dérivant dans les redoutables courants du North Shore. S'engage alors une course contre la montre que Magnum va relever en misant sur ses qualités physiques mais aussi sur sa mémoire qui va lui permettre de penser à son enfance et en particulier à une leçon de natation que lui avait donné son père, un père décédé quand Magnum avait une dizaine d'années. La grande qualité de l'épisode réside surtout dans son ambiance. On a beau faire de Magnum une série légère (Merci Francis Lax - le (très bon) doubleur de Tom Selleck ...), il y a une gravité, un côté film noir et femme fatale qui ne quitte pas le sillon de l'oeuvre de Donald Bellisario. Toujours est-il que dans cet épisode, alors que Magnum dérive en pleine mer, sous un soleil accablant le jour puis dans une nuit glaciale, on se met à suivre tous les amis de Magnum (Rick, TC, Higgings, Carol...). Ces derniers gèrent leur vie quotidienne mais bien vite, un drôle de pressentiment les gagne. Chacun de leur côté, ils vont commencer à se renseigner. A-t-on vu Thomas magnum aujourd'hui ? Ou est-il ? L'impression se transforme en vive inquiétude quand on s'aperçoit que Magnum est introuvable. Cette alternance de points de vue augmente l'impression de durée de l'épisode et du temps où Magnum dérive. Bien sûr, tout finit bien mais dans le laps de temps, on a suivi un Magnum plusieurs fois près d'abandonner. Seul le souvenir de son père le gardera hors de l'eau. C'est Magnum enfant qui hérita de la montre de plongée de son père disparu. Il la porte désormais dans ce coin inhospitalier du Pacifique. "Record battu" est un modèle d'épisode de 52'. Sans temps mort, rempli d'informations étoffant la backstory du personnage principal de la série, "Record Battu" est un épisode utile qui aide la série à opérer un virage vers plus de gravité, impression qui nous sera confirmé dans les saisons suivantes où Magnum commencent à prendre la vie au sérieux - notamment avec le (bref) retour de sa femme, Michelle et de sa fille Lili... Mais là, j'en ai déjà trop dit...

vendredi 21 septembre 2012

Ces épisodes qu'on n'oublie jamais (5)

For Peter's Sake – Dream On – 28 : 15’ Il y a des séries dont on garde un souvenir ému. Et puis un jour on les revoit et on a du mal à croire que c’est la même œuvre qui nous a tant fait rêvé. J’avoue que Dream On fait partie de ces programmes qui ont légèrement vieillis avec le temps et la radicalisation des séries venant du câble US. Ni sitcom, ni drama, Dream On a marqué un nouveau pas dans la production américaine. Pas aussi important que celui opéré une décennie avant par la Quality television des Bochco et Herskowitz mais Bright, Kauffman et Crane, les futurs créateurs de Friends, ont quand même posé les bases de la dramedy new-yorkaise qui amènera des séries comme Ally McBeal ou encore Sex and the city. Peut-être que la montée en qualité des séries du câble produites depuis – même si Dream On est la première vraie sérieuse fiction d’HBO en 1992 – a affadi les thèmes et les caractères pourtant assez osés des personnages de la série. Avec "For Peter’s sake", le 3eme épisode de la saison 3, David Crane et Martha Kauffman évoque la figure du SIDA à travers l’amitié naissante de Martin Tupper, le héros de la série avec un auteur de seconde zone qui va écrire le journal les derniers jours de sa vie pour un improbable livre de noël qui ne sortira finalement jamais. Le sujet pourrait être scabreux mais intégré au ton doux-amer de cette série, il en ressort un épisode qu'on a du mal à quitter sans un pincement au cœur. Et ça, ça n'a pas changé... A la relecture, vingt ans après (putain, vingt ans…), l’épisode n'est plus aussi dense et émouvant qu'il le paraissait. Et en même temps, il réussit la gageure de mélanger comédie et mélodrama. C’est toute la force de cette série qui ne doit en aucun cas verser dans le pathos. Mouvement rédhibitoire pour une production régulière censée attirer les gens sur une formule éprouvée depuis deux saisons déjà. On pourrait dire de la télévision qu’elle est hypocrite car elle ne va jamais au fond des choses. Ici, l’immense ellipse qui nous épargne la mort de Peter rend grâce à l’esprit prosaïque du petit écran qui doit rendre ses histoires dans des formats donnés. Et raconter l’histoire d’amitié d’un éditeur avec un malade en phase terminale du SIDA demanderait plus que 26 minutes à la plupart des auteurs lancés sur le sujet. J’espère qu’un jour, nous arriverons à atteindre ce mélange de comédie, d’intelligence et de pudeur dans un programme régulier de la télévision française. En attendant, voici For Peter ‘s sake :

mercredi 12 septembre 2012

Ces épisodes qu'on n'oublie jamais (4)

"Dave la main froide" (Cool hand Dave, part 2). Dans ma liste toute personnelle des épisodes qu'on n'oublie pas, vous n'échapperez pas à quelques aventures de Maddie Hayes et David Addison, détectives improbables donc indispensables que l'on retrouve ici dans une intrigue qui n'a plus rien à voir avec le coeur originel - et si réussi - de l'inclassable Clair de Lune (Moonlighting). David part rejoindre Maddie qui s'est réfugiée à Chicago après lui avoir avoué qu'elle était enceinte de lui. A l'aéroport, David est arrêté par le FBI qui le prend pour "Le bulldog" un dangereux assassin. Il est jeté sans ménagement dans une cellule d'un bagne digne d'Alcatraz. Pendant ce temps, tout le monde cherche David Addison, y compris les responsables d'ABC qui se demandent comment leur série peut continuer sans la présence de leur comédien principal. Agnes Dopisto, la gentille standardiste de l'agence sonne la révolte et se lance dans une enquête loufoque en compagnie d'Herbert Viola. Leurs investigations les conduisent au domicile de David Addison, un domicile occupé par le cousin de ce dernier... un (faux) cousin qui s'avère être "le bulldog" lui-même... Cet épisode n'est pas le meilleur de la série (on y reviendra prochainement) il vient seulement nous confirmer avec brio que le récit télévisuel peut aussi être quelque chose de totalement second degré. Un seconde degré qui n'empêche pas des séquences de comédie musicale digne de Broadway (les travaux forcés et l'histoire de Dave et Maddie...). Un second degré qui n'empêche pas les sentiments, notamment dans cette scène finale où Maddie dans un message téléphonique tendre et sincère annonce à David qu'elle le remercie de ne pas être venue la rejoindre à Chicago. David s'assied alors sur son lit et abandonne l'idée de faire sa valise. Il allait bien sûr partir pour Chicago mais si Maddie lui demande avec ce ton-là... Même les héros les plus foutraques ont un coeur, on avait déjà eu l'occasion de s'en apercevoir dans cette série. Reste la folie qui infuse le reste de l'épisode. La scène mythique du casting chez ABC pour trouver un nouveau David Addison , le faux cousin de David et ses récits à la Indiana Jones, le tout emballé avec un art consumé de la parodie. On ne fera plus jamais de la télévision comme cela. Raison de plus pour ne pas oublier cet épisode.

dimanche 9 septembre 2012

Ces épisodes qu'on n'oublie jamais (3)

Il y a des épisodes qu'on n'oubliera jamais et puis il y a L'EPISODE qu'on n'oubliera jamais. Classé dans les 100 plus grands moments de télévision du XXeme du magazine "Entertainment Weekly", Love's Labor lost fait partie de ces épisodes coup de poing qui installe une production dans le coeur des téléspectateurs. Ce fut bien sûr le cas ici avec Urgences qui s'apprêtait à devenir N°1 des audiences aux Etats-Unis. Dans cet épisode, c'est Mark Green (excellent Anthony Edwards) qui est à l'honneur. Alors que sa journée est finie et que rien ne le pousse à rester, le Dr Green décide de continuer à suivre une patiente enceinte entrée avec des signes peu encourageants. On sait déjà que cet accouchement ne va se passer normalement. Que tout finira mal. La tension monte doucement. Green est fatigué et bientôt il se retrouve piégé dans un accouchement à haut risque. Le service d'obstétrique ne répond plus. ER est - à cette époque en tout cas - un exemple parfait de rythme. On est plongé au milieu d'histoires très humaines. La steadycam virtuose et le vocabulaire médical font le reste. Mais avec cet épisode, Lance Gentile, son scénariste, veut aller plus loin. Il prend le parti de montrer un Dr Green pas aussi bon docteur que nous le voudrions. L'état de la patiente s'aggrave mais on a du mal à imaginer un épisode terminant sur une note (trop) sombre. Pas avec le bon Dr Green. C'est mal connaître John Wells et Michael Crichton qui insufflent à leur série cette petite dose d'incertitude qui rend toutes les issues possibles. L'acte 4 reste comme un moment suspendu. Il y a l'accouchement, la perte de la maman, l'acharnement de Green à ranimer le corps sans vie devant le reste de l'équipe dévastée. Mais ce moment reste finalement un classique de série d'hôpital. Le plus réussi est à venir notamment quand Mark arrive auprès du père, un nouveau-né dans les bras mais une triste nouvelle à annoncer. Derrière la vitre, sans que nous entendions le moindre mot de ce qui se dit (cf, notre photo), on suit les visages, la surprise, la douleur. Le poil s'hérisse et la larme n'est pas loin. Elle arrive pour la scène finale, celle où Mark Green, exceptionnel tout du long de sa journée, d'humanité, d'abnégation, de faiblesses aussi, pleure toutes les larmes de son corps en rentrant chez lui en métro au petit matin. Là, on fera difficilement mieux.

samedi 8 septembre 2012

Ces épisodes qu'on n'oublie jamais (2)

The shield - Pilot Le pilote n'est pas un choix très singulier pour représenter l'épisode remarquable d'une série. Mais après tout, c'est aussi fait pour ça un pilote : Montrer le potentiel industriel de la production qu'il initie ainsi que l'originalité du programme. Pas étonnant donc de retrouver dans ce type d'épisode des moments de bravoure. Mais dans le cas de The Shield, franchement, Shawn Ryan et sa strike team d'auteurs dépassent nos espérances de beaucoup et c'est pour cette raison, qu'à mon goût, le pilote de The shield mérite de figurer parmi les épisodes qu'on n'oubliera pas. Habile, Ryan installe la figure de Vic McKey "un autre type de flic" comme il aime à s'appeler lui-même au moment de mettre une raclée à un vieux pédophile qui refuse de dire où il retient une petite fille. Vic McKey est borderline. Un pitbull qui tape et réfléchit ensuite. Mais même si dans cette réplique clé toute la série est résumée, cette scène jouissive à souhait n'est pourtant qu'un hors-d'oeuvre par rapport à la suite. Shawn Ryan nous garde son meilleur tour pour la fin. Une longue séquence de préparation d'une descente de Police chez un dealer. Regard extatique, mines déterminées, les policiers de Farmington vont aller nettoyer le quartier. Le rap agressif de Kid Rock électrise le moment. La réalisation nerveuse nous place au plus près de l'équipe d'intervention. Le montage dynamise encore cet effet. Le titre "Batwidaba" crache aussi violemment que les fusils à pompe de la Strike Team. Quand la musique s'arrête, Vic McKey accomplit son forfait. Un "autre type de forfait". La machine est lancée. Un épisode et une musique que je n'oublierai jamais et que je rêve d'égaler en intensité dans une de mes créations futures. Rêvons un peu...

vendredi 31 août 2012

Ces épisodes qu'on n'oublie jamais

J'inaugure un nouveau rendez-vous sur ce blog. Je vais essayer de vous parler régulièrement (rêvons un peu...) d'épisodes qui ont marqués la série dont il font partie. Aujourd'hui In Treatment - Saison 3 - Semaine 4 - Episode d'Adèle. Dans cet épisode de la série-concept d'HBO "In Treatment", Le Docteur Paul Weston se laisse aller à faire une déclaration à sa propre analyste. Totalement désarmant, le personnage joué par Gabriel Byrne avoue toute son admiration et donc tout son amour à la troublante Adèle. La scène est un pur délice. Gabriel Byrne est génial d'honnêteté, lui dont le personnage plein de rage réfrène tellement ses sentiments au cours de la série. Amy Ryan est parfaite dans le rôle de la praticienne, observez l'exceptionnel finesse de son jeu quand elle comprend, comme nous, la nature du trouble de Paul Weston. Le petit mouvement de glotte de la psy (qui devient un court moment juste une femme) évidemment émue par la profondeur des sentiments de Paul. Voilà un exemple parfait qui me rappelle pourquoi j'aime les fictions et pourquoi j'écris.

lundi 9 juillet 2012

Génération générique

Vous voulez savoir d'où vient l'idée de générique dans les fictions télé ? Vous voulez entendre un philosophe (Tristan Garcia), un producteur (Gilles Galud), une anglisciste (Ariane Hudelet) et un spécialiste des génériques de cinéma (Alexandre Tylski) évoquer les génériques avec simplicité et passion ? Vous voulez entendre parler d'Alfred Hitchcock - bien plus connu du grand public US pour ses séries (Alfred Hitchcock presents, Alfred Hitchcock Hour...) et notamment grâce au générique où l'on voit sa silhouette caricaturée - que pour ses films de cinéma ? Vous voulez connaître le sens profond du générique de la sublime Six Feet Under ou bien l'analyse de Tristan Garcia à propos de celui de la saga d'HBO Game of Thrones ? Vous voulez ré-entendre des génériques mythiques (The Persuaders, Mannix, Magnum...) ou encore des objets plus contemporains Boss, Game of Thrones ou encore Dexter ? Quelles sont les tendances actuelles ? Pourquoi les génériques renvoient à des problématiques plus larges ? Si toutes ces questions vous intéressent, alors ne ratez pas "Génération Génériques", une émission de Benoît Lagane et Eric Vérat, réalisation de l'indispensable Lionel Quantin. 90 minutes, le dimanche 29 juillet 2012.

samedi 19 mai 2012

Bye Dan...

A l'instant même où je clame mon amour pour sa série au monde entier (enfin, le monde potentiellement, quoi !) Dan Harmon se fait débarquer de "Community". Une série tellement pointue dans son humour qu'on se demande bien ce qui a pris aux executives de Sony TV de virer son omnipotent créateur comme un malpropre. Ils veulent peut-être se venger du fait d'avoir perdu plusieurs milliards de dollars cette année (milliards, vous avez bien lu...) dans des choix de projets ciné et télé hasardeux. "Community", lui est un show qui marche fort. Pas forcément en terme d'audience (cf mon précédent post) mais surtout en terme d'image. Ça ne va pas empêcher les responsables de studio mais aussi de network (en l'occurence NBC) de virer Harmon sans même l'avertir (en tout cas c'est comme ça qu'il présente la chose sur son blog perso). On pourrait croire que la situation des créateurs US est supérieure à la nôtre. Finalement, les séries appartiennent aux studios et un tout petit peu à leurs créateurs originels. Visiblement, Dan Harmon traîne un contentieux avec Chevy Chase, l'un des acteurs de la série. Un comédien culte (SNL, Roy Burgundy...) qui a peut-être la rancune et le carnet d'adresses plus tenaces que prévu. Dan Harmon traite de cette histoire sur son blog C'est un super billet, comme les grands auteurs savent les écrire. Il y a un soupçon de déception et un maximum de dégoût pour ce qu'est réellement l'industrie des programmes d'un coins à l'autre de la Terre. Une affaire de fric devant laquelle personne ne fait le poids. Bye Dan, see you soon... (but not on NBC, I think...) Le blog : http://danharmon.tumblr.com/post/23339272200/hey-did-i-miss-anything

samedi 12 mai 2012

Je veux écrire ça...

Bon, OK, je me calme. Je sais, qu'il est impossible de créer de l'équivalent de Community, la petite perle gorgée de liberté de Dan Harmon aujourd'hui dans notre cher pays. Sur la forme comme sur le fond. Aucun diffuseur français digne de ce nom (et c'est dommage...) n'a l'ouverture d'esprit pour laisser un créateur se déchaîner comme le fait actuellement Dan Harmon tous les jeudis soirs sur NBC. NBC, qui justement, a commandé une nouvelle saison de Community alors que cette comédie termine régulièrement dans les bas-fonds des classements des audiences. Ce qu'a vu le network (dans un remake de ce qui s'était passé début 80 avec les séries de la Quality television comme Hill Street Blues, St Elsewhere, China Beach, Thirtysomething..., c'est que ce programme mobilisait une forte communauté de fans sur le net. Et de fait, que sa notoriété et à travers elle, celle de son diffuseur (NBC, donc...) était l'une des meilleures de la télévision US. Si vous ajoutez le fait que Community fonctionne avec l'un des plus faibles budgets du paysage audiovisuel américain, vous comprendrez un peu mieux pourquoi NBC est repartie pour un tour avec Dan Harmon. Bon, au-delà de ces considérations industrielles, Community reste surtout scotchante par ses parti-pris d'humour. Rien d'ultime et de jamais vu à la télévision (surtout ricaine). C'est surtout l'impression d'évoluer hors des canons d'efficacité habituels en télé qui est rafraichissant. J'ai bien dit l'impression car si vous vous intéressez à la question et à Dan Harmon vous apprendrez que c'est une sorte de mollah de la structure et que les histoires de sa série sont tout sauf improvisées. L'une des marques de fabrique de la série, c'est qu'elle est très référencée, elle drague différents type d'humour mais se nourrit surtout de la pop-culture ambiante. Le casting, comme souvent dans ce type de séries, est crucial. Il est au rendez-vous des textes et des gags irréguliers de la série. Et là, je ne vais pas vous mentir. Tout ne vous fera pas rire dans Community, surtout si vous n'avez pas vécu les années 80, surtout si vous ne connaissiez pas Chevy Chase avant. Il y a du Parker Lewis-à-fac dans tout ça. Le tout mâtiné de culture Star Wars. Rajoutez quelques guests savoureux (Jack Black, John Goodman...), quelques obsessions (Luis Guzman...) quelques méta-épisodes et vous ne serez pas loin de la recette de Community. Au delà de ça, l'important c'est qu'il y a une poignée d'auteurs qui se réunissent et s'éclatent en écrivant des histoires. Et ça, pour des raisons que cinquantes pages de ce blog ne suffiraient pas à contenir, c'est aujourd'hui impossible en France. Regardez Community. PS : si quelqu'un sait comment on saute des lignes sur cet administrateur, je suis preneur.

vendredi 11 mai 2012

Série télé cherche showrunner...

Intéressant papier dans Variety signé Cynthia Littleton. Une des tendances fortes de la nouvelle saison à venir (2012-2013), c’est le lancement de séries sans qu’elles soient attachées à des showrunners de prestige voire des showrunners tout court. Dans la plupart des cas, une série est associée au nom de son créateur ou de son patron. Cela dit, dans l’industrie américaine de la télévision, on peut presque dissocier les showrunners et les créateurs de séries. Les showrunners ne sont pas forcément les créateurs de l'oeuvre qu'ils dirigent (voir exemple plus bas) tout comme un créateur, notamment quand il débute, n'est pas systématiquement le patron de sa série. Donc, si l'on reprend notre raisonnement, normalement, parmi les showrunners figure le créateur mais ce n’est pas une obligation. On sait très bien aujourd’hui que le nom de JJ. Abrams peut permettre de remporter un marché, alors que ce dernier n’a pas participé au développement. Cela ne veut pas dire qu’il ne s’impliquera pas à un stade où à un autre. Les grands diffuseurs sont friands de ces têtes d'affiches. L’exemple de Lost, à cet égard est édifiant. Quand Jeffrey Lieber propose à ABC, l’idée d’une série traitant d’un crash d’avion, ce créateur est peu connu et en plus, il apporte une série trop réaliste (à la Cast away). Le network prend acte du travail accompli mais veut aller plus loin. C’est ainsi que JJ Abrams qui a déjà travaillé avec Touchstone et ABC Studios (Felicity, Alias…) arrive et impose une patte totalement high concept avec ours polaire et dinosaure (en tout cas dans le pilote…). Le développement et la vente sont en fait des activités bien différentes de la gestion d’un show au quotidien. Certains savent faire l’un et pas l’autre. Durant pilot season, (ce laps de temps où les chaînes font leur shopping) on voit des scénaristes de BD, de ciné, des romanciers venir avec des idées intéressantes. Elles se transforment parfois en pilote puis en season order (commande d’un nombre défini d’épisodes parfois d’une saison). Et c’est là que les problèmes commencent. Celui qui a eu une idée doit la faire fructifier, commander à deux cent personnes dont des scénaristes parfois plus chevronnés que lui… Il n’est donc pas rare qu’un créateur doivent faire la place à des gens, plus expert, qui savent manager une série. Le mariage est parfois réussi mais la plupart du temps, il s’agit d’un bidouillage qui peut mener au débarquement de l’un des chefs, à son départ voulu voire à l’arrêt de la série. Car dans les standards de production de la série américaine, il n’y a pas beaucoup de place (et de temps) pour la querelle. On voit donc cette année un certain nombre de série qui cherche des showrunners alors qu’elles sont déjà acceptées par une chaîne. Cette figure peut également accoucher d’une bonne association. Jason Katims, le showrunner respecté de Friday Night lights n’a rien à voir avec le projet au départ. Peter Berg qui a développé la série ne pouvait pas s’en occuper au quotidien pour cause d’agenda de tournage de blockbuster saturé. De même, au moment où Meredith Stiehm avait lancé son Cold Case, la Warner lui avait collé dans les pattes, l’excellent Shaun Cassidy qui était parti de lui-même durant la première saison assurant que la créatrice de Cold Case se débrouillait très bien toute seule.

jeudi 19 avril 2012

Voilà, c'est fini...

Friday Night Lights, saison 5. Les projecteurs se sont éteints. Au propre comme au figuré. Cette cinquième et dernière saison avec ses treize épisodes est passée à toute allure. Généralement la marque des grands shows. La série de Jason Katims et Sarah Aubrey s’en va au top de sa qualité. On pourra toujours faire la fine bouche. Regretter certaines options prises sur les personnages (Julie et Matt ? ) ou encore le choix de mettre le football en second rideau (moins d’aspects tactiques), avec notamment quelques parties limites et du coup simpliste avec la dernière action à jouer à trois secondes de la fin. Tout ça ne pèse pas lourd face à l’empathie, voire même les sentiments, que l’on éprouve au fil du temps pour le coach Taylor et sa femme (formidables Kyle Chandler et Connie Britten) mais aussi plus généralement pour l’ensemble des personnages de cette épatante fiction (Tim et Billy Riggins, Vince Howard, Luke Cafferty…). Non, tout n’a pas été parfait mais au fil de l’intrigue ouverte que nous offrait la série, on est devenu des membres à part entière de cette communauté de Dillon. C’est l’une des grandes forces de cette série venue un peu d’ailleurs. N’appartenant pas au tryptique royal (cop-show, medical et legal drama), ni à celle des high-concept ou des superproductions (Game of Thrones), Friday Night Lights racontait simplement des histoires qui nous touchaient. Et elles ne sont pas tant que ça aujourd’hui les séries qui peuvent se targuer de faire au moins aussi bien.
Même si parfois les outils de dramatisation du récit ont été utilisés à la limite, (catastrophique début de saison 2 avec Tyra), il y a dans cette volonté de décrire le Texas, la jeunesse, les classes moyennes, l’ascension sociale par le sport, le rapport à la religion ou à la différence, un truc qui vous met une petite boule dans la gorge quand on sait qu’on ne verra plus ces personnages. Les auteurs ont vraiment touché des choses vraies en terme de psychologie des personnages. Personnellement, j’ai connu ça pour « Angela, 15 ans », « Les Sopranos », « The Wire », « Veronica Mars », « Friends » et quelques autres. « Friday Night Lights » n’est pas une série banale. Elle poursuit à la télévision, la grande tradition américaine des récits sportifs. Un genre de littérature que nous ne possédons quasiment pas chez nous. Au cinéma, en édition et un peu en télévision (mais c’est compliqué à cause des moyens de tournage), l’Amérique glorifie ses athlètes par des récits qui traitent souvent de la conquête d’un titre. D’une gloire perdue. Baseball, hippisme, lutte, Hockey sur glace, boxe, basketball, Nascar, Karaté, tous les sports ou presque y sont passés. Bien sûr, les meilleures de ces œuvres sont celles qui savent montrer l’envers du décor et être réaliste avec les limites de cette course à la performance. Pour être le premier, pour obtenir la gloire, l’argent, certains de ces aspirants à l’univers du sport professionnel sont prêts à tout. Ce n’est pas la moindre des qualités de la série initiée par Peter Berg, adaptée d’un roman best-seller signée H.G Bissinger que de jouer avec ce matériau toujours sensible à la télévision américaine. Car dans FNL, rien n’est parfait, loin de là. Les gens se trompent et il n’y a pas forcément de happy-end. C’est d’ailleurs cette couleur douce-amère qui fait de FNL une série haut de gamme et pas une énième série potache sur les couloirs d’un lycée US.
5 saisons, 76 épisodes, on a fini par prendre racine chez les Taylor, on a souffert avec Jason Street, on a bu quelques bières avec Tim Riggins, tremblé pour les Panthers puis les Lions. On a maudit les McCoy, père et fils, on a appris des choses de coach Taylor. Pas seulement, des tactiques de football US, non. Des leçons de vie et d’apprentissage. Dans son carcan de série sportive, Friday Night Lights a changé de braquet pour devenir un récit juste et poignant. Si on me dit qu’un jour j’écrirai quelque chose de moitié moins bon que ça, je signe toute de suite.

lundi 2 avril 2012

Sorkin is back

Aaron Sorkin avait plus ou moins juré que l'on ne le reverrait plus à la télévision. L'échec (un poil justifié) de Studio 60 l'avait condamné à vendre ses histoires complexes et brillamment bavardes au cinéma ou au théâtre. Aaron Sorkin a menti pour notre plus grand plaisir. Sorkin revient sous le feu des projo avec "Newsroom", une série initiée par HBO. Un récit entre "Broadcast News", "The West Wing", "Network" et... "Studio 60" tout de même. Prévue pour le 24 juin, le trailer est déjà en ligne. C'est comme souvent chez les américains et Sorkin en particulier très efficace. Jeff Daniels tient le rôle principal. Il est entouré de comédiens comme Jane Fonda ou Sam Waterston. Là, où les grands networks font globalement dans le consensuel mou, que Showtime tire la corde efficacité souvent un peu trop, Newsroom a la chance avec son orientation HBO, d'être le grand récit critique sur les médias.

vendredi 16 mars 2012

The Wire, Treme et tous les autres

Je vous l'avais promis, voici l'entretien que Karen Thorson, producer sur "The Wire" mais aussi sur "Treme", m'a accordé à l'occasion de la rédaction de mon ouvrage "Génériques ! Les séries américaines décryptées". Si, si, j'ai sorti un livre ! Le discours de Karen L. Thorston est passionnant à plusieurs titres. Cette productrice nous parle en dé- tails de la conception de deux très bons génériques. The Wire*, une série que l’on ne présente plus mais dont le générique a tendance à être sous-estimé, et Treme*, drame socio-politique jazzy aux relents documentaires, une anomalie dans le paysage actuel des fictions américaines. Interrogée cet été 2010 par nos soins, Karen L. Thorston revient sur le processus de fabrication, mais également sur la relation qu’elle entre- tient avec le showrunner de ces deux séries : l’indispensable David Simon. Elle se livre plus généralement à une énonciation des grands canons esthétiques des génériques de télévision actuelle.
Pouvez-nous expliquer les subtilités existantes entre des termes comme main title, credit sequence, ope- ning credits sequence, title sequence, sachant qu’en France nous n’avons qu’un terme pour désigner le générique ? Karen L. Thorston : Il est intéressant de voir qu’il existe plusieurs moyens de décrire le concept de gé- nérique en anglais. Parfois on appelle même ça tout simplement les « crédits », en référence à ceux à qui on doit l’œuvre ou bien encore les fonctions). Un main title englobe les artistes et les techniciens principaux qui ont reçu le droit d’être nommés à proximité du titre du projet, par op- position à ceux qui seront relégués à la fin de l’œuvre. En français, il n’y a qu’un terme : le générique... K.L.T. : Aux États-Unis, nous avons aussi une version dite « générique » (generic en anglais). Il s’agit d’une séquence sans mots appelée « la version sans texte ». Elle est préparée ainsi pour l’exportation afin de pouvoir la compléter dans différentes langues. Je fais de la conception de génériques d’abord sans m’intéresser au titling (toutes les informations qui vont être rajoutées comme les crédits). C’est pour créer avec les images, les sons et la musique, une atmosphère particulière et ajuster ensuite les noms et les mots. Ainsi, le terme « générique » n’évoque pas grand-chose car pour moi la sé- quence d’introduction doit avoir une fonction narrative et pas seulement être le lieu d’une liste de noms.
Existe-t-il des spécificités entre les génériques produits pour la télévision et ceux destinés au cinéma ? K.L.T. : L’information à fournir est essentiellement la même. Dans l’industrie télé, il y a ordinairement une limite de temps imposée par la production ou l’antenne de la chaîne pour le déroulement du générique... Habituellement moins de 90 secondes. Un temps bien plus court qu’au cinéma. Le choix de créer une séquence spécialement pour le générique ou pas (se servir d’images préexistantes tirées de la série) est une décision artistique prise par les producteurs, que ce soit pour des long-métrages ou des feuilletons. Pour une série télé, je pense qu’il est souhaitable d’avoir une véritable séquence de générique créée spécialement, plutôt qu’un simple défilement des noms et fonctions. Et je vois plusieurs raisons à cela : premièrement, cela crée un lien entre des propositions différentes. D’un point de vue commercial, cela apporte une stratégie marketing et crée une occasion d’imprimer une empreinte spécifique. Un générique attractif induit un réflexe de Pavlov positif. Désormais, une chanson de Tom Waits qu’écoutera un auditeur à la radio va peut- être lui évoquer The Wire*. Une montre à gousset et un bruit de tic-tac nous ramène vers 60 minutes1. Le générique des Sopranos me transporte de mon salon sur les rives de l’Hudson river et me fait atterrir dans le New-Jersey au cœur du monde de Tony Soprano, où j’aurais même une envie de lasagnes ! [Rires] Vraiment, un générique peut faire changer l’humeur et le lieu mental du spectateur en peu de temps. Et puis il y a la pause pop-corn. Comme un entracte à l’époque du cinéma du bon vieux temps. À la télé, le générique de dé- but peut être une pause qui permet un dernier aller-retour jusqu’au frigo, une pause pour fermer l’ordinateur, un moment pour se poser et se préparer à entrer dans l’histoire.
Est-ce qu’une bonne série possède forcément un bon générique ? K.L.T. : Un ami m’a dit un jour, « Karen, personne ne fait exprès de faire un mauvais film. Quelques fois, malgré les efforts, malgré le nombre d’Oscars gagnés, un film n’est pas aussi bon qu’on l’aurait espéré. » Oui, un bon programme pour la télé ou un bon long-métrage devrait avoir un bon générique. Est-ce qu’il y a des grands films ou des grandes fictions télé sans bon générique ? Je suppose que oui. Est-ce qu’un bon générique peut sauver une mauvaise création ? Je ne pense pas. Est- ce que le générique peut contraster esthétiquement avec le film ou le programme qu’il est censé baliser ? Oui mais globalement, il me semble qu’un générique doit s’intégrer avec le reste, se fondre. Cela étant dit, il y a des contre-exemples, prenez les génériques des James Bond, ils ont toujours eu un pouvoir d’attraction énorme sur les fans. Et ces génériques sont regardables et appréciables hors de tout visionnage du film. Ils sont sexy et excitants, et c’est quand même bien ce que le produit « James Bond » propose. En cela, ils soutiennent bien l’objectif global du film, même si les techniques mises en œuvre dans ces génériques sont bien différentes de celle du film. Dans le cas présent, je ne pense pas que ce générique finisse par faire de l’ombre au film lui-même. Toute production se doit d’être la plus parfaite possible, à tous les stades de son développement. Le bon générique devrait renseigner sur le corps principal et non l’inverse. J’ai vu des films où le générique renvoie une impression ou un message d’une ambition bien supérieure ou d’une thématique différente de celle du film. Ce n’était pas des films qui ont bien marché, et sans doute pas uniquement à cause d’un écart entre le générique et le film. Mais cette donnée ne peut que renforcer la confusion et la déception du spectateur. En revanche, je n’ai pas l’impression que de mélanger les styles et les techniques conduise forcément le générique à être dissonant. J’aime l’ouverture de The Green Hornet. Le générique de 24 s’est transformé en bumper annonçant des pages de pub. Ainsi, il est devenu plus qu’un simple générique délivrant des informations sur la série. Il a évolué pour devenir un outil digérant la présence des spots de publicité. Je n’ai cité que des exemples liés aux thrillers (films à suspense) ; comme s’ils étaient les seuls lieux possibles pour produire des sujets intéressants. En fait, même dans des drama de bonne qualité, je vois des génériques qui diffèrent stylistiquement de l’œuvre qu’ils sont censés représenter. Par exemple dans Six Feet Under, j’ai toujours été subjuguée par le mélange d’animation, d’action en direct et de désaturations présents dans le générique produit par Digital Kitchen, et pourtant je ne l’ai jamais trouvé plus important que les épisodes eux-mêmes. Breaking Bad exploite avec intelligence le thème de la chimie en se servant du tableau périodique des éléments. Le générique de Mad Men* se regarde sans problème pour lui-même et fait plus qu’honneur à la série. Il définit une époque en partenariat avec les épisodes. Je vois là une interprétation originale ou un hommage au travail de Saul Bass sur les films d’Otto Preminger bien sûr, durant les années 1950.
D’ou vient votre passion pour l’image en général et des génériques en particulier ? K.L.T. : Tout cela vient de très loin. Pendant mon enfance, j’ai passé beaucoup de temps à faire ce qu’on appelle chez nous des travaux d’aiguilles. Je faisais des coussins, des vêtements et j’assemblais des couvertures en patchwork et je bro- dais aussi. Donc, je suppose, quand j’y pense maintenant, qu’il y a un lien avec le fait que je me sois lancée dans les films, en trouvant un intérêt particulier et une spécialisation dans le montage, une sorte de patchworking de l’image, et la postpro-duction. Quand je conçois un générique, je tente de créer du sens avec ce qui a été filmé, que je sois en train d’assembler une histoire forte pour un épisode ou de mettre ensemble des séquences plus abstraites comme pour un générique.Quand The Wire* a commencé, j’ai travaillé longuement avec le producteur Robert Colesberry [le parte- naire de David Simon sur cette série] pour développer sa pensée sur l’aspect formel de la série. Pour la présentation du pilote chez HBO, il n’était pas essentiel d’avoir un générique. Je voulais quand même trouver quel- que chose pour la présentation du pilote. J’ai toujours été fascinée par les graphiques en forme de vagues ondulantes que pouvait produire une voix sur l’écran de certains instruments d’enregistrement. Comme ce genre d’enregistrement était au cœur de la première saison de The Wire*, je me suis senti en droit de me concentrer sur des aspects cachés de l’enregistrement. J’ai beaucoup filmé de câbles et d’appareils d’enregistrement, principalement des machines situées dans notre poste de travail, pendant les périodes où nous changions les bobines de notre caméra. Après que nous ayons mis en place un scénario qui nous convienne à tous, j’ai dégradé l’image de la vidéo et j’ai joué avec différents niveaux de couleurs. Le projet a été choisi pour faire une série, et j’ai pris pour principe d’inclure systématiquement une petite séquence évocatrice récurrente dans toutes les [cinq] saisons suivantes de The Wire*. Pour en revenir au petit écran avec la vague graphique qui ondule, je pense que la qualité ce cette image n’était pas à la hauteur du reste de la séquence et du travail final. J’aimais tout de même l’idée d’avoir ce petit morceau récurrent inclus dans le générique.
Y-a-t-il quelque chose qui résume votre démarche ? K.L.T. : Pour Treme*, la direction à suivre était assez simple. J’avais travaillé sur The Wire* pendant plus de sept ans et parmi tous les producteurs, David, Bob, Nina et moi avions développé une façon de fonctionner, une compréhension commune, un accord sur ce qui nous paraissait juste et esthétique. Pour Treme*, je n’ai eu qu’une brève séance de brie- fing pour jeter les bases de la forme que devait prendre le générique. Lors de cette rencontre, David m’a dit très simplement : « montre ce qui a été perdu ». Je suis parti dans cette direction pour montrer non seulement ce qui a été abandonné à la tornade, mais aussi ce qui a été abandonné au temps passé, l’érosion de ce que David appelle « l’inestimable ». Cela était censé avoir de l’importance pour tous les spectateurs non familiers de la culture de la Nouvelle-Orléans. J’avais fait pas mal de recherche de mon côté, avant notre rencontre, pour mettre le doigt sur des motifs récurrents. Les inondations ont probablement été les armes les plus destructrices de l’ouragan Katrina – c’était un matériau perturbant. Et je dois dire que ce travail de recherche m’a profondément marquée. Il était clair qu’il serait difficile de montrer des images des eaux montantes et des courants destructeurs sans exploiter la souffrance humaine. Cependant, sans présence humaine dans les séquences, les eaux n’étaient pas aussi éloquentes ou menaçantes. L’immense souffrance et la perte en vie humaine devait être présente. Alors que j’allais plus loin dans mes recherches et que je lisais des journaux intimes sur ce qu’avait été l’expérience Katrina, une voix commune émergeait : après avoir vu des milliers d’images, un schéma visuel faisait surface. Les gens n’ont, pour la plupart, pas pu prendre de photos avant que les eaux ne se retirent et donc exposer les dommages physiques réels. À ce moment-là, un élément commun, aussi destructeur que fascinant, s’est matérialisé : la moisissure. La moisissure, objet symbolique et conséquence des inondations, est devenue le motif thématique parfait pour ma séquence. La moisissure est un résidu du dégât des eaux, un spore qui se plante obstinément et qui se répand. La moisissure symbolise parfaitement les thèmes sociaux et politiques que David et Eric explorent dans Treme*. Et la moisissure peut être étrangement et tragiquement belle. Et pour Treme* ? K.L.T. : J’ai commencé les recherches avant qu’on ne m’ait donné le moindre script sur Treme*. J’ai ras- semblé par avance un bon nombre d’images. Ma recherche était complémentaire de ce que je commençais à apprendre par l’écriture. Lors de ma rencontre avec David Simon, Eric Overmyer et David Mills, nous avons beaucoup parlé des effets de la tornade et de l’inondation qui a suivi : l’eau, la boue, la rouille. La notion de moisissure ne m’est apparue évidente et pleine de sens qu’une fois bien lancée dans mes recherches.
Avez-vous fait de belles découvertes ? K.L.T. : J’ai découvert une poignée de photographes d’art qui étaient eux aussi fascinés par la nature de la moisissure à la Nouvelle-Orléans, et j’ai utilisé le meilleur de leur travail dans la série. Will Stacey est un photographe en particulier qui me vient à l’esprit. En fait, ses images sont utilisées pour la couverture de l’album de la bande originale de la saison 1. Pour cette saison 1, il nous est apparu assez logique d’utiliser la moisissure comme symbole pour la série. On verra bien, mais je pense que cela pourrait devenir un élément central dans les saisons à venir, et peut-être dans toute la série. À cause de l’énorme quantité de documents accumulés au départ, le générique s’est naturellement rapproché de la forme et de l’esthétisme du documentaire. Il n’y avait pas besoin d’une couche supplémentaire comme une partie animée. Donc, nous avons utilisé une technique de montage relativement simple et directe. L’œuvre finale est une collaboration entre des photographes de la Nouvelle-Orléans et des spécialistes de l’image. Ce n’est pas tant une question de mise en forme. En fait, ce n’est pas sensé avoir été mis en forme du tout. Mon rôle a consisté à trouver et sélectionner les photos et à les assembler par groupes émotionnels. On peut remercier John Chimples pour ce qui est du mouvement, du rythme et de l’emphase qu’il a su imprimer au travers d’un montage dynamique. Il restait difficile de trouver un équilibre entre le contenu visuel bouleversant et la musique prenante vive et rythmée de la bande son. Le fond que nous avons choisi pour afficher les noms à été récupéré dans une séquence finalement ôtée de l’épisode pilote donné à HBO. John a customisé l’action sur les lettres pour que les mouvements fassent penser à de l’eau montante qui prend du volume. Le titre lui-même, Treme*, a été créé par Kayle Simons pour identifier la série. Lui donner du caractère. L’idée derrière tout cela tournait encore une fois, autour de l’idée de l’érosion. Le titre du programme a été apposé sur des surfaces abîmées par l’eau. John a créé une gouttelette qui coule du « R », très simplement. Il l’a filmé mélangée à de l’encre sur de l’acétate. Donc même cette exé- cution créée à la caméra, n’était pas de la haute technologie ou quelque chose de compliqué. Mon style jusque-là dans la création de génériques a toujours été de trouver et d’explorer l’essence même de l’œuvre et non d’imposer une quelconque sorcellerie technologique. Les œuvres de David Simon demande quelque chose de relativement organique : The Wire* parce que nous étions dans une vision hypra-réaliste des choses, et Treme* parce que nous avions sélectionné des photos suffisamment puissantes pour fonction- ner sans artifices. La dernière chose que je souhaitais faire, était d’attirer l’attention vers moi-même en temps que créatrice. « Qui a fait cela !? » ou « Comment est-ce que ça bien pu être fait ?! » Ou encore « Comme ça a du être cher ! ». Non, ces réactions auraient pour moi été un signe d’échec. J’ai toujours préféré l’idée que ces deux œuvres soient connues dans leur globalité, et pas seulement pour un point anecdotique de leur générique. Dans The Wire*, le sujet du générique principal pour la saison 1 étaient les bobines d’enregistrement, là où l’on enregistre des écoutes, soit un des éléments de la procédure policière qui sous-tend la saison. Pour la saison 2 c’était le port. Il n’y avait ja- mais eu de programme télé à propos de ce milieu, nous étions en train de faire On The Waterfront1 d’une certaine manière, et il était important de le mettre en valeur. Pour la saison 3, la dernière image, le gamin sur le vélo, était une image qui avait du sens pour David Simon. C’était un clip très court et nous avons utilisé cha- que image. Dans le générique de la saison 4, j’aime particulièrement une image de Snoop en silhouette noire attendant, une nuit, dans un parc de jeu pour enfants. Il y a la perte de l’innocence, dépeinte de manière évi- dente dans cette séquence. Beaucoup de génériques de séries ferment une boucle – nous nous servons également de cette notion de boucle – en amenant une image de manège sur lequel Nick a trébuché dans la saison Le générique de la saison 5 dépeint différentes sortes de média et une notamment une quantité non- négligeable de média à sensation. Il y a aussi une partie du générique qui rend hommage à tous les soldats tués, ceux qui sont mort pendant la guerre contre la drogue au cours de la série. Cela nous paraissait particulièrement juste car nous savions que notre série touchait à sa fin.
Comment résumeriez le générique de Treme ? K.L.T. : Le générique de Treme* est la synthèse d’un documentaire, d’un scrapbook et d’un album photo. C’est un documentaire car il raconte l’histoire de la Nouvelle- Orléans et de sa culture avant et après Katrina. C’est un album photos, de photos personnelles même avec des morceaux d’albums photos réels. Lors d’un désastre tel qu’un incendie, on vous dit de quitter le bâti- ment en feu immédiatement sans ne rien prendre avec vous. Les gens qui ont survécu à la destruction de leur domicile vous diront que la chose qu’ils ne pourront jamais remplacer, c’est leurs collection de photos. Ils se plaignent de ne pas avoir pensé à attraper leurs albums de famille avant de fuir. Il semblait essentiel de trou- ver et montrer l’irremplaçable même si ce n’est que pour symboliser ce qui avait été perdu mais pas oublié. Je suis restée fixée sur ces sentiments pour le générique. Ces photos ont survécues aux événements catastrophiques de Katrina et sont présentées tels quels aux téléspectateurs. Plusieurs des images qui viennent après sont en effet des photographies et des morceaux d’un vieil album où l’émulsion a été altérée par les eaux. Ces images sont étrangement bel- les, tragiquement belles. Lorsqu’on prend des parties de ces images, elles apparaissent comme de l’art abstrait qui a de grandes qualités esthétiques mais reste respectueux des circonstances. L’idée du scrapbook est concrétisée au travers d’une approche multimédia – films, vidéos et plans immobiles. C’est aussi un scrapbook à cause de sa nature collaborative. Photojournalistes, cinéastes, artistes, agences de presse, agences gouvernementales, archivistes, et photographes amateurs ont tous ici apporté leur contribution. Chaque individu a un lien important avec la ville. Ou bien ils travaillent ou ont travaillé là, ou bien ils ont de la famille là, ou bien ils sont venus aider à nettoyer la ville après l’ouragan. On a prêté attention à la diversité dans le choix des photographies. Je voulais couvrir tous le spectre : joindre la plus haute qualité artistique avec la plus personnelle. Nous avons une photo d’E. J. Bellocq à laquelle a participé Lee Friedlander. Nous avons plusieurs photos prises par des employés du Times-Picayune, le grand quotidien local. Nous avons un cliché fait par la NASA. Nous avons des tirages des archives de Jules Cahn. Et nous avons inclus des photos prises par des citoyens lambda de la Nouvelle-Orléans. Le générique de Treme* est une série de limites dans le temps. Une chronologie de la Nouvelle-Orléans se forme, avant, pendant et après Katrina. En surface, ce qui apparaît est un mini-documentaire. À un ni- veau différent, nous jouons avec l’histoire du cinéma et l’évolution des technologies, en allant du film noir et blanc, vers le film en couleur, puis le film en définition normale, et finalement le film HD. On met aussi de la vidéo amateur pour compléter. La photographie fixe va de la composition formelle jusqu’à la photo prise en famille dans l’inspiration du moment, du tirage sur pellicule jusqu’au numérique. Nous jouons aussi avec la décomposition, en laissant les clichés abîmés tels quels. Puis, les effets de l’ouragan ont leur propre organisation temporelle. Après quelques jours, les eaux se retirent et la moisissure fleurit – une forme d’érosion unique. Tout cela creuse le thème de la perte. Les traditions culturelles évoluent avec le temps. Une collection de photos en noir et blanc, garnies d’encadrements à l’ancienne, énumère les images évidentes de la Nouvelle-Orléans. Nous voyons une flottille typique du Mardi Gras pour la Rex Parade, un monument de cimetière bien reconnaissable, un chef cuisinier en train d’apporter une dernière touche à ce que j’imagine comme étant un plat d’huîtres à la Rockefeller [plat in- venté à la Nouvelle-Orléans], une charrette en stuc tirée par des che- vaux, des filles créoles jouant de la musique, une nouvelle génération d’indiens du mardi gras, le portrait d’une prostituée de Storyville [l’ancien quartier chaud de la ville]. Le lent défilé de photos amateurs en couleur contraste avec les clichés en noirs et blanc. Leur présentation a été inspirée de ma propre collection de photo épinglée sur un panneau d’affichage, dans mon bureau, chez moi. La deuxième parade, qui est quelque chose d’unique, de typique- ment Nouvel-Orléanais, et de central dans la culture locale, va de l’ère Kennedy au monde contemporain.
Quels sont les outils que vous utilisez pour créer un générique? K.L.T. : Personnellement, plus j’en sais sur un projet, meilleur sera le résultat. Pour Treme* et The Wire*, j’ai eu l’avantage de travailler en tant que producer. J’ai eu une ou deux réunions pour parler de la conception du générique, mais j’ai eu un accès illimité au script du jour et à tout ce qui était filmé. Ce qui m’a le plus aidé pour ces génériques, c’est la collaboration totale qui s’est opérée avec David Simon au travail, cette impression d’avoir accès à son cerveau, mais aussi d’avoir partagé un repas ou deux, ou bien encore d’avoir vu ensemble un concert. Parfois, la compréhension mutuelle d’un élément vient de moments hors du tournage. Pour The Wire* saison 5, nous avons tiré nos meilleures images de journaux quotidiens. Je pensais que cela était très important car la vrai- semblance était capitale. Faire de notre histoire et de son déroulement quelque chose d’aussi proche que possible de la réalité dans un décor fictif faisait partie de nos procédés. Ainsi, il nous semblait naturel de sélectionner des images tirées de la presse quotidienne, principalement venus de l’extérieur, puisque la nature intrinsèque de la série était déjà donnée. Pour Treme*, les images sont rapportées de l’extérieur et ne viennent pas de la série, cependant elles semblent être partie intégrante de la série. Je pense que ce sont les images qu’on trouverait si la série avait été axée sur l’ouragan lui même et ses conséquences immédiates. En réalité, la série se situe plusieurs mois après. Donc, le générique retrace cette part de l’histoire de la ville. Katrina et ses conséquences, du point de vue économique et artistique. Beaucoup de gens de là-bas, ceux qui sont restés ou sont retournés à la Nouvelle-Orléans, nous disent que nous avons un rendu juste.
The Wire* comme Treme* sont des œuvres parcourues par de la bonne musique, est-ce important pour concevoir un bon générique ? K.L.T. : Pour The Wire*, nous avions les images bien longtemps avant d’avoir la musique. Avec Treme*, c’est la musique qui a précédé les images. La musique est bien entendu un élément essentiel pour un généri- que de télévision – pour l’esprit et la voix – mais c’est aussi un outil tranchant. Je n’ai vu des génériques sans musique que sur des longs métrages. Il serait intéressant de voir un générique de fiction télé sans musique. Peut être que cela n’a jamais été fait car ça ne pourrait pas marcher, je ne sais pas. Je me sens à l’aise pour assembler des images de générique sans sélection musicale en tête. Cependant, la musique aura un impact important sur le montage et l’effet final. David a mit un certain temps avant de trouver « Way Down in the Hole » comme titre musical pour le générique de The Wire*. Peut-être que cette recherche est à l’origine de l’idée de changer d’interprétation chaque année. Trouver un air assez universel pour couvrir le portée potentielle de The Wire* n’était pas facile. Personnaliser la chanson à l’occasion de chaque saison était une solution singulière et sans équivalent à ce moment-là. J’ai trouvé ce choix satisfaisant et il était chaque fois intéressant de regarder et d’en- tendre des artistes nouveaux à l’occasion de chaque nouvelle saison. Avec une interprétation différente, nous pouvions exprimer le thème de la saison... des enfants dans la saison 4 par exemple, et la classe ouvrière blanche dans la saison 2.
Parlez-nous un peu de David Simon ? K.L.T. : Je travaille sur les projets de David depuis plus de neuf ans et j’étais là en spectateur dans un coin aux côtés de mon défunt mari Robert Colesberry, avant The Wire*. En travaillant ensemble, d’abord David, Bob et moi, puis David, Nina et moi, nous avons développé des codes de travail. Je pense qu’ils me font confiance pour assembler des éléments sans beaucoup de dialogues entre nous. C’est probablement un soulagement pour eux de ne pas avoir à trop s’expliquer. David peut simplement réagir à quelque chose que j’ai réalisé. Et il me rendra un compte-rendu détaillé de son avis, et les avis détaillés sont faciles à satisfaire. Je pense aussi qu’une fois que je lui ai proposé quelque chose, sa propre idée sur ce que le générique aurait dû être se fige. Je pense avoir apporté quelques surprises agréables. David a une approche démocratique des notes. Il croit en la collaboration. Il autorise tous les auteurs et les producteurs à commenter les scripts. D’une certaine manière, je pense qu’il attend les commentaires et les remarques. Il est aussi généreux et ne laisse pas les autres se sentir trop impressionnés. Même pour une note sur un point mineur, il répondra sou- vent avec force détails. David Simon n’a pas d’équivalent.

jeudi 23 février 2012

Génériques ! la préface (le générique ?)

Préface de mon livre "Génériques : les séries américaines décryptées" signée Rob long, auteur du cultissime "Conversations avec mon agent". Je suis très fier qu'il aie accepté d'écrire quelques mots pour mon ouvrage. Ce qu'il dit résume à merveille mon propos. "Il n’y a pas si longtemps, je produisais un programme pour un grand réseau américain. Une comédie romantique, l'histoire d'une jeune fille riche vivant dans un luxueux duplex au dernier étage d'un immeuble de Park Avenue et d'un garçon habitant au sous-sol, avec son père. L'héritière et le concierge, homme à tout faire de l'immeuble : une situation romantique classique. Ce programme s'appelait "Love & Money". Tout naturellement, nous voulions recréer l'atmosphère d'une de ces screwball comedies des années 1930. Nous voulions que les téléspectateurs aient l'impression de regarder une histoire typiquement new-Yorkaise. Ce qui ne pouvait se résumer qu'en un seul mot : Gershwin. Nous avions besoin de l'un de ses morceaux pour notre générique. Nous avons donc parcouru la liste de ses oeuvres mais avons finalement craqué pour une chanson d'Harold Arlen, "Hooray for love" qui résume toute la folie et l'imprévisibilité d'une histoire d'amour. Bobby Short, le grand chanteur de cabaret de Manhattan accepta de l'enregistrer pour nous. Nous nous sommes donc envolés pour New-York et avons passé quelques heures avec ce grand artiste américain. Au final, nous avions une version de trente secondes du classique d'Harold Arlen qui donnait parfaitement le ton du programme. Le public qui écouterait la chanson en regardant le générique saurait immédiatement de quel genre de programme il s'agissait : sophistiqué, espiègle et romantique, avec une touche de conte de fées. Malheureusement, nous ne sommes pas parvenus à réunir un public suffisant pour ce générique, et donc, de fait, pour l’ensemble du programme. Notre série s’est morfondue durant de longues semaines en bas de la liste des audiences établies par Nielsen jusqu’à ce que, finalement, la chaîne nous apprenne la mauvaise nouvelle : "Love & Money" allait s’arrêter. Signe des temps, cette année-là, la plupart des chaînes décidèrent de supprimer les génériques de début, afin d’avoir plus de temps pour la publicité. D’après eux, il était inef- ficace et coûteux de perdre trente secondes pour une chanson et une séquence. C’était également dépassé : les jeunes téléspectateurs avaient l’habitude d’un rythme plus soutenu et d’un montage ultra-rapide, façon MTV. Ils ne resteraient pas devant une séquence ayant pour seul but de créer une ambiance. Et pourtant. Mon premier bou- lot à la télévision consistait à écrire des scripts pour une série qui avait fait ses preuves avec le temps, un classique de la sitcom américaine : "Cheers". Le thème musical du générique, accompagné d’une série de vieilles photographies telles que l’on en trouve dans les bars, donnait le ton de la série, son point de vue. La chanson, qui devint un petit succès et est toujours dans la mémoire des spectateurs, était une simple déclara- tion d’amour au bar du coin : Making your way in the world today Takes everything you’ve got. Taking a break from all your worries Sure would help a lot. Wouldn’t you like to get away? Sometimes you’ve got to go Where everybody knows your name. And it’s always just the same. You want to go where people know, our troubles are all the same. You want to go where everybody knows your name1. Et grâce à cette simple mélodie, les spectateurs se disaient : « J’ai envie d’aller dans ce bar, de passer du temps avec ces personnages ». La chanson était si simple, si amicale, que les scénaristes – et il y en eut des douzaines, moi compris, en onze ans – pouvaient créer des situations où les personnages se comportaient de manière atroce les uns envers les autres. Dans une large mesure, le générique de "Cheers" nous a permis d’écrire une comédie acerbe, au vitriol. On se trouvait dans un endroit « où tout le monde nous connaît » après tout ; la chanson permettait de désactiver bien des choses. Les chaînes sont toujours réticentes à produire des génériques, pour des questions de temps et d’argent, malgré le fait que certains des plus grands succès actuels ("Mon oncle Charlie", "The Big Bang Theory", "Mad Men", "Breaking Bad", et même – mon Dieu ! – "The Real Housewives of New York") disposent de génériques de début plutôt longs et descriptifs, doublés d’une chanson immédiatement identifiable. Vouloir les supprimer relève d’une vision à court terme. Et il n’est pas prouvé que le jeune public, particuliè- rement dans la tranche convoitée des 18-45 ans, soit rebuté par un générique de trente secondes. Après tout, cela constitue une forme d’ouverture, une sorte de refrain introductif, une manière de dire « bienvenue, instal- lez-vous confortablement ». C’est le roulement de tambour avant le début du spectacle, le chorus de guitare avant que la chanson commence. Les génériques sont indispensables. Tout a commencé à la radio. Les vieilles émissions, comme "Duffy’s Tavern" ou "The Shadow", comportaient toujours un générique, sous une forme ou sous une autre. "The Shadow", diffusé dans les années 1930, débutait par cette question : « Qui connaît les tréfonds de l’âme humaine ? », dont la réponse, « The Shadow ! », était accompagnée d’une musique effrayante et d’un roule- ment de caisse claire. Plus tard, à la fin des années 1950 et durant les années 1960, des sé- ries comme "Bonanza" ou des sitcoms comme "The Beverly Hillbillies", racontaient tout le contexte du pro- gramme durant le générique. Rares sont les Américains, tous âges confondus, qui ne peuvent chanter en intégralité les chansons de "The Beverly Hillbillies" ou de "Gilligan’s Island". "Ma sorcière bien-aimée", sitcom à succès et au long cours – dans laquelle un publicitaire débordé de travail vit en banlieue avec sa femme qui possède des pouvoirs magiques (une sorte de "Mad Men", la sorcellerie et les plaisanteries en plus) – racontait cette histoire grâce à une séquence d’animation de quarante-cinq secondes, accompagnée d’une mélodie enjouée. Et cela ne se limitait pas aux comédies légères. Dans les années 1970, des séries plus intelligentes et plus so- phistiquées, comme "All in the Family", "M*A*S*H" et "Il faut marier papa" utilisaient images et musique pour ancrer leur univers dans un temps et un lieu donné. La sombre mélancolie du générique de "M*A*S*H" plane encore sur la télévision. Il s’agissait d’une série sur les médecins militaires en temps de guerre, qui hésitait souvent entre comédie et tragédie. Quelle meilleure manière de mettre le spectateur dans l’ambiance, de donner le ton et le point de vue de ce programme, que cette chanson à la fois rythmée et triste ? Évidemment, au bout du compte, les impératifs économiques de la télévision ont forcé les chaînes à revoir à la baisse les excès des génériques. Aujourd’hui, la plupart des séries se contentent d’une mélodie de cinq ou six secondes, suivie d’une interminable liste de noms se superposant aux premières scènes. En d’autres termes, tandis que l’histoire commence, les patronymes des acteurs, des scénaristes, des producteurs, du réalisateur, apparaissent et disparaissent, de manière parasite – et inefficace. Pourtant, les génériques jouent un rôle essentiel. Les séries qui les ont conservés – sur des chaînes câblées comme HBO ou Showtime, et sur des chaînes à forte audience, comme CBS – parviennent à créer un lien avec le public plus pérenne, plus pro- fond, que quelques notes de musique et une première scène surchargée. Un jour peut-être, tout le monde reprendra ses esprits et les utilisera à nouveau, dans toute leur dimension musicale. Le public, j’en suis convaincu, en sera ravi. Quand ils reviendront, je serai prêt. Je suis déjà en train de feuilleter mon livret de Gershwin. Je serai peut-être le premier scénariste à créer une série parce que j’ai craqué pour une chanson donnée. Commencer par créer un générique, c’est peut-être ne pas faire les choses dans le bon ordre mais, d’une certaine manière, c’est tout à fait logique". Rob Long

samedi 4 février 2012

The Killing, une tuerie.

Ok, je me réveille après tout le monde. J’avais bien vu passer quelques trailers efficaces sur le sujet à l’époque de la diffusion de la série sur Arte. Des personnages inquiets, dans leur Danemark nocturne, de jolies femmes aux regards fatigués, un sale crime et un habillage musical aussi lancinant qu'efficace. Le problème, c’est que de tout temps, bien débuter une histoire, faire monter la tension a toujours été possible. Demander à David Lynch où JJ Abrams. C’est le reste qui est plus problématique. Avec The Killing, Forbrydelsen, en danois dans le texte, on est face à une fiction qui justifie amplement son nombre d’épisodes (pour combien de séries US est-ce vraiment le cas aujourd’hui ?). Un copain me disait il n’y a pas très longtemps, avoir le sentiment que dans la fiction outre-Atlantique actuelle, si l’on enlève les grandes œuvres, on se retrouve avec des séries qui proposent plus en terme de bouleversements dans leur dernier épisodes que dans une saison entière (on exagère à peine !). Avec The Killing, on en a pour son argent. Toujours est-il que j’ai décidé de regarder The Killing. Je dois avouer que les toutes premières minutes, notamment le crime dans les bois, ne m’ont pas mis dans la meilleure des dispositions. L’arrivée du Commissaire adjoint Lunde non plus (blague de ses coéquipiers à l’occasion de son départ en Suède). Mais, à l’image de la série entière, il a fallu un petit temps pour que la mécanique démarre et ne s’arrête plus jamais.
Je ne suis pas un fan des marathons de séries. Regarder trois ou quatre épisodes par soirée ce n’est pas mon truc. Je le dis même à la radio ! Il n’empêche que c’est comme ça que j’ai dévoré ce thriller nordique à l’emballage visuel vraiment réussi. En effet, au-delà de l’histoire, sombre, humaine et complexe en diable, The Killing est surtout une fiction qui joue avec les codes réussis de la fiction télé à épisodes. Son « previously », enchassé dans les cartons très sobres du générique, son tapis musical entêtant de fin d’épisodes et une galerie d’acteurs pour la plupart extrêmement crédibles (même avec le doublage français, et oui...) rendent l’objet –même si je n’aime pas cet adjectif que je range au côté de « culte » dans mon armoire des termes galvaudés en télévision – addictif. C’est bien réalisé. Le tempo des révélations et des twists est proche de la perfection. Bien sûr, au bout d’un certain nombre d’épisodes on peut être tenté de se demander si les zig-zags de la procédure ne sont pas trop artificiels. Personnellement, j’aime beaucoup comment se mélange les différentes trames de la fiction. Crime de la jeune lycéenne puis sa vie trouble, vie perso de l’héroïne, élections municipales, secrets des uns et des autres. On ne voit pas le temps passer. Les cinquante minutes rétrécissent. C’est très souvent bon signe. The Killing est clairement pour moi un modèle à suivre en terme d’écriture mais aussi de rendu visuel. C’est bien réalisé avec des moyens limités. Ça dit des choses sur un univers. Ça n’oublie pas d’être complexe et exigeant. Ça me donne encore plus envie d’écrire en pensant d’entrée à la musique et au type de réalisation qui va aider l’histoire à s’incarner. Les moments suspendus avec des voix a capella, ou les moments tendus sont ici magnifiés. Venue en séminaire à Paris, l’équipe de Borgen, une autre série danoise très réussie située dans le quotidien d’une femme Premier Ministre, a expliqué les conditions particulières de productions. Je cite un collègue, Martin Brossolet, qui a noté ces critères de développement : • La chaine nationale Danoise (DR1) a décidé de faire de la fiction une priorité car elle définissait son identité nationale. • Sans ligne éditoriale particulière, elle a demandé à des auteurs de lui proposer leurs" images" de leur pays. • Les responsables de DR1 ont posé comme principe que l'auteur scénariste était le dépositaire d'une vision, perfectible certes, mais qui devait être nourrie et protégée. • La chaine entretient des scénaristes dont elle a aimé les pitchs en les payant parfois pendant deux ans avant le premier scénario. • Elle produit avec un producteur maison mais des chefs de postes freelance motivés, dont le choix revient essentiellement à l'auteur/showrunner. • En cas de désaccord, le producteur donne quasiment systématiquement raison à l'auteur initial sur le réalisateur, car c'est le créateur/showrunner qui est le dépositaire de la vision originale. • DR1 fait des saisons de dix renouvelables dès les 3 premiers épisodes diffusés (un par semaine). • Depuis 2000 la chaîne a été nominée 8 fois aux Emmys et en en gagné 5, plus deux prix italia et un fipa d'or. Ces récompenses internationales prestigieuses lui ont permis d'assurer des financements étrangers par des investisseurs qui venait investir chez eux avant même de savoir ce qu'ils allaient faire. (The Killing est co-financée par le lander de Bavière). J’aimerais beaucoup avoir l’opportunité d’écrire dans un tel système. Je suis sûr qu’il a aussi des défauts mais cette possibilité d’avoir du temps pour écrire et un certain nombre d’épisodes pour faire vivre et dépeindre un univers cohérent me paraît être une très bonne solution. Je ne parle même pas des prérogatives artistiques laissées au scénariste, pas au détriment, en collaboration étroite avec le réalisateur. Le deal étant que ce dernier ne vient pas simplement toit réécrire mais consulte le scénariste. Ensemble, ils bâtissent l’œuvre. Science-fiction ? The Killing est la preuve que non.
Je n’ai pas vu le remake, initié par AMC aux Etats-Unis. Je trouve dommage que les américains se sentent obligés de tout adapter. Et après ça, je me mets à Borgen, autre série danoise écrite dans les mêmes conditions que Forbrydelsen avant que Jason Katims (Friday Night Lights) ne l’adapte pour la télé ricaine.

mercredi 18 janvier 2012

Génériques ! LE LIVRE

J'en avais parlé ici-même il y a quelque temps en diffusant un morceau d'entretien que m'avait accordé Matthew Weiner à propos de la séquence générique de sa série Mad Men. Voici donc mon livre, un regard distancié sur le générique de série, un domaine dans lequel les américains et les anglais n'ont pas de concurrents à l'heure actuelle. Ce qui est passionnant avec le générique, c'est que c'est une façon décalée de parler des séries, d'analyser les manières de produire, de vendre et de diffuser ces histoires qui peuvent parfois se poursuivre durant de longues années en ayant l'obligation schizophrénique d'être à la fois tout à fait pareil d'épisode en épisode mais jamais vraiment pareil non plus... Le générique, sous toutes ses formes, nous parle de cela. L'ouvrage publié aux éditions Les Moutons électriques sort le 17 février. J'aurai l'occasion de revenir plus précisément sur le contenu. D'ici, faites passer l'info Génériques ! arrive.